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Dans de nombreux pays, l'avortement n'est pas considéré comme un droit à disposer de son corps mais comme un droit de santé publique afin de lutter contre les risques d'avortement clandestin. C'est l'un des sujets de l'ouvrage L'avortement dans l'union européenne 1 de Bérengère Marques-Pereira. Dans ce livre, L'auteure compare les différents régimes légaux au niveau de l'avortement et l'effectivité du droit d'accès. En Europe, si l'accès à l'avortement sûr et légal semble progresser comparé aux autres continents, plusieurs pays comme la Hongrie, l'Italie ou la Pologne remettent cet accès en cause. "Le taux d'avortement en Europe est parmi les plus bas du monde", affirme l'auteure . "Mais si la plupart des pays européens autorisent l'IVG, il y a un fonctionnement à plusieurs vitesses." "D'un côté il y a les pays du Nord comme la Suède, le Danemark et les Pays-Bas, où l'on se rapproche le plus de la libre disposition du corps de la femme", explique-t-elle "Ce sont des régimes d'autorisation où la pratique est permissive, sans trop de conditions, ni de barrières. Ensuite il y a des pays comme la Belgique, la France et le Luxembourg, où il y a un accès à l'IVG mais pas de reconnaissance d'une libre disposition du corps de la femme. Et donc où le droit de la femme n'est pas encore totalement acquis", affirme Bérengère Marques-Pereira. "Et puis, les pays du sud de l'Europe et d'Europe Centrale et Orientale, où l'avortement est autorisé mais l'accès y est largement entravé", ajoute-t-elle . L'auteure prend l'exemple de l'Italie où 80% des médecins ont recours à la clause de conscience et refusent de pratiquer un avortement sans l'obligation de référer vers un autre médecin. "Dans les pays d'Europe centrale et Orientale, l'IVG est autorisée, mais les procédures sont tellement restrictives qu'on se demande s'il y a un véritable accès, d'autant plus que la contraception est chère et pas toujours fiable. Et l'accès aux hôpitaux qui pratiquent l'IVG est souvent difficile et onéreux." Ces pays vivent sous l'influence de l'Église orthodoxe et de la politique nataliste vu la baisse démographique, détaille l'ouvrage. Enfin, deux pays sont dans une interdiction totale ou presque. Il s'agit de Malte où l'interdiction est totale sous peine de prison, et de la Pologne, qui permet un avortement dans le cas de viol, d'inceste, de danger avéré sur la santé physique de la femme ou de malformation irréversible du foetus. Mais ce dernier élément vient d'être supprimé par un arrêt de la Cour constitutionnelle. Au cours de ces dernières années, il y a eu des régressions d'un côté et des libéralisations de l'autre. " Nous avons vu une libéralisation en France et au Luxembourg", constate madame Marques-Pereira . "L'IVG y est reconnue comme acte médical et la notion d'état de détresse a été supprimée. L'Irlande et Chypre aussi ont libéralisé alors qu'ils étaient dans l'interdiction totale. En Espagne par contre, on a vu une régression législative." En 2013, un projet de loi sous le gouvernement Rajoy proposait de supprimer totalement l'accès à l'IVG. Il n'a pas été adopté, mais en 2015 une loi a été votée, restreignant l'accès à l'avortement aux jeunes filles de 16-17 ans. L'ouvrage analyse par ailleurs les positions des acteurs pro choix et pro-vie, dont le Saint-Siège, ainsi que le décalage qui existe entre l'approche en termes de citoyenneté et le langage des droits humains auquel recourent les activistes pour se légitimer comme interlocuteurs.