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"C 'est un défi de gérer la vaccination avec une telle diversité de vaccins mais, grâce à elle, on a appris énormément et on continue à apprendre. L'enjeu de cet apprentissage c'est non seulement de contrôler la pandémie mais aussi de se préparer à la prochaine", commente le Pr Marchant. Actuellement, 22 vaccins Covid-19 sont autorisés dans le monde et 91 sont encore en développement dont 11 en phase 3. " On est particulièrement attentif aux vaccins recombinants adjuvantés ou aux nouvelles générations de vaccins inactivés. De nouveaux outils vont être générés et nous aider progressivement à contrôler le problème au plan planétaire. Il n'est pas aisé de s'y retrouver dans cette diversité mais l'essentiel de nos données actuelles sont rassurantes". Quelle réponse immunitaire attend-on? " Essentiellement des anticorps neutralisants qui lient le virus en milieu extracellulaire, mais aussi des lymphocytes T cytotoxiques qui sont capables d'identifier les cellules déjà infectées par le virus, de les détruire ou d'augmenter leur capacité à contrôler la réplication virale. Ce qui est intéressant c'est que les différentes classes de vaccins n'ont pas la même capacité à induire ces deux types d'immunité: seuls les vaccins à ARNm et les vecteurs viraux sont capables d'induire également des lymphocytes T cytotoxiques, en complément de l'immunité humorale". Peut-on lier l'immunogénicité des vaccins à leur efficacité? " C'est une question clé à laquelle on tente de répondre depuis le début. Aujourd'hui, on ne peut pas vraiment le dire pour les lymphocytes T parce que c'est compliqué à mesurer", constate-t-il. En revanche, les études ont montré que la corrélation entre le taux d'anticorps induits par différents vaccins et la protection mesurée dans les essais cliniques est bonne. Les vaccins qui induisent les taux d'anticorps les plus élevés (AC neutralisants ou AC liants) sont ceux qui protègent le mieux contre l'infection symptomatique. C'est très important parce que ça nous rapproche de ce qu'on appelle un 'corrélat de protection'. Les taux anticorps sont sans doute un très bon marqueur de la protection induite par la vaccination. Le problème c'est que nous n'avons pas encore le niveau de standardisation et la solidité des données pour pouvoir dire 'pour être protégé, il faut x unités/ml d'AC'". Pourquoi un corrélat de protection est essentiel? " D'une part, parce qu'il y a plein de vaccins encore en développement et réaliser des études de phase 3 devient extrêmement compliqué: si vous avez un taux d'AC qui peut être défini comme protecteur, le vaccin qui est capable d'induire ce niveau peut être considéré comme potentiellement efficace et utilisé. Par ailleurs, un corrélat de protection permettrait de guider l'utilisation des vaccins déjà autorisés: pour des populations particulières (patients vulnérables...), quel taux d'anticorps doit être considéré comme non satisfaisant et amener par exemple à l'administration d'une dose de rappel?"Les variants sont au coeur des préoccupations. " Quand vous êtes vacciné, ce qui est important c'est la diversité d'anticorps qui vont permettre de contrôler le virus Wuhan. Si vous rencontrez un variant qui a des mutations au niveau de la protéine Spike, ces AC seront, en moyenne, moins capables de se lier à cette protéine et donc de neutraliser le virus. Mais, certains sont quand même capables de le faire, c'est pour ça que j'insiste sur cette diversité: certains AC induits par la vaccination restent quand même capables, d'autres moins, voire pas du tout", souligne Arnaud Marchant. Dès lors, que faire? " Essayer d'atteindre les taux d'AC les plus élevés possible parce qu'alors ceux qui sont capables de se lier seront présents en nombre suffisant pour contrôler le virus. Le fait d'avoir une réponse vaccinale optimale que ce soit par le nombre de doses optimales ou parce que le système immunitaire répond de manière optimale est la clé de la défense contre les variants". La crainte est de voir apparaître un variant complètement non neutralisable par les anticorps induits par la vaccination, nécessitant le développement d'un vaccin contenant la protéine spécifique de ce variant. Cependant, il ne sera pas possible de faire des études de phase 3 avec tous les vaccins disponibles chaque fois qu'un nouveau variant apparaît. Les modèles mathématiques devraient permettre de faire face à ce défi et de prédire l'efficacité des vaccins contre les nouveaux variants, sur base de leur capacité de neutralisation mesurée in vitro. "On va adapter ces modèles à chaque nouveau variant pour anticiper et décider des politiques de santé publique", explique-t-il. Qui d'un schéma vaccinal hétérologue "prime-boost"? Donner un vaccin à adénovirus suivi par un vaccin à ARNm s'avère plus réactogène et immunogène. " La combinaison hétérologue est la plus performante pour induire des lymphocytes T cytotoxiques. Cette arme pourrait vraiment changer la donne pour nous amener à des taux d'immunité suffisants, même pour contrôler les variants". Autre souci: la vaccination systémique n'induit pas beaucoup d'anticorps au niveau des muqueuses nasales. D'où l'idée d'une vaccination mucosale visant à induire plus d'anticorps au niveau des muqueuses et donc à mieux contrôler la réplication virale à ce niveau-là. " On n'en est qu'au début de cette approche, je pense qu'elle va se développer et aboutir", commente le Pr Marchant . "C'est soutenu par une série de données obtenues dans des modèles animaux: la vaccination intranasale chez la souris avec un vaccin protéique induit des anticorps de type IgG, mais aussi des IgA qui sont particulièrement efficaces au niveau des muqueuses".