Aucune matière première vitale ne nous arrive de la côte Est de la Méditerranée, dont les soubresauts et conflits ont par contre laissé des traces parfois profondes dans les économies occidentales et dans le portefeuille des citoyens. Que pourrait-il en être aujourd'hui?
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On ne peut que s'émouvoir en premier lieu du bain de sang qui a frappé Israël et les civils de Gaza. Il est néanmoins inévitable de se poser aussi la question: quel impact la guerre entre l'État hébreu et le Hamas peut-elle avoir sur notre économie et notre épargne? Aussi vrai que ce qui se passe dans cette région du monde est rarement neutre à cet égard. Le pétrole a aussitôt bondi, ont ainsi souligné de nombreux commentateurs. À peine, en vérité. Mais si le conflit dérape et que le baril grimpe sérieusement, comme dans les années 70? C'est le spectre tout aussitôt agité par certains. Même si on n'y croit guère. Pour l'instant... Plusieurs économistes ont, au cours des derniers mois, évoqué la possibilité d'une seconde vague d'inflation, a priori inattendue après la détente que l'on observe aujourd'hui. Parmi eux: l'américain Lawrence Summers, qui fut secrétaire au Trésor, c'est-à-dire ministre de l'Économie et des Finances, de 1999 à 2001, sous la présidence Clinton. Il a suscité la polémique en publiant un graphique illustrant les deux flambées inflationnistes des années 1970 et du début des années 1980. Et ceci en dressant un parallèle entre la première et l'époque actuelle. Laissant entendre que la comparaison vaudrait également, dans les années à venir, pour la seconde. En clair: une seconde vague d'inflation nous attend. Un scénario rapidement balayé par la plupart de ses confrères sur la base d'un élément fondamental: il faudrait pour cela un nouveau choc pétrolier. Un mini-rappel historique s'impose pour comprendre. Premier point: c'est la guerre du Kippour, lorsque l'Egypte et la Syrie attaquent Israël en octobre 1973, qui déclenche ce que l'on appelle le premier choc pétrolier. Plus précisément quand les pays producteurs réunis au sein de l'OPEP quadruplent le prix du brut pour protester contre le soutien occidental à Israël. Cette explosion des prix, alliée à un certain embargo, va très durement toucher nos économies. Par-delà les "dimanches sans voiture" alors instaurés pour diminuer la consommation, c'est une sévère récession qui marque l'année 1974, au point de brider la croissance durant le reste des années 1970. Restera ainsi gravé dans la mémoire collective qu'un conflit entre Israël et ses voisins, pays dont nos économies ne dépendent que très marginalement, peut avoir des conséquences considérables. Deuxième point: un second choc pétrolier intervient en 1979, entraînant lui aussi des conséquences économiques très négatives. La cause en est complètement différente: la révolution en Iran en 1979, puis la guerre entre l'Irak et l'Iran en 1980. Ces deux importants producteurs de pétrole souffrent d'une baisse de production, ce qui fait flamber les cours. Ils vont tripler en deux ans. L'inflation suit, un à deux ans plus tard. Mais si elle grimpe moins que précédemment (un sommet de 8,7% en 1982 pour la Belgique, contre plus de 12% en 1974 et 1975), les taux d'intérêt, eux, flambent davantage, causant d'importants dommages économiques. Il est clair que la vague d'inflation du début des années 1980 a pour origine une crise pétrolière, comme la précédente, celle de 1974-1975. Les "effets de second tour" parfois évoqués, résultant par exemple de l'indexation des salaires, ne sont visiblement pas suffisants. On comprend donc que Lawrence Summers n'ait a priori guère convaincu. Toutefois, on comprend aussi que quand les prix pétroliers frémissent suite à ce qui se passe au Proche-Orient, son scénario revient en mémoire! Même s'il ne s'est agi que d'un frémissement. Le Brent, qui est la référence pétrolière mondiale, a terminé à 88,20 dollars le baril le lundi 9 octobre, en hausse de 4,5% à peine, pour s'inscrire en retrait dès le lendemain. Et comme il avait chuté de pas moins de 11% la semaine précédente (après la hausse sensible des derniers mois), il restait en-deçà de ses sommets récents. Aucune panique donc dans un premier temps, loin s'en faut. Ce n'est cependant pas pour rien que certains ont rappelé que le détroit d'Ormuz, situé entre l'Iran et le sultanat d'Oman, voyait passer un quart du pétrole exporté à l'échelle mondiale. Il en est la porte de sortie pour l'Iran, aujourd'hui marginal sur le marché du fait des sanctions qui frappent le pays, mais aussi et surtout pour le Koweit et l'Arabie Saoudite. Quand on sait que l'Iran est le "parrain" du Hamas, on comprend qu'il existe là un sujet de préoccupation. D'autant que plusieurs incidents se sont déjà produits dans ce détroit. En juin 2008, quand un responsable iranien évoque la fermeture du détroit en cas d'attaque par Israël, le vice-amiral commandant la cinquième flotte américaine, qui patrouille dans la région, rétorque que ce serait considéré comme un acte de guerre! Le détroit d'Ormuz est un des endroits les plus chauds de la planète et c'est l'implication, supposée mais évidente, de l'Iran qui rend la guerre entre Israël et le Hamas dangereuse au niveau international.