...

Pour encore quelques jours, les ministres belges conduisent les affaires européennes avec leurs homologues des États membres dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne. Le SPF Santé publique tenait, début mai, une large conférence de trois jours sur les infections nosocomiales et la résistance aux antibiotiques. Plusieurs institutions présentaient leurs derniers résultats en la matière, dont le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). En 2022-2023, le centre a conduit une enquête de prévalence ponctuelle (PPS) pour estimer la charge totale des infections nosocomiales et de l'usage systémique des antibiotiques. Chaque État membre a participé à l'enquête, troisième de ce genre (la première datait de 2011-2012, la deuxième de 2016-2017). Notre pays ne faisait pas exception, et Sciensano en a dévoilé les résultats. "Il y avait du bon et du mauvais lors des résultats de l'enquête précédente, en 2017", entame Katrien Latour, chercheuse scientifique spécialisée en la matière pour Sciensano. Avec ses 28% de patients sous antibiotiques, la Belgique se classait alors neuvième "meilleur" pays sur les 29 du classement européen, juste sous la moyenne européenne (30,5%). En termes d'infections nosocomiales par contre, la Belgique figurait dans les mauvais élèves (21e sur 29) avec un taux de patients qui contractent une infection dans les lieux de soins de 7,3% (moyenne UE: 5,9%). "On avait donc beaucoup d'espoirs pour l'enquête de 2022", lance Katrien Latour. L'histoire ne dit pas si Sciensano espérait une baisse des chiffres, ou simplement un tassement de la hausse de ceux-ci. On ne saurait donc dire si les résultats sont à la hauteur de ces espoirs. Dans tous les cas, les données sont là, et ne rassurent pas. Comme déjà en 2017, l'enquête se base sur les données d'un peu plus de 10.000 patients belges répartis dans une cinquantaine d'hôpitaux. L'usage des antibiotiques a grimpé d'1,2% pour la Belgique dans son ensemble. C'est dans les soins intensifs que la prévalence est la plus élevée: 56,3% des patients qui y passent se voient administrer un antibiotique. Suivent les secteurs de la chirurgie (38,7%), de la gériatrie (31,3%), de la pédiatrie (33%) et de la médecine générale (33,1%). L'antibiotique le plus prescrit est de loin l'amoxicilline avec inhibiteur enzymatique. Suivent, avec près de deux fois moins de prescriptions, la céfazoline, la pipéracilline et la ciprofloxacine. Dans un quart des cas, les antibiotiques sont prescrits contre une pneumonie. Les autres grandes indications d'antibiotiques viennent des infections symptomatiques des voies urinaires inférieures (10,6%), des septicémies intra-abdominales (9,8%) et de bactériémies confirmées par le labo (7,2%). Sur le plan des infections nosocomiales, Sciensano note une augmentation de leur prévalence de +1,9% entre l'enquête de 2017 et celle de 2022. Il faut toutefois préciser que les données de 2022 peuvent être biaisées en ce qu'elles incluent les infections nosocomiales au covid-19. Sans ces dernières, la hausse se limite à + 1,2%, pour atteindre un taux de 8,5% de patients qui contractent une infection dans un milieu de soins. La Belgique avait pourtant prédit une prévalence de 6,2%... Cette hausse inattendue repousse le pays à la 26e place du classement (sur 31). Les soins intensifs et la gériatrie caracolent en tête des services qui enregistrent la plus forte prévalence d'infections nosocomiales (et accessoirement, la même hausse). Entre 2017 et 2022, les diagnostics d'infections nosocomiales sont les mêmes. La pneumonie reste la plus fréquente (21,9%), suivie dans l'ordre des infections urinaires (18,5%), des infections localisées à l'endroit opéré (13,6%), des infections sanguines (10,4%) et des infections gastro-intestinales (9%). La seule différence se situe à la sixième place du classement, largement occupée en 2022 par les infections au covid-19. L'évolution sur cinq ans est également globalement la même en ce qui concerne les pathogènes à l'origine de ces infections. La bactérie Escherichia coli trône en première place (16,8% des infections), accompagnée du staphylocoque doré (10,8%) et des bacilles de la famille des Klebsiella. Sciensano relève toutefois un net recul des bactéries Clostridioides difficile, qui passent de la 8e à la 11e position. Avant de conclure, Katrien Latour expose un dernier graphique, éloquent, qui affiche une claire corrélation entre le taux de lits en chambre individuelle et l'indice composite de la résistance aux antibiotiques, ventilée entre États membres. La courbe indique clairement que plus un pays a un taux élevé de lits en chambre individuelle, moins la résistance aux antimicrobiens est forte dans cet État. Les pays du mauvais côté de la courbe car ils enregistrent des résistances élevées aux antibiotiques sont la Serbie, la Roumanie, la Grèce, la Bulgarie et le Monténégro. À l'inverse, Malte, l'Islande, la Suède, la Finlande et l'Irlande ont les indices composites de résistance antimicrobienne les plus faibles. La Belgique fait presque partie de ce groupe de bons élèves, mais fait un peu mieux que son voisin français, avec un indice composite de résistance antimicrobienne équivalent pour moins de 40% de lits individuels, là où la France en a près de 60%.