A 53 ans, le Dr Sepandar termine ses études de médecine. De son enfance iranienne à aujourd'hui, il a fait preuve d'un jusqu'au-boutisme des plus surprenants.
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Sepehr Sepandar est né en 1967 en Iran. La guerre opposant la république islamiste avec le voisin irakien l'incitera à partir pour éviter le service militaire. Jeune adulte et étudiant en comptabilité, il décide de quitter son pays natal. A l'aide de passeurs, il rejoint Istanbul en un mois via les montagnes kurdes. "Lorsque j'arrive en Turquie, je n'avais aucune idée d'un pays où aller", explique l'immigré qui souhaitait demander asile en Suède. Il hésite finalement avec l'Allemagne puis opte pour la Belgique où il rentre tout aussi clandestinement. Accepté comme réfugié à Bruxelles, il suit des cours de français à Uccle et vit de petits boulots dans la restauration. En 1990, âgé de 23 ans, le jeune migrant politique s'inscrit en septembre à l'ULB à l'Université des Sciences médicales. "Après une première année réussie péniblement à cause de ma méconnaissance du français, je loupe ma seconde année pour des raisons purement financières", souligne -t-il. Déçu et nostalgique, Sepehr Sepandar assume sa condition et la vit. On le retrouvera chauffeur et gestionnaire chez Europcar mais également étudiant en informatique dont il obtiendra un graduat. En 1996, il décroche un emploi à la Générale de Banque dans le département IT. Les années s'égrènent mais chaque rentrée universitaire, en septembre, le même spleen l'envahit: celui de ses études avortées. Il remet sa démission au sein de son service informatique mais la médecine ne lui ouvre pas encore les bras. Par hasard, en 2000, il trouve une belle offre d'emploi dans une boîte de production de films. "Je découvre un milieu très jeune et artistique que je ne connaissais pas. J'y ai bossé comme informaticien et ai pu toucher aux outils de l'animation et de la composition", explique celui qui y deviendra même compositeur. Dix années s'écoulent et la société fait faillite. Il prend cela comme un signe et se dit que c'est maintenant ou jamais. "Grâce à cette opportunité, j'ai obtenu une petite indemnité financière et j'ai repris mes études", reconnait-il enthousiaste. Il s'inscrit à l'UCL en 2011, recommence ses études depuis le début, et est rejoint par sa maman, "un pilier des plus importants". Il clôture ses années en huit ans. Nous sommes alors en 2019. "Mon parcours n'aurait pas été possible si, il y a dix ans, je n'avais pas eu le soutien financier d'un ami", confie-t-il. En 2011, cet ami lui dit: "Ecoute, j'ai un salaire normal mais il me plairait de t'aider." Originaire d'Iran comme lui, Shahrokh Saeednia, docteur en informatique, lui prête de l'argent tout au long de ses études. Une somme relativement importante que le Dr Sepandar lui rembourse désormais, au gré de ses rentrées financières. C'est à Chimay et à Arlon qu'il effectuera ses stages. Sa maman décédera deux jours après avoir été informée de la recevabilité de son mémoire. "Avec cet ami, elle fut mon principal soutien tout au long de mes études", reconnaît-il, naturellement ému. "Lorsque j'ai terminé mes études, je souhaitais travailler comme assistant libre", affirme celui qui rentre alors aux urgences de l'hôpital de Marche-en-Famenne, suite à une annonce publiée sur Facebook. "J'y rencontre le Dr Lydie Decelle et des infirmières exceptionnelles", souligne le quinquagénaire qui avoue aimer le stress de la "médecine des impératifs". Il est poussé par sa cheffe des urgences mais également par le Dr Koenen, son maître de stage à l'ULB, à devenir urgentiste. A ce jour, Il hésite à se lancer dans les six années de spécialisation. Une tergiversation qui semble feinte tant il la soulève avec malice. Conscient de son âge et reconnaissant, le Dr Sepandar, qui exerce également à Sainte-Anne et Saint-Rémy avec le Dr Zahir, remercie ceux qui ont cru et croient en lui. Un parcours, tel le scénario d'un film, qui parle de la diversité exceptionnelle du monde médical en Belgique. Sans doute le retrouverons nous, reconnu dans ses rêves, à l'aube de ses soixante ans. La preuve s'il en est qu'urgence et vitesse ne sont pas forcément liées.