...

Au début de l'été, un tapis d'orties a été installé près de la place Flagey, à Bruxelles. Orchestrée par une firme pharmaceutique, des dermatologues et Allergienet, cette opération visait à attirer l'attention de l'opinion publique sur l'urticaire chronique (UC). " Cette pathologie auto-inflammatoire touche particulièrement les jeunes femmes de 20 à 40 ans ", explique le Dr Pierre-Paul Roquet-Gravy, dermatologue et chef du " pôle Peau " du Grand Hôpital de Charleroi. " Elle se traduit par des poussées d'urticaire qui se répètent sur différentes zones du corps pendant plus de six semaines : papules (qui changent de place en 24 heures), prurit et, parfois, des angiooedèmes au niveau des yeux, de la bouche, etc. "Les mastocytes des personnes atteintes d'UC sont éminemment activables. Chez certains patients, un vêtement qui frotte ou un jet de douche un peu trop puissant suffisent à déclencher une poussée. " Les mécanismes physiopathologiques à l'oeuvre dans l'UC ne sont pas encore complètement compris ", poursuit le Dr Roquet-Gravy. " Il y a sans doute une part de phénomène auto-immunitaire ; des autoanticorps dirigés contre les IgE alimentent le processus anti inflammatoire. En tous cas, une chose est sûre : il ne s'agit pas d'une allergie ! "Si certains patients ne font qu'une seule crise, d'autres souffrent de façon récurrente. L'impact sur la qualité de vie ne doit pas être sous-estimé. La maladie fait le lit de troubles dépressifs et/ou anxieux. Certains se couvrent de vêtements pour dissimuler les lésions. D'autres n'osent plus sortir de chez eux et s'isolent. Mais le plus handicapant reste sans doute les démangeaisons (quasi) permanentes qui, sans surprise, perturbent le sommeil.Pourtant, les trois quarts des patients seraient mal ou sous-traités1. Les symptômes, notamment les angiooedèmes, peuvent - à tort - faire penser à une réaction allergique. De nombreux médecins urgentistes ou généralistes prescrivent alors des corticoïdes. " C'est la dernière chose à faire ! ", insiste le Dr Roquet-Gravy. " Non seulement les dérivés de cortisone ne soignent pas l'UC, mais en plus, ils ont un effet rebond : l'urticaire revient avec plus de force dès l'arrêt du traitement. "Les guidelines sont pourtant claires. Certaines UC sont dites inductibles, car déclenchées par des facteurs externes. Les identifier et, le cas échéant, les éviter est la première étape du traitement.Il existe notamment des urticaires au froid, au chaud et à la lumière (du soleil). " Il n'existe pas de marqueur biologique de l'UC ", rappelle le Dr Roquet-Gravy. " Il est donc essentiel de bien interroger le patient afin d'identifier le facteur déclenchant et/ou d'éliminer les autres formes d'urticaire. "Mais dans les deux tiers des cas, les urticaires chroniques sont dites spontanées (UCS), car les causes ne sont pas identifiables. Cela dit, des facteurs externes peuvent favoriser la survenue des poussées et/ou aggraver les symptômes. Exemples :Certains aliments (chocolat, alcool, certains fromages, etc.) sont " histamino-libérateurs ". La liste des denrées problématiques varie d'un patient à l'autre.Comme évoqué plus haut, les frottements sont générateurs de poussées. Au quotidien, le patient devrait éviter les vêtements trop serrés, privilégier les coupes amples et les textiles doux, se méfier des sacs à dos, etc.Au niveau des médicaments, l'acide acétylsalicylique et les anti inflammatoires non stéroïdiens favorisent la dégranulation des mastocytes. Ils sont donc à limiter.La littérature souligne aussi le rôle d'anticorps impliqués dans certaines pathologies thyroïdiennes et des agents pathogènes actifs dans la sphère ORL. Sinusites, angines ou encore abcès dentaires doivent donc être rapidement soignés.Dans tous les cas, le stress est connu pour favoriser les poussées et aggraver les symptômes qui, eux-mêmes, peuvent être stressants. Un vrai cercle vicieux ! " Les patients atteints d'UC ont donc tout intérêt à apprendre à mieux gérer leur stress ", conseille le Dr Roquet-Gravy. "A cet égard, des outils comme la méditation, la relaxation ou le yoga peuvent aider à mieux vivre la maladie au quotidien. "Le traitement médicamenteux de première intention pour les UC consiste à prescrire un comprimé d'antihistaminique H1 par jour. S'il n'y a pas d'amélioration au bout d'une semaine, il faut directement passer à quatre comprimés. " Les antihistaminiques de nouvelle génération n'ont pas l'effet sédatif des anciennes molécules ", rappelle le Dr Roquet-Gravy. " De plus, ils ont été étudiés pour être utilisés en multidose. Il faut toutefois être attentif aux potentielles interactions médicamenteuses induites par les antihistaminiques. "S'ils ne suffisent pas à soulager le patient, l'omalizumab mérite d'être envisagé. " Cet anticorps monoclonal a un très bon profil de sécurité. Mais vu le coût élevé du traitement, ses conditions de remboursement - par six mois - sont strictes. Toutes les autres formes d'urticaire doivent avoir été formellement exclues et le patient doit obtenir un score UAS72 supérieur à 28. La prescription d'omalizumab doit être validée par le médecin-conseil de la mutuelle. Et le médecin prescripteur doit s'engager à arrêter le traitement quand celui-ci a atteint son action maximale. "Quelques rares patients ne répondent ni aux antihistaminiques ni à l'omalizumab. Ne reste alors à tenter que la ciclosporine. Cet agent immunosuppresseur peut être prescrit en cure de quelques semaines à quelques mois.