Parodier la devise des États-Unis n'est pas original, mais particulièrement approprié actuellement. La tendance haussière de l'or a en effet surtout pour origine la démarche de divers pays voulant renforcer leurs réserves de métal jaune, au détriment des obligations de l'État américain. Et ce n'est pas fini!
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L'actualité récente impose d'abord un autre sujet d'attention à propos de l'or: son comportement au lendemain du krach boursier du tout début avril. C'est le 2 avril, qualifié par Donal Trump de Liberation Day, que le président américain a, dans une mise en scène savamment étudiée, présenté les droits de douane infligés aux produits importés de l'étranger. Il l'avait annoncé, mais beaucoup attendaient quand même des taux plus raisonnables. Résultat: deux jours de marchés boursiers en chute. Et qu'a fait l'or durant ces journées de quasi-panique? Il a baissé! De 4,5% sur une semaine. Est-ce bien normal pour ce que l'on qualifie de valeur refuge par des temps troublés? Force est de reconnaître que son statut ne s'est pas vraiment vérifié! Et ce n'est pas la première fois. On observe même que, contrairement à l'affirmation commune, l'or ne s'apprécie presque jamais en de telles circonstances, du moins pas depuis longtemps. Peut-être garde-t-on le souvenir, pourtant lointain, de la Noël 1979, quand l'URSS envahissait l'Afghanistan. Les discours au ton fort dramatique alors prononcés par plusieurs personnalités, dont le président français et le pape, ont provoqué une réelle panique auprès d'une partie de la population et l'or se vit bel et bien revêtu du statut de valeur refuge: à Paris, le cours du napoléon, la pièce de base de l'épargne des Français, a doublé en une journée! On n'a rien vu qui y ressemble depuis, ni de près, ni de loin. Il faut ajouter, en toute objectivité, que l'on peut imaginer une raison technique à cette morosité du métal jaune. En cas de krach boursier, certains spéculateurs ayant pris des positions spéculatives à la hausse se retrouvent avec des pertes qu'ils doivent aussitôt compenser en vendant des actifs. Et de préférence ceux qui ont plus ou moins conservé leur valeur, plutôt que des actions en chute de 15 ou 20%. Leurs ventes d'or peuvent donc briser toute hausse de cours résultant des achats de ceux qui se ruent sur la "valeur refuge". C'est une explication possible, mais il reste que le courant acheteur ne devait pas être très puissant. C'est en réalité d'une toute autre manière que l'or peut être considéré comme une valeur refuge: il l'est visiblement dans le chef des banques centrales qui en accumulent, pour plusieurs raisons. Il s'agit par exemple de crédibiliser leur devise: si la banque centrale d'un pays a les moyens d'acheter une grosse quantité de lingots, c'est que le pays est prospère et qu'on peut avoir confiance dans sa devise. Tel serait, au moins en partie, le raisonnement de la Pologne, qui ne fait pas partie de la zone euro et qui veut que son zloty inspire confiance. Elle a acheté pas moins de 130 tonnes d'or en 2023, ce qui n'est pas passé inaperçu! Varsovie a, du reste, réalisé une jolie plus-value, la valeur de cet achat étant aujourd'hui de 11,7 milliards d'euros. Son magot dépasse aujourd'hui les 400 tonnes. D'autres pays acheteurs d'or, comme la Turquie, ne risquent par contre guère de crédibiliser leur devise en accumulant les lingots... Il est de toute façon une autre raison de le faire, de loin la plus importante: diversifier ses réserves de change. Explication. Que se passe-t-il quand un pays exporte plus vers les États-Unis qu'il n'en importe (au grand dam de Donald Trump...): il reçoit plus de dollars qu'il n'en donne. Ce surplus n'est pas versé sur un carnet de dépôt mais investi en obligations de l'État américain, les Treasuries, historiquement considérées comme l'actif le plus sûr du monde. Celles-ci se retrouvent au bilan de la banque centrale. Certains pays en ont accumulé des montagnes: le Japon dépasse de longue date la barre des 1.000 milliards de dollars, tandis que la Chine en possède pour 760 milliards environ. Ce dernier montant peut paraître considérable, mais il est en chute de quelque 40% par rapport au sommet de novembre 2013, quand le pays avait accumulé un trésor de guerre de 1.316,7 milliards de dollars en Treasuries. Pourquoi cette chute, alors que la Chine continue clairement d'accumuler des dollars? Parce que Pékin ne veut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, exactement comme on le conseille à l'investisseur particulier. Comme de nombreux pays, elle s'est donc tournée vers d'autres devises, mais également l'or. Diversification, oui, mais aussi méfiance. Pour des raisons politiques, tous les pays n'aiment pas jouer aux épargnants prêteurs avec Washington. Et certainement pas la Chine, régulièrement attaquée sur le plan économique par les États-Unis, qui veulent freiner son surplus commercial. Ce fut assez rude avec Trump 1 et c'est aujourd'hui carrément violent avec Trump 2! Ce n'est pas seulement une question de fierté ou d'amour-propre, mais de sécurité: avec des relations aussi détestables, comment ne pas nourrir de craintes pour cette épargne colossale? Le président américain ne pourrait-il par exemple mettre des conditions au remboursement de ces Treasuries? On imagine donc aisément que Pékin ne va pas s'en tenir là en ce qui concerne ses achats d'or. Le pays en a accumulé près de 2.300 tonnes, certes, mais c'est toujours (un peu) moins que la France et l'Italie. Beaucoup moins que l'Allemagne, qui dépasse 3.300 tonnes. Sans parler des États-Unis, qui en affichent plus de 8.000 tonnes. Tel est le schéma qui prévaut ces dernières années sur le marché de l'or. Et qui, par-delà des soubresauts à court terme, pourrait prévaloir un bon moment encore.