Alerté par une proche de patient, le journal du Médecin a creusé la problématique. L'histoire n'a pas d'intérêt public, donc elle ne sera pas développée plus avant. Mais sa complexité illustre comment l'administration, la médecine et la justice peuvent faillir par manque de communication.

L'important à retenir est que cette histoire n'est pas isolée. La Belgique a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2012 en raison de la détention prolongée des personnes internées dans les prisons, où elles ne reçoivent pas les soins nécessaires. La Cour a jugé que ce maintien prolongé constitue une violation de l'article 5, qui garantit le droit à la liberté et à la sécurité des individus, ainsi qu'une violation de l'article 3, qui interdit la torture ainsi que les traitements inhumains ou dégradants.

Après une diminution notable entre 2014 (1.088) et 2018 (529), le nombre moyen de personnes internées en milieu pénitentiaire (annexe de prison, section de défense sociale ou établissement de défense sociale) a connu une augmentation constante depuis 2019. En décembre 2024, on comptait 1.009 personnes internées en milieu carcéral, soit près du double par rapport à 2018.

Rendez-vous en mars 2026

Le comité des ministres du Conseil de l'Europe s'est dit préoccupé par la situation et a adopté, en décembre 2024, une mesure appelée "résolution intérimaire" par laquelle il indique reprendre l'examen des condamnations de la Belgique lors de sa réunion "droits de l'homme" prévue en mars 2026. Entre-temps, il invite instamment les autorités à tout mettre en oeuvre pour régler au plus vite ce problème structurel, notamment en augmentant les solutions de prise en charge extérieure.

Le journal du Médecin s'est tourné vers le Pr Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie de l'HUB et docteur en psychologie légale, pour mieux comprendre les racines du problème et entrevoir des pistes de solutions.

Deux mondes séparés

Le journal du Médecin: La Belgique compte plus de 1.000 internés en milieu pénitentiaire qui n'ont pas accès aux soins. Certaines associations (Unia, l'Institut fédéral des droits humains et le Conseil central de surveillance pénitentiaire) pointent du doigt cette situation qui dure depuis plus de dix ans. Quelle est la racine du problème?

Pr Pierre Oswald: Je peux déjà confirmer que ce problème est bien une réalité. Tout vient de la première loi sur l'internement de 1930 qui sépare les condamnés "sains d'esprit" des internés qui ne sont pas responsables de leurs actes et qui présentent une maladie mentale. On retrouve dans cette cohorte des individus avec des profils très différents. Mais la binarité de la loi a toujours poussé à interner en cas de doute.

On se retrouve aujourd'hui face à une situation compliquée, à savoir une population très hétérogène orientée vers l'internement. Le parcours de ces internés devient clinique, dans des hôpitaux psychiatriques sécurisés qui disposent de normes d'hospitalisation et d'un encadrement hospitalier. Mais si l'encadrement est médical, l'organisation reste judiciaire. En attente de places dans ces institutions spécialisées, les internés se retrouvent dans les annexes psychiatriques de prison. Le temps judiciaire est long et il y a donc un goulot d'étranglement.

Ce phénomène est accentué par la présence, dans les lieux d'internement, de personnes qui ne présentent pas particulièrement de risque de récidive, mais qui s'y retrouvent à cause du parapluie porté par la magistrature et par ces institutions qui préfèrent souvent ne pas prendre de risque. De son côté, la psychiatrie classique, amenée à accueillir ces personnes une fois libérées à l'essai, est débordée et a peur de ce type de population. Il est plus aisé de prendre en charge une vieille dame en dépression qu'un toxicomane connu pour sa dangerosité.

Cela est d'autant plus dommageable que le temps judiciaire ne coïncide pas avec le temps médical. Certes, des moyens sont déployés et des centres de psychologie légale vont être construits. Cela permettra d'avoir davantage de lits, mais le temps judiciaire sera toujours le même. La fluidité de l'approche médicale se heurte à la paralysie du système judiciaire. Les expertises prennent du temps, il y a des reports d'audience parfois à plus de six mois. Durant ce temps, le patient n'a pas accès aux soins. Il suffit qu'il y ait un surveillant absent pour que la visite et l'évaluation d'un interné soient reportées deux mois après.

Il faut clairement plus de fluidité, et créer, par exemple, davantage de chemins entre le système de la condamnation et le système de l'internement. Cela existe en France, où l'on parle de responsabilité totale, partielle ou d'absence de responsabilité. Il y a un peu plus de fluidité et de cohérence et cela bénéficie au temps médical.

J'anticipe une question, qui est, en substance, fait-on mieux ailleurs? Des proches de patients estiment que la Belgique est vraiment à la traîne par rapport aux pays voisins.

On ne fait pas forcément mieux ailleurs. On fait différemment. Il faut apporter des nuances.

Pour rester sur le cas de la France, la répartition des moyens fait débat chez les professionnels de santé mentale. Dans les services pour les patients dangereux, il y a beaucoup, voire énormément de moyens. Mais l'efficacité de ces services n'est pas démontrée.

Reste que le traitement des patients internés est plus rapide, plus efficace. Mais le modèle doit être interrogé.

Est-ce que l'on peut dire, en résumé, que la loi belge est en théorie bien pensée, mais que l'on manque de moyens pour la mettre en oeuvre?

Oui, tout à fait. Le système de l'internement est un système éminemment humaniste et légitime. Il a du sens du point de vue criminologique, médical et judiciaire. Mais quand l'internement devient le seul moyen d'avoir accès à des soins de qualité, cela pose problème. Nous manquons de places dans les lieux d'internement. Et c'est moins parce que les gens qui s'y trouvent sont dangereux que parce que le délai d'attente pour en sortir est trop long. Parce qu'il n'y a pas assez d'experts. Parce que le délai d'attente pour une audience est très long. C'est pour cela que l'on se retrouve avec des gens qui peuvent attendre deux ans, voire plus dans des annexes dites psychiatriques des prisons.

On se retrouve aujourd'hui face à une population très hétérogène orientée vers l'internement.

Environ 5.000 personnes suivent ce parcours médico-légal et un peu plus de 1.000 d'entre elles restent sur le carreau. Cela veut dire que la loi manque son objectif dans un cinquième des cas, ce qui est conséquent. Est-ce que c'est à mettre en parallèle aussi avec un autre parcours médico-légal qui est la mise en observation, où il y a, là aussi, énormément de souffrances?

La loi de mise en observation vient d'être revue. Elle est d'application depuis le 1er janvier 2025. Il y a une série de nouveaux dispositifs, et on évolue dans le bon sens, avec des alternatives à l'hospitalisation sous contrainte. Mais la loi judiciarise tout de même le parcours de soins.

La grande différence avec l'internement, c'est que dans la mise en observation, c'est le médecin qui décide. Dans l'internement, c'est le magistrat.

Dans les deux cas, il est important que les médecins soient davantage formés à l'évaluation du risque, surtout dans un monde judiciarisé où la psychologie prend de plus en plus de place, ou la psychiatrie devient un peu le refuge ou la solution à certaines situations.

Le patient (et ses proches) dans un dédale

Beaucoup de proches de patients sont complètement perdus dans ce parcours qui mêle le médical, le judiciaire et même l'administratif. Comment faire pour les épauler, les aider à y voir plus clair?

C'est une situation délicate, mais je n'ai pas de solution miracle. Il faut se mettre à la place du justiciable qui entre dans la machine judiciaire. Ce n'est pas simple. Si on ajoute à cela des difficultés psychiatriques, cela devient impossible.

Le masterplan internement prévoit d'intégrer davantage les personnes libérées à l'essai dans les parcours de psychiatrie classique. En soi, c'est très bien. Mais j'ai deux remarques. Premièrement, il y a un manque de formation et une méconnaissance du travail de l'autre. De la psychiatrie vers le monde judiciaire et ses attentes, et inversement. Deuxièmement, la réinsertion de personnes qui dépendent du secteur judiciaire dans le giron médical entraîne un mélange des genres. L'évaluation se fera tantôt selon des critères judiciaires, tantôt selon des critères médicaux. Cela crée des incompréhensions. Il est difficile d'identifier les indicateurs de bonne évolution. La récidive judiciaire ne correspond pas à la rechute médicale. Les objectifs sont très différents.

Le Pr Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie de l'HUB et docteur en psychologie légale.

Le secteur médical et le secteur judiciaire sont deux mondes qui se connaissent mal et qui communiquent peu. Une possibilité est de se reposer sur les avocats qui sont à la fois médiateurs et traducteurs, dans les deux sens.

Le problème est que les patients internés estiment parfois qu'ils ne sont pas malades, renvoient leurs avocats et ces derniers se succèdent à leur chevet.

Il y a parfois des conflits entre la personne internée et la famille ou des situations complexes. Il faudrait pouvoir permettre davantage l'implication des familles et leur information. Depuis 2014, les familles peuvent par exemple assister à certaines audiences.

Quelles solutions?

Unia, l'Institut fédéral des droits humains et le Conseil central de surveillance pénitentiaire appellent les autorités belges à adopter des mesures structurelles immédiates pour mettre fin à cette situation. Il s'agit notamment d'accélérer la création de places dans les circuits de soins externes, de renforcer les équipes de soins psychiatriques et d'améliorer les infrastructures et enfin, d'encadrer strictement les conditions d'internement et favoriser des alternatives. Qu'en pensez-vous? Quelle est selon vous la solution au problème?

On entend tout le temps qu'il faut plus de moyens, plus de places, plus de personnel. On pourrait certainement faire mieux avec davantage de moyens, mais la principale solution passe pour moi par la formation.

Il faut accepter que notre système est binaire, et accompagner au mieux l'internement, en ce compris les libérations à l'essai. Mais il faut pour cela des personnes formées à cette prise en charge spécifique. Cela concerne environ 5.000 personnes. Pourquoi ne pas penser à revenir à un circuit spécifique leur étant dédié, depuis la décision d'internement jusqu'à la libération définitive? Il faut à chaque étape fluidifier le parcours parce que, pour l'instant, à chaque étape, quelque chose coince et les responsables autant que les responsabilités se multiplient. Et plus rien ne bouge. Au détriment de l'accès aux soins, dans un environnement qui plus est délétère pour la santé mentale. Un parcours de soins réservé strictement aux internés n'empêche pas de travailler la réhabilitation. Mais elle doit se faire sur base de la prévention de la récidive et non sur base de la seule intégration dans la communauté.

Il ne faut donc pas plus de places, mais apprendre à utiliser les places existantes sur base du niveau de risque et de l'intensité des soins nécessaires, tout en facilitant le dialogue entre monde judiciaire et monde médical.

Alerté par une proche de patient, le journal du Médecin a creusé la problématique. L'histoire n'a pas d'intérêt public, donc elle ne sera pas développée plus avant. Mais sa complexité illustre comment l'administration, la médecine et la justice peuvent faillir par manque de communication. L'important à retenir est que cette histoire n'est pas isolée. La Belgique a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2012 en raison de la détention prolongée des personnes internées dans les prisons, où elles ne reçoivent pas les soins nécessaires. La Cour a jugé que ce maintien prolongé constitue une violation de l'article 5, qui garantit le droit à la liberté et à la sécurité des individus, ainsi qu'une violation de l'article 3, qui interdit la torture ainsi que les traitements inhumains ou dégradants. Après une diminution notable entre 2014 (1.088) et 2018 (529), le nombre moyen de personnes internées en milieu pénitentiaire (annexe de prison, section de défense sociale ou établissement de défense sociale) a connu une augmentation constante depuis 2019. En décembre 2024, on comptait 1.009 personnes internées en milieu carcéral, soit près du double par rapport à 2018. Le comité des ministres du Conseil de l'Europe s'est dit préoccupé par la situation et a adopté, en décembre 2024, une mesure appelée "résolution intérimaire" par laquelle il indique reprendre l'examen des condamnations de la Belgique lors de sa réunion "droits de l'homme" prévue en mars 2026. Entre-temps, il invite instamment les autorités à tout mettre en oeuvre pour régler au plus vite ce problème structurel, notamment en augmentant les solutions de prise en charge extérieure. Le journal du Médecin s'est tourné vers le Pr Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie de l'HUB et docteur en psychologie légale, pour mieux comprendre les racines du problème et entrevoir des pistes de solutions. Le journal du Médecin: La Belgique compte plus de 1.000 internés en milieu pénitentiaire qui n'ont pas accès aux soins. Certaines associations (Unia, l'Institut fédéral des droits humains et le Conseil central de surveillance pénitentiaire) pointent du doigt cette situation qui dure depuis plus de dix ans. Quelle est la racine du problème? Pr Pierre Oswald: Je peux déjà confirmer que ce problème est bien une réalité. Tout vient de la première loi sur l'internement de 1930 qui sépare les condamnés "sains d'esprit" des internés qui ne sont pas responsables de leurs actes et qui présentent une maladie mentale. On retrouve dans cette cohorte des individus avec des profils très différents. Mais la binarité de la loi a toujours poussé à interner en cas de doute. On se retrouve aujourd'hui face à une situation compliquée, à savoir une population très hétérogène orientée vers l'internement. Le parcours de ces internés devient clinique, dans des hôpitaux psychiatriques sécurisés qui disposent de normes d'hospitalisation et d'un encadrement hospitalier. Mais si l'encadrement est médical, l'organisation reste judiciaire. En attente de places dans ces institutions spécialisées, les internés se retrouvent dans les annexes psychiatriques de prison. Le temps judiciaire est long et il y a donc un goulot d'étranglement. Ce phénomène est accentué par la présence, dans les lieux d'internement, de personnes qui ne présentent pas particulièrement de risque de récidive, mais qui s'y retrouvent à cause du parapluie porté par la magistrature et par ces institutions qui préfèrent souvent ne pas prendre de risque. De son côté, la psychiatrie classique, amenée à accueillir ces personnes une fois libérées à l'essai, est débordée et a peur de ce type de population. Il est plus aisé de prendre en charge une vieille dame en dépression qu'un toxicomane connu pour sa dangerosité. Cela est d'autant plus dommageable que le temps judiciaire ne coïncide pas avec le temps médical. Certes, des moyens sont déployés et des centres de psychologie légale vont être construits. Cela permettra d'avoir davantage de lits, mais le temps judiciaire sera toujours le même. La fluidité de l'approche médicale se heurte à la paralysie du système judiciaire. Les expertises prennent du temps, il y a des reports d'audience parfois à plus de six mois. Durant ce temps, le patient n'a pas accès aux soins. Il suffit qu'il y ait un surveillant absent pour que la visite et l'évaluation d'un interné soient reportées deux mois après. Il faut clairement plus de fluidité, et créer, par exemple, davantage de chemins entre le système de la condamnation et le système de l'internement. Cela existe en France, où l'on parle de responsabilité totale, partielle ou d'absence de responsabilité. Il y a un peu plus de fluidité et de cohérence et cela bénéficie au temps médical. J'anticipe une question, qui est, en substance, fait-on mieux ailleurs? Des proches de patients estiment que la Belgique est vraiment à la traîne par rapport aux pays voisins. On ne fait pas forcément mieux ailleurs. On fait différemment. Il faut apporter des nuances. Pour rester sur le cas de la France, la répartition des moyens fait débat chez les professionnels de santé mentale. Dans les services pour les patients dangereux, il y a beaucoup, voire énormément de moyens. Mais l'efficacité de ces services n'est pas démontrée. Reste que le traitement des patients internés est plus rapide, plus efficace. Mais le modèle doit être interrogé. Est-ce que l'on peut dire, en résumé, que la loi belge est en théorie bien pensée, mais que l'on manque de moyens pour la mettre en oeuvre? Oui, tout à fait. Le système de l'internement est un système éminemment humaniste et légitime. Il a du sens du point de vue criminologique, médical et judiciaire. Mais quand l'internement devient le seul moyen d'avoir accès à des soins de qualité, cela pose problème. Nous manquons de places dans les lieux d'internement. Et c'est moins parce que les gens qui s'y trouvent sont dangereux que parce que le délai d'attente pour en sortir est trop long. Parce qu'il n'y a pas assez d'experts. Parce que le délai d'attente pour une audience est très long. C'est pour cela que l'on se retrouve avec des gens qui peuvent attendre deux ans, voire plus dans des annexes dites psychiatriques des prisons. Environ 5.000 personnes suivent ce parcours médico-légal et un peu plus de 1.000 d'entre elles restent sur le carreau. Cela veut dire que la loi manque son objectif dans un cinquième des cas, ce qui est conséquent. Est-ce que c'est à mettre en parallèle aussi avec un autre parcours médico-légal qui est la mise en observation, où il y a, là aussi, énormément de souffrances? La loi de mise en observation vient d'être revue. Elle est d'application depuis le 1er janvier 2025. Il y a une série de nouveaux dispositifs, et on évolue dans le bon sens, avec des alternatives à l'hospitalisation sous contrainte. Mais la loi judiciarise tout de même le parcours de soins. La grande différence avec l'internement, c'est que dans la mise en observation, c'est le médecin qui décide. Dans l'internement, c'est le magistrat. Dans les deux cas, il est important que les médecins soient davantage formés à l'évaluation du risque, surtout dans un monde judiciarisé où la psychologie prend de plus en plus de place, ou la psychiatrie devient un peu le refuge ou la solution à certaines situations. Beaucoup de proches de patients sont complètement perdus dans ce parcours qui mêle le médical, le judiciaire et même l'administratif. Comment faire pour les épauler, les aider à y voir plus clair? C'est une situation délicate, mais je n'ai pas de solution miracle. Il faut se mettre à la place du justiciable qui entre dans la machine judiciaire. Ce n'est pas simple. Si on ajoute à cela des difficultés psychiatriques, cela devient impossible. Le masterplan internement prévoit d'intégrer davantage les personnes libérées à l'essai dans les parcours de psychiatrie classique. En soi, c'est très bien. Mais j'ai deux remarques. Premièrement, il y a un manque de formation et une méconnaissance du travail de l'autre. De la psychiatrie vers le monde judiciaire et ses attentes, et inversement. Deuxièmement, la réinsertion de personnes qui dépendent du secteur judiciaire dans le giron médical entraîne un mélange des genres. L'évaluation se fera tantôt selon des critères judiciaires, tantôt selon des critères médicaux. Cela crée des incompréhensions. Il est difficile d'identifier les indicateurs de bonne évolution. La récidive judiciaire ne correspond pas à la rechute médicale. Les objectifs sont très différents. Le secteur médical et le secteur judiciaire sont deux mondes qui se connaissent mal et qui communiquent peu. Une possibilité est de se reposer sur les avocats qui sont à la fois médiateurs et traducteurs, dans les deux sens. Le problème est que les patients internés estiment parfois qu'ils ne sont pas malades, renvoient leurs avocats et ces derniers se succèdent à leur chevet. Il y a parfois des conflits entre la personne internée et la famille ou des situations complexes. Il faudrait pouvoir permettre davantage l'implication des familles et leur information. Depuis 2014, les familles peuvent par exemple assister à certaines audiences. Unia, l'Institut fédéral des droits humains et le Conseil central de surveillance pénitentiaire appellent les autorités belges à adopter des mesures structurelles immédiates pour mettre fin à cette situation. Il s'agit notamment d'accélérer la création de places dans les circuits de soins externes, de renforcer les équipes de soins psychiatriques et d'améliorer les infrastructures et enfin, d'encadrer strictement les conditions d'internement et favoriser des alternatives. Qu'en pensez-vous? Quelle est selon vous la solution au problème? On entend tout le temps qu'il faut plus de moyens, plus de places, plus de personnel. On pourrait certainement faire mieux avec davantage de moyens, mais la principale solution passe pour moi par la formation. Il faut accepter que notre système est binaire, et accompagner au mieux l'internement, en ce compris les libérations à l'essai. Mais il faut pour cela des personnes formées à cette prise en charge spécifique. Cela concerne environ 5.000 personnes. Pourquoi ne pas penser à revenir à un circuit spécifique leur étant dédié, depuis la décision d'internement jusqu'à la libération définitive? Il faut à chaque étape fluidifier le parcours parce que, pour l'instant, à chaque étape, quelque chose coince et les responsables autant que les responsabilités se multiplient. Et plus rien ne bouge. Au détriment de l'accès aux soins, dans un environnement qui plus est délétère pour la santé mentale. Un parcours de soins réservé strictement aux internés n'empêche pas de travailler la réhabilitation. Mais elle doit se faire sur base de la prévention de la récidive et non sur base de la seule intégration dans la communauté. Il ne faut donc pas plus de places, mais apprendre à utiliser les places existantes sur base du niveau de risque et de l'intensité des soins nécessaires, tout en facilitant le dialogue entre monde judiciaire et monde médical.