Les médecins généralistes peuvent s'enorgueillir d'avoir pris l'initiative rapidement contre la pandémie via, certes des structures existantes, mais opérationnelles. Ce sont eux qui sont à l'origine des centres de tri. Les cercles de MG ont également retrouvé leur légitimité aux yeux des autorités de santé publique. Les MG ont largement contribué à éviter des goulets d'étranglement dans les hôpitaux. Mais il manque un plan d'urgence pandémique global en Belgique inspiré de la chose militaire... Tirerons-nous les leçons de la pandémie ? Rien n'est moins sûr alors que se profile une crise économique et sociale profonde.
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Guy Delrée, président du FAGW (Forum des associations de MG wallons) pointe, parmi les réalisations des MG, la fait qu'ils ont changé leur manière de travailler très rapidement. " Nous avons modifié de notre propre initiative l'examen clinique vers une consultation téléphonique. Ce changement de paradigme a contribué à casser la pandémie je pense. Lorsque le pic est arrivé, nous avons ainsi pu nous occuper de nos patients par téléphone, les rassurer, les garder à la maison et éviter un engorgement des services d'urgence, au contraire de l'Italie. "Au niveau des centres de tri, là aussi dans l'urgence, les MG ont bien réagi, précise ce généraliste exerçant à Marche-en-Famenne. Mais " pour l'ensemble de nos initiatives, nous avons été mal payés. Désolé de le dire. Pour faire un job mal protégé, pas confortable, avec des patients qu'on ne connaît pas et un virus qu'on ne connaît pas non plus. "Guy Delrée estime que la profession s'est soudée dans l'adversité, malgré quelques différends parfois entre l'Absym et le GBO. " Autour du Collège de médecine générale (CMG), il y a eu une bonne entente généralement. On est content de voir que nos réunions retransmises par YouTube sont de qualité. "Face à la relative starification des ténors de la MG qu'on a vu à la télé à plusieurs reprises, Guy Delrée temporise. " Je n'aime pas le mot star. Avoir quelqu'un comme Thomas Orban (président de la SSMG et du CMG, ndlr), la même personne qui revient de manière récurrente, c'est positif. D'abord parce qu'il s'exprime bien, il parle bien... On identifie une personne à notre combat. Si on y était allé chacun son tour, ça n'aurait pas eu le même effet. Cela aurait été cacophonique. "Le MG remis enfin au centre du système ? " Oui et non. Des discours officiels disent : 'Le MG est un maillon essentiel. Il doit être revalorisé. ' Ça fait des années que j'entends cela. Ce sont des promesses. Je ne suis pas sûr du tout que cela va se réaliser. On va avoir un tsunami économique et social, des déficits énormes à combler. Il y aura toujours moins d'argent pour la sécu. La crise économique va complètement faire oublier ce que les politiques ont promis. Je ne me fais pas d'illusion. "Paul De Munck, président du GBO, se réjouit d'avoir pu, grâce à des structures déjà opérationnelles comme le CMG qui représente les syndicats, la SSMG, les cercles, les universités, réagir au quart de tour. " Au déclenchement de la crise, cette structure s'est mobilisée au travers d'une 'cellule Covid-19', composée d'un représentant de chaque composante de ce collège. Ses six représentants se sont réunis et se sont parlés chaque jour voire plusieurs fois par jour (ou de la nuit) par visioconférence entre eux ou avec le terrain. Ils ont publié des communiqués. Grâce à nos relations, on a pu faire que la médecine générale soit intégrée dans certains organes de gestion de la crise. Par exemple, le CMG siège au Risk Assessment Group dont il ne faisait pas partie au départ. Comme c'était scientifique, c'est la SSMG via Thomas Orban qui y siège. C'est formidable de travailler ainsi de manière collégiale avec nos différentes casquettes. Au sein de la Task force 'testing-tracking en ligne', les autorités ont voulu s'appuyer sur la compétence des MG. On y est représentés par le président du CMG et les deux présidents des cercles, FAGW et FAMGB. On est également présents au sein du cabinet Maron (principal ministre bruxellois de la Santé, Ecolo) via la 1ère ligne bruxelloise. Idem auprès du cabinet Morreale (ministre wallonne de la Santé, PS) . Avec sa casquette syndicale, le CMG négocie aussi à l'Inami les financements de la bataille contre la pandémie. "La médecine générale a-t-elle acquis une forme de nouvelle reconnaissance ? " Aujourd'hui, c'est vrai, elle est incontournable, elle est un acteur-clé. Mais si nous devions aller frapper à la porte des institutions pour obtenir des moyens financiers supplémentaires au Fédéral, Régional ou Communautaire, pour, par exemple, financer le CMG ou les composantes qui y siègent pour le supplément de travail accompli pendant la crise, je ne suis pas sûr du tout de la réponse. " Paul De Munck voit donc dans cette crise l'occasion d'une reconnaissance symbolique plus que financière alors que la charge de travail ( " 506 emails de retard au 27 mai ") a décuplé. De quelles réalisations les MG peuvent être les plus fiers ? " D'abord, en tant que MG, le fait qu'on a répondu à l'urgence sanitaire. On a répondu 'présent', on s'est retroussé les manches, on a relevé un défi sans aucun équipement de protection au début. C'est pour moi l'élément majeur. C'est la médecine générale qui a imaginé les centres de tri ! Ça a été déterminant ! Si on avait attendu de les financer pour les organiser, ç'aurait été une catastrophe bien plus grande ! Les arrêtés ad hoc ne sortent que maintenant ! On mérite la médaille d'Or ! "Cependant, il fallait selon De Munck nommer un chef (sur le modèle du " commissaire Influenza " pendant la " crisette " H1N1). " Or ce chef, on le cherche toujours. Au contraire, les compétences de Maggie De Block ont été éclatées entre ministre des frottis, ministre des masques, ministre des laboratoires, etc. On n'a pas de plan d'urgence global qu'on peut activer en 48 heures ! C'est ça le problème. Ni de stock ! Il faudrait élaborer un plan global, actualisé tous les ans. Je suis certain que l'armée belge a un plan en cas d'invasion ennemie. En guerre sanitaire, il faut des chefs et des sous-chefs et des fantassins armés avec munitions, armes, pare-balles et casques. Une fois élaboré, ce plan devra être mis à jour. Un plan bien conçu doit être valable face à l'imprévu ! Imaginons que ce soit l'Ebola et non le Covid, il faut s'adapter. "En parallèle, la constitution d'un Plan stratégique de développement de santé publique est, pour le patron du GBO, indispensable. " On fait des plans cancer, des plans antitabacs... Mais des plans stratégiques à 30 ans qui intègrent une stratégie en cas d'agression virale, point. Il ne faudra plus des semaines pour enclencher des bazars, créer de nouveaux bazars, déplorer qu'un ministre de la Santé ne le soit plus qu'en titre puisqu'on lui enlève la distribution des masques, les frottis, etc. "Au passage, le Dr De Munck souligne que la Santé publique a redécouvert l'importance des cercles de MG alors que ceux-ci avaient été exclus de la gestion de la garde. Par contre, le président du GBO n'est pas sûr du tout qu'on tirera les leçons de cette crise. " Je demande à voir ! Traduire en actions et décisions d'exécution les leçons tirées, j'ai de gros doutes. Il faudra être vigilants face à ceux qui déclarent aujourd'hui : 'plus jamais ça'... "