Comment venir à bout des fausses croyances en matière de vaccination? Et comment éviter de reporter des vaccins? Lors du symposium "Saint-Valentin" [1], Julie Spoden, médecin généraliste à Louvain-la-Neuve, a donné quelques trucs et astuces.
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Fortement impliquée dans la vaccinologie via son rôle d'experte généraliste au Nitag (National Immunisation Technical Advisory Group, du CSS), la Dre Julie Spoden s'est attachée à débunker quelques idées fausses sur la vaccination. "Comment améliorer nos pratiques vaccinales? Le but étant d'éviter le report de vaccination puisqu'au plus tôt on vaccine, au plus tôt on protège nos patients. Or, les biais cognitifs contribuent à véhiculer de fausses croyances sur les vaccinations."Ces biais cognitifs sont liés au traitement des informations, à la prise de décision et à des croyances antérieures concernant la vaccination. "Il y a par exemple l'effet d'ancrage, c'est la tendance à se fier fortement à une information reçue en premier. Il sera par exemple difficile de changer des pratiques apprises en stage."La vaccination charrie son lot de fausses croyances, notamment relatives au processus décisionnel. En voici quelques exemples: -'Reporter l'entrée en crèche permet de reporter les vaccins': "L'idée est de rappeler aux parents qu'il faut plusieurs doses pour obtenir une protection de longue durée et que l'enfant est en contact avec des maladies ailleurs qu'à la crèche", indique-t-elle. -'La surcharge immunitaire est dangereuse, surtout chez les tout-petits': "Les vaccins multivalents permettent de diminuer le nombre d'injections, donc l'inconfort du bébé et le nombre de consultations. Depuis le début de la vaccination, la quantité d'antigènes a fortement diminué dans les vaccins (grâce aux adjuvants) et une étude de 2002 a montré qu'un bébé pourrait supporter jusqu'à 10.000 vaccins! On en est loin! Le système immunitaire du bébé ne sera pas davantage affaibli par un vaccin combiné ou par plusieurs injections le même jour."-'Le danger des métaux lourds': "Les adjuvants comme les sels d'aluminium sont connus depuis longtemps et sont indispensables pour les vaccins inactivés. Grâce à eux, on a pu diminuer la quantité d'antigènes des vaccins. Par ailleurs, l'aluminium est présent dans l'environnement et une étude a montré que l'absorption d'aluminium par un bébé allaité était supérieure à celle issue de tous les vaccins cumulés", explique-t-elle. -'Les antivax, c'est une mode, on ne peut rien y faire': "L'hésitation vaccinale existe depuis l'introduction du premier vaccin contre la variole. C'est un comportement qui résulte d'un processus de décision complexe, variable et influencé par de nombreux facteurs. Elle peut être liée au vaccinateur, qui a donc un rôle important à jouer."Il est essentiel de commencer par écouter le patient et le questionner, insiste la Dre Spoden: "Quand je vois des carnets de vaccination incomplets, j'ai pris l'habitude de demander pourquoi et s'ils veulent en discuter? Les gens me répondent parfois qu'ils n'en savent rien, qu'on ne le leur a jamais proposé, ils ne se rendent pas compte de l'importance de ce vaccin... Depuis que je questionne ainsi les patients, mon taux de vaccination a augmenté. Donc, n'hésitez pas à en parler!""Parfois, juste en discutant avec le patient et en lui donnant les infos nécessaires, on peut changer les choses. Il faut prendre le temps de parler avec ceux qui doutent, ne pas les cataloguer directement, accepter que certains patients ne feront pas ce qu'on veut, mais que si on reste disponible et qu'on ne les exclut pas de notre pratique, on peut réellement avoir une communication intéressante. Ceux qui refusent la science établie ne constituent qu'un petit groupe, et les personnes totalement antivax sont très rares", souligne-t-elle. Certaines fausses croyances concernent les maladies. Croire, par exemple, que la vaccination HPV ne concerne que les filles, alors qu'elle vise filles et garçons depuis 2019. "Pour le vaccin contre la coqueluche, certains pensent qu'il ne faut pas revacciner les mères, alors qu'il se fait à chaque grossesse pour assurer l'immunité passive du bébé. On peut proposer la vaccination cocoon si la maman n'a pas pu être vaccinée pendant sa grossesse."L'acte vaccinal lui-même entraîne des fausses croyances. Julie Spoden invite à faire la distinction entre les contre- indications formelles (allergie grave à un composant du vaccin ou à un vaccin antérieur), transitoires (maladie aiguë avec température, immunodépression, grossesse, âge...) et les fausses contre- indications (diarrhée, infections respiratoires mineures, réaction légère ou modérée au site d'injection, prise d'antibiotiques, allaitement, autres allergies qu'à une composante du vaccin...). Faire simultanément plusieurs vaccins le même jour est tout à fait possible. "Idéalement, il faut changer de site d'injection et, si on ne peut pas, il faut espacer de 2,5 cm."Enfin, il est faux de croire qu'on ne peut pas agir sur la douleur. "Pour l'OMS, c'est essentiel, au risque de répercussions sur les parents qui, traumatisés, pourraient reporter la vaccination, et sur l'enfant qui pourrait être traumatisé par le monde médical. Les adultes ont aussi besoin d'être rassurés, il ne faut pas hésiter à leur proposer de se coucher, de mettre de l'emla..."La Dre Spoden termine par quelques trucs et astuces: ne pas piquer dans la fesse ; ne pas aspirer avant de piquer ; tapoter le site d'injection n'est pas efficace ; laisser les vaccins à température ambiante ne sera pas moins douloureux et on risque de casser la chaîne du froid ; plus on reste dans le bras, plus c'est douloureux... "Si on veut agir sur la douleur, on pique, on injecte et on ressort! Le risque principal de la vaccination, c'est de reporter les vaccins!"