Des chercheurs de l'ULB, grâce à l'emploi de l'IRM sur les corps des patients décédés, dévoilent l'ampleur de l'attaque neurologique et tissulaire par le virus Sras-Cov-2. Ils publient leurs résultats dans la prestigieuse revue " Neurology ".
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Depuis des millénaires et au moins depuis Galien, l'observation anatomique pour établir des hypothèses sur les processus physiologiques est la clé de voûte de la médecine moderne. Fin avril, des chercheurs de l'Hôpital universitaire de Zurich ont analysé les tissus de décédés du Covid et découvert " qu'il s'agit d'une inflammation vasculaire systémique et non d'une pneumonie ". Cela explique pourquoi elle provoque autant de problèmes cardiovasculaires et de défaillances d'organes vitaux. Certes, les premiers patients présentaient surtout des pneumonies difficiles à traiter, mais, par la suite, les médecins ont constaté de plus en plus de cas de troubles cardiovasculaires et de défaillances multiples d'organes. Exactement au même moment, des chercheurs de l'hôpital académique Erasme (ULB) aboutissaient au même résultat en " autopsiant " le cerveau de patients décédés grâce à l'IRM. " Cette approche d'autopsie virtuelle du cerveau, effectuée dans les 24 heures suivant le décès, a permis d'éviter les difficultés et écueils de l'investigation par IRM de patients instables sur le plan médical, tout en réduisant fortement les risques de contamination des chercheurs ", souligne Xavier De Tiège, neurologue au service de médecine nucléaire à Erasme et dernier auteur de cette étude. Les résultats sont inquiétants : les images obtenues montrent que 20% des patients décédés présentent des lésions cérébrales. Celles-ci se manifestent sous la forme d'hémorragies ou d'oedème touchant de façon prédominante les parties postérieures du cerveau. Ces atteintes semblent liées à une attaque directe de la paroi des vaisseaux cérébraux par le coronavirus. Toutefois, l'hypoxie sévère et les troubles de la coagulation qui caractérisent les formes sévères du Covid-19 ont pu jouer un rôle synergique dans l'apparition de ces lésions cérébrales. Le coronavirus responsable du Covid-19, comme d'autres virus de sa catégorie, est susceptible d'attaquer le système nerveux. " En effet, la clé d'entrée du virus dans les cellules de l'organisme humain -- le récepteur ACE2 -- est présente dans le cerveau, et en particulier sur la membrane des neurones qui règlent les fonctions cardio-respiratoires ", explique Xavier De Tiège. " Les atteintes cérébrales observées dans notre étude sont probablement liées au fait que les cellules de la paroi vasculaire expriment le récepteur ACE2. La présence de cette porte d'entrée favoriserait l'infection de ces cellules par le virus. Notons que des études précédentes ont démontré un processus de ce type dans d'autres organes que le cerveau chez des patients décédés du Covid-19. " Au passage, ce résultat, publié dans la prestigieuse revue Neurology, pourrait expliquer pourquoi la plupart des infectés perdent l'odorat et le goût : " Notre étude a démontré des asymétries du bulbe des nerfs olfactifs dans 20% des cerveaux examinés. Cette observation pourrait expliquer la perte de l'olfaction fréquemment présentée par les patients atteints par le Covid-19 ". L'équipe a ainsi autopsié un tiers des 62 patients qui sont décédés du Covid-19 à Erasme entre fin mars et le 24 avril. Le hasard a placé la morgue juste à côté des locaux qui abritent un appareil hybride PET-IRM essentiellement consacré à la recherche en neurosciences, ce qui a facilité le transport des dépouilles en plein respect des personnes décédées et réduit le risque de contamination du personnel scientifique qui a procédé à l'examen. Les housses spéciales utilisées pour préserver les corps sont en effet " IRM compatibles ". Cet appareil PET-IRM, distinct de ceux utilisés pour les soins, est installé grâce à l'Association Vinçotte-Nuclear (AVN) et un soutien financier du Fonds Érasme. L'équipe s'est alors posé une question : la dissémination du coronavirus dans le cerveau au niveau des centres nerveux de la respiration ne contribue-t-elle pas à la sévérité de la détresse respiratoire dans cette maladie ? " Notre étude n'a mis en évidence aucune anomalie dans les régions du tronc cérébral où se situent les centres nerveux de la respiration. Elle ne soutient donc pas l'hypothèse d'un dysfonctionnement des centres respiratoires suite à une dissémination cérébrale du coronavirus ", répond l'expert. Des conclusions qui rejoignent celles des chercheurs suisses allemands, qui ont conclu que l'inflammation touchait l'endothélium, la paroi interne des vaisseaux sanguins. Le virus Sras-CoV-2 a d'ailleurs pu être détecté dans l'endothélium lui-même, où il provoque la mort des cellules, puis des tissus et organes. Les chercheurs en déduisent que le virus entre par les poumons puis se propage au reste du corps via les récepteurs ACE2 présents, notamment, dans l'endothélium vasculaire. Les récepteurs ACE2 sont l'une des portes d'entrée bien identifiée du virus. " La maladie Covid-19 peut toucher les vaisseaux sanguins de tous les organes ", résume Frank Ruschitzka, directeur de la clinique de cardiologie de l'USZ. Cela veut-il dire que l'on pourrait utiliser les nombreux modulateurs des récepteurs ACE2 disponibles sur le marché comme antihypertenseurs pour lutter contre le virus ? " Pour l'instant, il n'y a pas de réponse claire à cette question, il faut donc poursuivre les recherches ", note Xavier De Tiège.