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La mutualité Partena (Mutualité libre) conviait récemment un mini-panel d'experts à plancher sur l'intelligence artificielle en santé avec le Dr Grégoire Pigné, médecin oncologue radiothérapeute au CHU de Saint-Etienne et fondateur de la start-up PulseLife. L'accompagnaient Benoit Macq, professeur à l'École polytechnique de Louvain, spécialiste de l'application de l'IA en santé et Jean-Baptiste Fanouillère, doctorant en sciences politiques de l'ULiège, spécialisé dans l'émergence des technologies numériques dans le domaine de la santé. "Le corps humain et les jumeaux numériques de tumeurs sont des outils prometteurs pour personnaliser les traitements par essais et erreurs", a d'emblée souligné le Dr Pigné. L'IA permet également de développer de nouveaux traitements et vaccins. Prenons l'exemple des modèles ChatGPT. Ces IA utilisent l'apprentissage autosupervisé pour répondre à des questions en se basant sur des exemples fournis par des humains, et l'apprentissage par renforcement pour éliminer les réponses inappropriées, comme celles racistes ou politiquement incorrectes. En ce qui concerne la santé, l'IA peut améliorer considérablement la précision des diagnostics. Prenons l'exemple du dépistage du cancer du sein: actuellement, deux tiers des résultats positifs sont en fait des faux positifs, ce qui entraîne un stress inutile pour les patientes, ainsi que des biopsies inutiles. L'amélioration des algorithmes pourrait réduire ces faux positifs, allégeant la charge mentale des patientes et réduisant le nombre de biopsies. De même, avec des avancées comme le séquençage complet du génome pour 100 dollars, il pourrait être possible d'identifier les risques génétiques de maladies comme le cancer ou les maladies neurologiques, permettant ainsi une médecine plus personnalisée et préventive. Cependant, l'utilisation de l'IA en médecine soulève des questions éthiques. Par exemple, une analyse génétique peut révéler un risque élevé de maladies graves comme Alzheimer, ce qui peut être perturbant pour les patients. Cela nécessite une approche équilibrée, associant médecins et patients dans le processus décisionnel. La médecine du futur repose sur l'intégration de données massives (génome, imagerie, etc.) et sur des outils comme l'IA pour prendre des décisions plus éclairées. L'objectif est de réduire les coûts tout en améliorant la qualité de vie des patients, en ciblant notamment les traitements préventifs et personnalisés. Par exemple, les algorithmes de deep learning peuvent aider les médecins à interpréter un grand nombre de données, allégeant leur charge mentale tout en maintenant leur performance. L'IA peut aussi contribuer à la médecine participative, en engageant les patients dans les choix thérapeutiques ou, à défaut, leurs représentants médicaux comme les infirmières en oncologie. Les projets actuels, comme celui sur le dépistage des risques polygéniques pour le cancer du sein, montrent que nous pouvons ajuster les traitements en fonction des profils génétiques des patientes. Cependant, il est crucial d'accompagner les résultats avec des discussions appropriées pour éviter les chocs psychologiques. L'IA a le potentiel d'améliorer la précision des diagnostics et de rendre la médecine plus humaine, en optimisant les traitements et en réduisant les erreurs médicales, mais elle doit être utilisée avec précaution et en tenant compte de l'impact humain. En conclusion, si les médecins (notamment) utilisent ChatGPT intelligemment, cela peut les amener à des décisions plus éclairées. Mais s'ils l'utilisent "bêtement", cela risque de les rendre moins autonomes. Pour bien utiliser ces outils, il est crucial de travailler en équipe. La lutte contre le cancer, par exemple, repose sur la collaboration entre oncologues, radiothérapeutes, infirmières et autres professionnels. L'usage optimal de l'IA repose sur des coalitions apprenantes, où les participants s'engagent à partager leurs données et à interagir autour de l'IA de manière commune. Jean-Baptiste Fanouillère s'est spécialisé dans la sociologie du numérique, en étudiant les réseaux sociaux, la blockchain, l'intelligence artificielle, ainsi que la gestion des données personnelles dans des domaines comme l'éducation et la santé. Le doctorant milite pour l'inclusion citoyenne, le respect de la vie privée, et une réflexion systémique sur le développement technologique, en mettant en lumière les enjeux politiques et sociétaux, au-delà des perspectives commerciales et sécuritaires. M. Fanouillère critique l'usage généralisé de l'intelligence artificielle (IA), expliquant qu'il existe différentes formes d'IA (faible, forte, générative) et que leurs impacts dépendent du contexte d'application. Il souligne les enjeux éthiques, comme la surveillance et la "réidentification" du patient par ses données médicales, et insiste sur l'importance de définir clairement les objectifs avant de déployer ces technologies. Il critique également le "déterminisme technologique", qui prétend que le progrès est inévitable, et appelle à des débats sociétaux sur les limites et les cadres éthiques à imposer au développement de l'IA. Pour lui, ce qu'on appelle le "solutionnisme technologique" est une croyance erronée que tous les problèmes, comme le manque de médecins, peuvent être résolus avec plus de technologie. L'IA devrait assister les médecins, pas les remplacer, et former plus de médecins est une décision politique. Le problème des déserts médicaux est lié à des politiques néolibérales et à une baisse des financements publics. Enfin, il faut rappeler que l'IA fait des erreurs comme les médecins, l'important est d'apprendre à l'utiliser correctement. Les futurs médecins doivent comprendre leurs limites et bien gérer les risques, tout comme ils le font avec d'autres outils médicaux. Il faut enseigner aux professionnels de santé à douter davantage, car le doute est essentiel en médecine.