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Eva Schoeters, directrice de RaDiOrg, l'association belge coupole des patients souffrant de maladies rares, et présidente de 'be-TSC', l'association belge des patients atteints de sclérose tubéreuse de Bourneville et de leurs proches, attendait avec impatience l'accord conclu par le gouvernement De Wever. Elle a sans doute immédiatement feuilleté le volumineux document jusqu'à la page 118. C'est en effet là que le gouvernement dévoile ses projets en matière de maladies rares. "Nous sommes heureux que Frank Vandenbroucke ait veillé à ce que les maladies rares soient explicitement reprises dans l'accord gouvernemental", déclare d'emblée Eva Schoeters. "D'autres parties de l'accord insistent à plusieurs reprises sur l'importance d'une collaboration interfédérale. Nous espérons donc que les ministres régionaux Gennez et Coppieters étudieront la meilleure façon de faire la différence, au sein de leurs compétences. L'accord gouvernemental fédéral reprend plusieurs points sur lesquels nous requérons l'attention depuis longtemps. Je suis donc vraiment satisfaite."Un diagnostic et un aiguillage rapides vers des experts reconnus, présentant un savoir scientifiquement démontré, constitue un premier objectif de ce gouvernement. "Nous avons insisté sur l'importance d'une expertise reconnue dans le mémorandum écrit l'an dernier", souligne la directrice de RaDiOrg. "Au terme du parcours diagnostique - qui s'apparente souvent à un parcours du combattant, le patient entame généralement un nouveau calvaire, en quête d'une expertise. Trouver les personnes qui connaissent vraiment sa maladie est extrêmement difficile.""L'assurance de soins multidisciplinaires bien coordonnés et adaptés aux besoins spécifiques du patient et de sa famille constitue un autre aspect essentiel. Ces soins sont actuellement prévus pour certaines maladies rares, mais pas toutes. Le Plan national cancer est un exemple car il permet un soutien clair et une concertation multidisciplinaire. Certaines maladies rares, essentiellement les affections métaboliques et neuromusculaires, disposent d'une convention, mais la majorité des maladies rares n'en ont toujours pas." Eva Schoeters s'offusque du fait que la limitation de la concertation multidisciplinaire entrave une série de diagnostics et débouche de facto sur une inégalité des soins. "Nous y sommes farouchement opposés. Nous demandons que la totalité des personnes atteintes de maladies rares puisse bénéficier de soins multidisciplinaires."Eva Schoeters affirme que les prestataires de soins sont également demandeurs. "Ils se heurtent à leurs limites alors que cet aspect est crucial pour le patient. Par exemple, si celui-ci doit relier lui-même ce que lui racontent le néphrologue, le pneumologue et le cardiologue, il délaisse souvent des éléments essentiels, qui vont de pair. Ce n'est absolument pas évident pour un patient. Prenez déjà la programmation des consultations... Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que nous avons repris ce point à part dans notre mémorandum."La simplification administrative revient en leitmotiv dans l'accord gouvernemental. "Des mesures administratives drastiquement simplifiées et un accès aisé aux médicaments, aux traitements et aux outils offrant une réponse aux besoins très spécifiques", peut-on lire dans le volet consacré aux maladies rares. Eva Schoeters est satisfaite que cet aspect soit également inclus dans l'accord gouvernemental. "Surtout dans le cadre du maximum à facturer, du tiers payant et de l'accès à une série de soutiens, qui sont déjà possibles mais que les patients ont du mal à trouver. Notre mémorandum mentionnait la nécessité d'un statut 'maladies rares'. Le statut 'malades chroniques' comporte un sous-volet destiné aux personnes souffrant d'une maladie rare, mais il ne répond pas suffisamment aux besoins réels de ces patients."Eva Schoeters pense notamment aux renouvellements pour des maladies qui sont par définition incurables ou dégénératives. Cela constitue une épreuve pour les patients qui doivent souvent se soumettre à un contrôle parce que le médecin contrôle ne connaît pas bien leur pathologie et ne prend pas à coeur les avis des experts. "On ne peut pas exiger des médecins contrôles qu'ils connaissent parfaitement toutes les maladies rares mais alors, ils doivent faire confiance à l'expertise existante. La reconnaissance de cette expertise serait précieuse. Elle permettrait aux médecins contrôles et aux médecins conseils de se fier plus facilement à certaines recommandations.""L'accès aux médicaments, aux traitements et aux outils d'aide constitue une donnée cruciale", poursuit Eva Schoeters. "Il faut que le maximum à facturer prenne en compte la totalité des frais. Nous remarquons souvent que les médecins experts prescrivent certains médicaments ou traitements qui ne sont pas nécessairement remboursés. Le maximum à facturer n'inclut pas tout ce pour quoi un remboursement indu est prévu. Ce sont là des situations qui choquent les patients, et où il est clairement question d'inégalité dans la qualité des soins que peuvent se permettre les patients."L'engagement du gouvernement à maintenir un accès de qualité aux études cliniques constitue peut-être un des aspects les plus importants pour les personnes souffrant d'une maladie rare. "De nombreux patients tirent vraiment profit d'un accès rapide à des produits et à thérapies prometteurs. Nous regrettons toutefois que la Belgique, comme le reste de l'Europe, prenne du retard. C'est une évolution déplorable, d'autant que la Belgique est, avec le Danemark, le leader actuel de l'Europe en cette matière. Nous devons veiller à ce que l'industrie pharmaceutique continue à s'intéresser à notre pays."Eva Schoeters sait de quoi elle parle en évoquant la problématique des études cliniques, puisque son enfant souffre d'une maladie rare. "Un essai clinique a permis à mon enfant d'obtenir un médicament rare que nous aurions dû attendre cinq ans sans cette opportunité. Or, un accès rapide était vraiment important pour lui. De nombreux autres patients se trouvent dans la même situation et guettent l'opportunité de participer à une étude."La Belgique est souvent confrontée à un obstacle: l'absence de données (fiables). Le gouvernement affirme son intention d'oeuvrer à "un enregistrement et à un suivi performants des données". Eva Schoeters confirme: "Une bonne gestion des données est importante." Toutes les parties concernées insistent sur ce problème. "Nous déplorons la gestion du registre central des maladies rares (Central Register Rare Diseases ou CRRD). Ce n'est pas là un reproche au personnel de Sciensano, qui met tout en oeuvre pour que tout se passe au mieux. Mais, malgré ces efforts, nous devons constater que seuls 2% des Belges atteints d'une maladie rare sont repris dans le registre, selon les estimations. Le registre n'est donc pas utile. Le nombre est tellement faible qu'il n'est actuellement pas obligatoire d'enregistrer une maladie rare. Jusqu'il y a peu, une seule personne était responsable de ce registre. Elle a récemment obtenu un renfort. Le registre du cancer emploie au moins dix personnes.""La médecine evidence-based est devenue un mantra. Il me semble donc capital de savoir quels sont les patients concernés, et comment ils sont suivis. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut les grouper, un préalable pour acquérir de l'expertise. Pour le moment, le registre ne comporte qu'un set de base de 21 données. Il peut malgré tout constituer un outil essentiel à l'établissement d'une politique, afin d'offrir des chances égales à tous ceux qui sont en proie à une maladie rare et aussi pour conférer plus de visibilité à ces maladies orphelines. Nous remarquons en effet que ce sont les maladies qui attirent le plus d'attention médiatique qui peuvent compter sur l'intérêt du monde politique. Or tous les patients ont droit à un accès égal aux soins, que leur maladie soit représentée par une association de patients ou non."L'accord gouvernemental s'attarde sur un dernier point: l'attention particulière qui doit être portée au passage de l'enfance à l'âge adulte. Actuellement, beaucoup de jeunes restent confiés aux services pédiatriques, surtout s'ils souffrent de retard mental ou de certains problèmes comportementaux. "Les praticiens qui se consacrent aux adultes sont généralement trop peu formés à la gestion de patients atteints de handicaps mentaux. Nous constatons que la multidisciplinarité est mieux organisée en pédiatrie. En outre, la transition entre l'adolescence et l'âge adulte est une période difficile pour tous les patients. C'est l'âge des questions sur les relations, la sexualité et l'avenir."Aux yeux d'Eva Schoeters, le fait que Frank Vandenbroucke reste ministre des Affaires sociales et de la Santé publique peut constituer un avantage. "Nous savons qu'ainsi, la continuité est garantie, avec un ministre qui défend notre cause. Nous savons aussi que des parlementaires des autres partis de la majorité connaissent plus ou moins la problématique. Kathleen Depoorter (N-VA) a déjà déposé à plusieurs reprises une résolution concernant les maladies rares", conclut Eva Schoeters, avec un regard positif.