Jusqu'à la fin du mois de janvier, une fascinante exposition sur René Magritte se tient au Museo Nacional Thyssen-Bornemisza à Madrid. Une collection qui se déplacera ensuite au Caixaforum de Barcelone du 24 février au 05 mai. Parmi les oeuvres exposées, nombres d'entre elles sont peu connues, provenant de musées américains ou de collections privées. En prime, vous pourrez profiter d'une deuxième expo de photo et de films de et/ou avec Magritte dans le rôle principal.
...
Nous commençons d'abord par jeter oeil au premier étage sur l'expo documentaire Magritte. On peut y retrouver une série de documents rares voire jamais vus, des films en noir et blanc qui montrent par exemple Magritte au travail dans la peinture et comme acteur dans des courts métrages surréalistes qu'il a lui-même réalisés. Il en va de même pour les photographies. On y voit Magritte se casser les dents sur une brique, en compagnie de son frère Paul et de l'artiste Marcel Mariën. Certaines des photos sont de Magritte lui-même, une série de photos de sa femme Georgette, par exemple, et d'autres sont mises en scène par lui. Voilà une belle mise en bouche avant d'entamer l'expo principale. L'exposition thématique d'une centaine de chefs-d'oeuvre tente de représenter visuellement la méthode de travail de l'artiste - la machine Magritte- et les oeuvres juxtaposées permettent au spectateur de comprendre les symboles. Une salle, par exemple, est consacrée à la fenêtre qui, dans l'oeuvre de Magritte, laisse entrevoir une autre réalité. Un autre thème est le lien entre le visage et le masque qui révèle une nouvelle identité. Ou encore la combinaison de mots et d'images qui crée des associations étranges. Un autre thème favori de Magritte est le jeu du mimétisme, la capacité d'adapter sa couleur et/ou sa forme à son environnement. La mégalomanie, elle aussi, se retrouve souvent dans l'oeuvre de Magritte: une pomme remplissant l'espace d'une pièce, ou une femme démesurément grande, La Géante, en référence à un poème de Baudelaire. "Los Poderes del Mago" (les forces de la magie) est le thème de l'une des salles, où l'on retrouve La Tentative de l'Impossible datant de 1928, une oeuvre clé de Magritte. Sur la toile, on voit l'artiste peindre une femme nue, son pinceau commençant à peindre le bras gauche encore manquant. La toile sur laquelle il peint la femme est également absente, de sorte qu'il peint la femme dans l'espace. Cela donne à la figure un caractère tridimensionnel. Ce que nous voyons avec nos yeux n'est pas l'artiste qui fait le portrait de la femme, mais l'artiste qui crée une femme en trois dimensions avec son pinceau. Des photographies de Magritte lors de la préparation de l'oeuvre et à son achèvement confirment son engagement dans la création de ce tour de magie. C'est ce que Magritte appelle "La Trahison des Images". Magritte appelait lui-même ces oeuvres "des pensées visibles". Pour lui: " Ces pensées sont formées exclusivement par les figures que le monde m'offre. Ces figures sont réunies dans un ordre qui évoque le mystère." Cette logique est clairement exprimée dans son oeuvre réputée Ceci n'est pas une Pipe: ce n'est pas une pipe, c'est la peinture d'une pipe. Le célèbre tableau est facile à lire et a contribué à la popularité de Magritte de Bruxelles à Tokyo. D'autres associations d'images et de mots sont par contre parfois plus difficiles à saisir. Et pourtant, ce qui est frappant, c'est que le spectateur reste souvent devant un tel tableau pendant de longues minutes, hypnotisé par l'oeuvre d'art qui nourrit ses propres pensées. C'est peut-être là que réside la magie de Magritte. Ses oeuvres incitent le spectateur à la réflexion, stimulent l'imagination et font travailler le pouvoir associatif. C'est pourquoi Magritte reste toujours fascinant.