Pourquoi ne produit-on pas suffisamment de MG? Pour Anne Gillet, présidente honoraire du GBO, "la pénurie de MG est d'abord structurelle. Les sous-quotas dans les universités n'ont pas été respectés. Un AR exige 43% de MG par rapport aux spécialistes. Aux heures sombres, nous n'avions que 25% de MG. On a remonté à moins de 40% dans les faits et le ministre Vandenbroucke nous a récemment accordé 48%. Le Collège de médecine générale avait demandé 50%..."
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La démographie a quelque chose d'inéluctable: près d'un médecin généraliste bruxellois sur trois a entre 55 et 64 ans. "Une grande cohorte de MG va donc partir à la retraite au cours des dix prochaines années. À Molenbeek et Schaerbeek, la moitié des médecins ont plus de 50 ans. À Uccle, c'est 80%! Le nombre de médecins 65+ encore actifs est presque aussi important que les médecins de 44-55 ans..." De plus, Bruxelles concentre beaucoup de pauvreté et beaucoup plus de migrants. "20% de l'aide médicale urgente du pays est concentrée sur Bruxelles-Ville qui pèse 1% de la population belge! Bruxelles a donc vraisemblablement besoin de plus de médecins..." Or, les primo- arrivants (souvent sans-papiers) mais aussi les diplomates et les touristes ne sont pas comptabilisés dans les besoins officiels. Y aurait-il un agenda caché? "En tout cas, certains syndicalistes voulaient faire de la MG une spécialité comme les autres, inscrite sur la même ligne de soins. La motivation sous-jacente était de mettre la MG sur un pied d'égalité avec les autres spécialités. En gommant l'échelonnement des lignes de soins. Dans ces conditions, cela ne nécessiterait pas autant de main d'oeuvre généraliste. Nous avons toujours revendiqué un échelonnement des soins. Mais le drame de la pénurie de MG est qu'elle est un obstacle majeur à l'échelonnement des soins! De notre part, ce n'est pas du "généralistocentrisme" corporatisme mais c'est un besoin de santé publique. L'étude du professeur Barbara Starfield1 démontre qu'un système de soins basé sur une Première ligne forte entraîne moins d'iatrogénicité, moins d'intervention superflue. Mais l'échelonnement et la subsidiarité sont deux mots encore tabous. Ils font encore grincer les oreilles et les dents." D'autant que la MG est la source de tous les métiers annexes comme la prévention, la médecine du travail, la médecine de mutuelle, etc. La pénurie de MG est-elle due à un manque d'intérêt chez les étudiants? "Les universités ne font suffisamment pas la promotion de la MG malgré les efforts remarquables des CAMG (Centres académiques de médecine générale). Comme la MG risque l'effondrement, les jeunes étudiants en médecine ne se risquent pas vers une spécialité en danger! J'ai eu plusieurs stagiaires chez moi avant la fin de leurs études. Tout en me remerciant de la qualité du stage ils me disent: "Ce n'est pas pour moi". C'est difficile. Il faut tout savoir. Il faut connaître toutes les pathologies. Et financièrement ce n'est pas tellement intéressant."Anne Gillet rappelle que nous vivons sur une planète qui manque de médecins. "C'est tout de même incroyable que les pays les plus riches refusent de former plus de médecins. Et captent les médecins de pays qui en ont bien besoin. On limite le nombre de médecins formés dans une université belge alors que nous sommes obligés d'accepter tous les médecins qui viennent d'ailleurs d'Europe. Le libéralisme européen provoque un appel d'air de l'étranger. Ce n'est pas normal qu'en 2018 la Fédération Wallonie-Bruxelles a donné 45% des numéros Inami à des étudiants ayant étudié à l'étranger! Ceux qui ont étudié en Belgique doivent bénéficier de la même liberté."Qui plus est, ces médecins acceptent des postes moins rémunérés ce qui arrange les hôpitaux. "Il est regrettable que le patient soit soigné par un médecin qui n'a pas fait le même chemin que nous sur l'avortement, l'euthanasie, le droit des patients, le partenariat avec le patient ou bien que ce médecin pratique une médecine paternaliste et plus autoritaire sans parfois comprendre la langue du patient."Une des clés du problème se situe en Flandre. "Le monde généraliste flamand continue de vouloir sanctionner les généralistes francophones pour ne pas avoir respecté les quotas alors qu'ils sont eux-mêmes soumis à une pénurie. Pourtant le KCE, déjà en 2008, annonçait cette pénurie. Je n'ai pas encore entendu un Néerlandophone qui accepte de dire qu'il s'est trompé et d'analyser ses erreurs afin de ne plus se tromper à l'avenir."Il faut également s'interroger sur l'équilibre entre les activités spécifiques de certains MG (nutrition, planning familial, soins aux toxicomanes indispensables à la 1ère ligne) et toutes les activités omnipraticiennes "de base". "Et comment faire entre les contacts sur rendez-vous et les urgences et semi-urgences? Comment fixer les contacts à bas seuil et haut seuil? Pourquoi certains médecins prennent en charge de nombreux patients pauvres et d'autres pas? Certains MG ne font plus de visites à domicile... Comment remettre à l'honneur les visites à domicile? On parle beaucoup d'hospitalisations à domicile mais on manque de médecins et de kinés qui se rendent au domicile! Comment partager sur tout le territoire bruxellois, les visites et les soins palliatifs, etc.?"Autre mixité toute nouvelle: l'équilibre entre le présentiel et la téléconsultation. "Celle-ci a été un bienfait majeur pendant la pandémie et on peut résoudre beaucoup de choses par téléphone mais le présentiel est important aussi."