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En mai 2022, l'Absym avait saisi la Cour constitutionnelle pour solliciter l'annulation de la disposition légale autorisant les pharmaciens à administrer le vaccin contre le coronavirus pour autant que le vaccin soit administré immédiatement dans la pharmacie où la prescription et la délivrance ont été effectuées[2]. À l'appui de sa requête, l'Absym faisait valoir une violation du droit à la santé, l'existence d'une discrimination injustifiée entre médecins et pharmaciens ainsi qu'une violation du droit au respect de la vie privée. En effet, selon elle, le droit à la santé était en danger si la vaccination n'était pas réalisée par les acteurs de la santé qui disposent des qualités et compétences professionnelles nécessaires. Toujours selon elle, les pharmaciens ne disposent pas d'une formation suffisante pour administrer ces vaccins, contrairement aux médecins qui, eux, sont formés pour déceler les problèmes de santé et effectuer une anamnèse complète nécessaire eu égard aux risques liés à la vaccination (fièvre, coagulation, péricardite et réaction allergique). Les pharmaciens n'ont, par ailleurs, pas accès au dossier médical qui contient pourtant des informations potentiellement primordiales pour la vaccination. La requérante pointe également un risque de conflit d'intérêts dans le chef du pharmacien qui endosse les rôles de prescripteur et vendeur. Ces constats aboutissent de surcroît à une discrimination à l'égard des patients précarisés qui se dirigent préférentiellement vers un pharmacien. Outre la violation du droit à la santé, la requérante invoquait également, à l'appui de son recours, l'existence d'une différence de traitement entre les pharmaciens et les médecins, dans la mesure où, selon elle, les premiers peuvent vacciner et fournir le vaccin, tandis que les médecins doivent nécessairement commander ailleurs ledit vaccin. Enfin, la requérante soutenait que la vie privée, qui comprend la protection de la confidentialité et de l'intégrité physique, était également mise à mal dans la mesure où les officines pharmaceutiques ne sont pas soumises à une obligation de disposer d'une salle d'attente ou d'une pièce séparée pour administrer les vaccins et ne sont pas tenues par les dispositions pénales relatives au secret professionnel. Saisie de ce recours, la Cour constitutionnelle rappelle que l'objectif était d'impliquer davantage les pharmaciens dans la lutte contre le coronavirus covid-19. Pour la Cour, "il est en effet primordial de continuer à prendre des mesures afin de pouvoir gérer au mieux la sortie de la crise engendrée par le coronavirus sur le long terme. Un des outils qui est à notre disposition pour ce faire est la vaccination. Il est donc essentiel d'assurer le bon déroulement du programme de vaccination contre ce coronavirus, et ce afin que le taux de vaccination de la population soit suffisamment élevé pour limiter au maximum la circulation de ce virus et limiter le nombre de malades de ce coronavirus dont l'état de santé nécessiterait une hospitalisation. Il y a lieu de prendre des mesures pour éviter d'être à nouveau confronté à une saturation de nos établissements de soins en raison d'un trop grand nombre de malades graves du covid-19, ce qui engendre l'épuisement de notre personnel de soins de santé déjà largement éprouvé, et empêche le traitement correct de ces malades du covid-19 mais également des malades devant être soignés pour d'autres pathologies. Par conséquent, il s'agit ici d'une question de santé publique qui concerne tout le monde. Dès lors, afin d'offrir une plus grande accessibilité à la vaccination et pouvoir atteindre les personnes qui ne sont pas encore vaccinées (par manque d'accès aux soins, par manque d'information scientifique correcte, par peur du vaccin,...), il y a lieu d'étendre la possibilité de prescrire et d'administrer directement le vaccin contre le coronavirus aux pharmaciens et plus particulièrement aux pharmaciens d'officine qui sont en contact direct avec le public au sein de leurs officines présentes sur tout le territoire et qui disposent de compétences spécifiques en matière de soins." Une fois cet objectif rappelé, la Cour déclare, après examen de l'argumentation qui lui est soumise, le recours non fondé. Concernant la compétence et la formation du pharmacien, la Cour précise que le pharmacien a dû suivre une formation de minimum huit heures comportant les aspects théoriques de la vaccination, y compris la composition des vaccins, les recommandations du Conseil supérieur de la santé, les allergies à certains composants et les réactions allergiques aux vaccins, et des aspects pratiques relatifs aux techniques de vaccination, comme l'administration stérile, la reconnaissance de réactions allergiques graves, à savoir le choc anaphylactique, et les techniques de base de la réanimation. Cette formation doit être renouvelée tous les trois ans. La disposition attaquée prévoit d'ailleurs également une habilitation à prescrire et administrer par voie sous-cutanée ou par voie intramusculaire de l'adrénaline lorsque le patient, après la vaccination subit un choc anaphylactique. La Cour rappelle également les obligations de tout prestataire de soins de santé de tenir un dossier relatif à son patient, l'existence d'un dossier médical général partagé avec le consentement de ce dernier, outre les autres dossiers partagés qui existent aux niveaux fédérés, le dossier pharmaceutique et la possibilité pour le patient d'octroyer de son propre chef à son pharmacien une autorisation d'accès à son dossier médical préalablement à la vaccination. La Cour balaie également les autres arguments. Selon elle, il n'existe pas de conflit d'intérêts dans le chef des pharmaciens qui ne reçoivent aucune intervention pour la délivrance des vaccins contre le covid-19 et qui sont, concernant la préparation et l'administration, en grande partie indemnisés de la même manière que les médecins et les praticiens de l'art infirmier. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la partie requérante, l'aménagement de l'officine pharmaceutique est réglementé et comprend notamment un espace qui permet de tenir une conversation confidentielle avec un patient ou son délégué. Enfin, la Cour conclut à l'absence de différence de traitement entre les pharmaciens et les médecins. Le recours en annulation n'a ainsi pu aboutir. Il va de soi qu'un pharmacien ne peut offrir au patient les mêmes garanties que celles offertes par un médecin au niveau des soins prodigués, de la continuité de ceux-ci et du respect de la confidentialité. La Cour n'en déduit cependant pas pour autant une violation des droits invoqués à l'appui du recours. Cependant, on ne perdra pas de vue le contexte dans lequel la mesure a été prise, et que la Cour n'a pas manqué de rappeler en préambule de son arrêt.