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C'est quelque chose qui a émergé depuis une petite dizaine d'années, avec les premiers travaux montrant un impact important sur différents aspects de la vie. On se rend compte que les femmes qui entrent actuellement en ménopause sont nombreuses à exercer une activité professionnelle, ce qui était moins le cas auparavant. De plus, l'espérance de vie a augmenté, tout comme a évolué la notion de qualité de vie et son importance. À ce titre, on peut citer l'étude réalisée pour Securex par des chercheurs de l'Université de Gand en 2023, qui montre chez les membres de cette société que les femmes ménopausées très symptomatiques et non traitées présentent un taux d'absentéisme au travail très important, avec un risque d'épuisement ou de burn out majoré. À l'inverse, les femmes ménopausées qui sont asymptomatiques ou qui suivent un traitement efficace de leur symptomatologie sont plus efficientes que les hommes plus jeunes qu'elles. "Attention, cependant", remarque Serge Rozenberg: "rappelons que ce genre d'étude montre une association, et pas un lien de causalité. Il n'empêche que d'autres études (notamment américaines) concluent également sur un impact important sur la productivité. Plusieurs membres de la BMS ont été invités à témoigner auprès d'une commission du Sénat, qui a ensuite rédigé un rapport [1] sur la ménopause, la reconnaissant comme un phénomène de société à prendre en compte, ainsi que les pathologies qui lui sont associées."Outre la problématique sociétale, il faut également considérer les ménopauses précoces et leur impact sur le plan de santé cardiovasculaire, osseuse et mentale (dépression), sans oublier les risques de ruptures familiales. Un autre aspect important est le faible remboursement (voire son absence) de divers médicaments indiqués dans la ménopause. "En 2024, pour la première fois", témoigne Serge Rozenberg, "j'ai été invité, tout comme d'autres confrères, à donner des conférences sur la ménopause dans des milieux professionnels, organisées par de grandes sociétés à l'intention de leur personnel. Et c'est logique, puisque ces sociétés ont bien compris l'importance de la santé de leurs employés pour leur productivité. Cela signifie aussi un changement de la place, du rôle de la femme dans la société. Cependant, dans certains milieux, elle reste stigmatisée à cause de la ménopause, tout comme elle peut l'être pour la grossesse ou la dysménorrhée, en la considérant comme moins performante."Environ 50% des femmes affirment que la ménopause impacte leur qualité de vie, en partie à cause des bouffées de chaleur et d'un sommeil qui est fréquemment de mauvaise qualité pour cause de transpiration nocturne, ce qui entraîne des problèmes de concentration en journée. S'y ajoutent des troubles de l'humeur, qui peuvent être liés aux déficiences hormonales, au mauvais sommeil et/ou aux conséquences sociétales de la ménopause. C'est d'autant plus marqué que cette période de la vie correspond souvent à des obligations diverses complémentaires à la profession, comme les besoins des adolescents chez les mères ou encore l'aide à apporter à leurs parents vieillissants. Au travail, de nombreuses femmes ont une fonction de leadership et il peut être embarrassant, par exemple, de se retrouver subitement en nage à cause d'une bouffée de chaleur alors qu'elles donnent une conférence. Les femmes doivent être déculpabilisées d'abord par la reconnaissance de l'existence du problème, et ensuite par l'évocation de solutions - d'abord environnementales, comme fermer un radiateur ou ouvrir une fenêtre, mais aussi thérapeutiques. "Il faut faire disparaître la stigmatisation - voire le tabou, dans certains milieux", insiste Serge Rozenberg. "Sur le plan du traitement, il faut agir en fonction de l'intensité de la symptomatologie. Il arrive encore que des confrères disent à leurs patientes qu'il n'y a rien à faire pour traiter la symptomatologie liée à la ménopause, ou que les traitements sont dangereux. Pourtant, l'arsenal thérapeutique, qui comprend des médicaments hormonaux et non hormonaux, a été élargi ces dernières années. Le traitement hormonal de substitution actuel a moins d'impact négatif, notamment grâce à des dosages plus faibles. Quant aux traitements non hormonaux, ils permettent de mieux gérer les bouffées de chaleur et les troubles du sommeil."La prise en charge doit avant tout évaluer le niveau de la perte de qualité de vie. Ensuite, estimer si cette perte est liée ou pas à la perte hormonale, car de nombreuses interférences de la vie (comme la perte du conjoint ou d'un parent) peuvent fausser l'évaluation. "Le traitement hormonal, qui présente peu de contre-indications, peut être essayé si la patiente présente clairement des symptômes classiques, y compris des douleurs articulaires ou musculaires dont on parlait peu auparavant. L'absence d'amélioration signifierait que la symptomatologie de la patiente n'est pas liée à la ménopause. Si l'amélioration n'est que partielle, le problème réside peut-être tout simplement dans un dosage trop faible et donc à adapter.""Lorsque la patiente exprime des craintes sur le traitement hormonal à cause d'antécédents familiaux de cancer du sein, il faut lui expliquer qu'il ne s'agit pas d'une contre-indication absolue, tout en respectant ensuite son choix. En cas de contre-indication relative et/ou de craintes persistantes, une autre option thérapeutique peut être proposée, comme un antagoniste du récepteur NK3 dont l'efficacité a été démontrée."