Les premiers résultats épidémiologiques de la prévention du VRS, présentés lors du Symposium Saint-Valentin du 7 février dernier [1], montrent une réduction significative du nombre d'hospitalisations des enfants de moins de 5 ans.
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La prévention du virus respiratoire syncytial (VRS ou RSV) chez le nourrisson a été lancée avec le remboursement du Beyfortus (nirsevimab, AC monoclonaux) à partir du 1er juin 2024. Une campagne amenée à évoluer, puisque depuis le 1er janvier 2025, le vaccin Abrysvo (à administrer pendant la grossesse) est également remboursé. "Il y a deux ans, on savait que les deux mesures de prévention contre le RSV allaient arriver, les AC monoclonaux et le vaccin maternel. On a donc décidé, avec Sciensano, de construire un réseau de surveillance pour suivre spécifiquement les infections à RSV en pédiatrie. On s'est d'abord intéressé au niveau hospitalier, on aimerait l'étendre à la surveillance communautaire. Le but est d'avoir une image avant et après l'implémentation des mesures de prévention pour savoir si elles ont un impact", a expliqué la Dre Sophie Blumental (pédiatre infectiologue) en présentant les résultats préliminaires de l'étude nationale RSVPED. RSVPED est une étude rétrospective qui inclut tous les cas de RSV chez les enfants de 0 à 4 ans, hospitalisés pendant la période épidémique (octobre à mars). Elle est menée en parallèle avec la surveillance SARI, organisée par Sciensano, qui inclut toutes les hospitalisations pour infection respiratoire aiguë sévère (adultes et enfants). "RSVPED s'étend sur trois ans: on a collecté les données de la saison pré-prévention (2023-24), celles de 2024-25 (première année d'implémentation de la prévention, un outil remboursé) sont en cours de collecte, et on espère étendre notre étude à la saison prochaine 2025-26 (deuxième année de prévention, deux outils remboursés). Et ensuite coupler notre base de données à celle de l'étude SARI pour avoir une vue nationale de l'impact de la campagne de prévention. Au total, 31 centres participent: 24 dans l'étude RSVPED et 7 dans SARI.""Sans surprise", poursuit-elle, "on a déjà pu montrer que le RSV a eu un impact important pendant la saison 2023-24, avec plus de 2.000 cas dans 16 centres, la moitié avait moins de 6 mois et 90% moins de 2 ans, une médiane d'hospitalisation de 5,5 jours, un support respiratoire nécessaire dans deux tiers des cas, des antibiotiques pour un tiers et 165 admissions à l'USI."Quels bénéfices attendre de la prévention RSV sur les hospitalisations? "Pour faire ce calcul théorique", explique-t-elle, "Sciensano s'est basé sur l'estimation de l'incidence des cas hospitalisés pour RSV chez les moins de 5 ans (plus de 1.000/100.000), la proportion d'enfants hospitalisés qui auraient été éligibles à l'immunisation selon les critères de remboursement actuels pour le nirsevimab (66%), le pourcentage d'enfants qui allaient effectivement le recevoir (85% en maternité, 50% catch up), et l'efficacité du nirsevimab pour prévenir les hospitalisations (88%, selon la littérature).""Ainsi, sur base de l'épidémiologie 2023-24 (en sachant que c'est encore une sous-estimation puisqu'on attend toutes les données de l'étude RSVPED), on pourrait espérer une réduction d'au moins 35% de l'incidence des hospitalisations pour RSV chez les 0-4 ans! C'est énorme! Cela représenterait une diminution de plus de 350 hospitalisations/100.000 enfants (0-4 ans). Et on pourrait faire encore mieux si tous les enfants le recevaient.""Pour cette saison, l'étude RSVPED montre une diminution significative du nombre d'enfants (0-4 ans) hospitalisés entre octobre et décembre (1.707 en 2023-24, vs 971 en 2024-25, soit - 40%)", apprend la Dre Blumental. "Par ailleurs, on a observé un shift de la saisonnalité: début en octobre et pic fin novembre-début décembre, alors que la saison précédente avait commencé plus tôt avec un pic fin octobre-début novembre. On a aussi vu une modification de la distribution des âges parmi les enfants hospitalisés, avec une réduction importante de la proportion des moins de 6 mois (moins d'un tiers, vs plus de la moitié en 2023-24)."Dans la population des enfants de moins de 6 mois hospitalisés, certains avaient reçu le nirsevimab. "Néanmoins, ils ne représentaient que 6-7% de la cohorte totale des patients hospitalisés (0-4 ans), ils ne présentaient pas plus de comorbidités, ni de prématurité. Ils ont cependant fait des infections moins sévères.""Dans les autres groupes d'âge (enfants non immunisés), on n'a pas vu de différence significative dans les infections sévères. Ceci dit, on a encore beaucoup de paramètres à analyser comme marqueurs de sévérité de l'infection (longueur des séjours, antibiotiques, support nutritionnel, complications pulmonaire/neurologique, USI...)."Selon une étude pilote menée par Marc Raes (coordinateur national RSV prevention taskforce) sur plus de 30 centres en Flandre et Wallonie, on observe une couverture moyenne de plus de 80%. "Pour le catch up, c'est un peu moins bon", nuance la pédiatre, "un peu plus de la moitié des parents ont répondu positivement à l'invitation de catch up, mais on attend des données complémentaires.""Trois quarts des enfants hospitalisés de moins de 6 mois n'avaient pas été immunisés. Si tous les enfants éligibles avaient reçu le nirsevimab cette saison (octobre 2024-janvier 25, données SARI), l'incidence aurait encore été réduite de 17% (soit 131 hospitalisations en moins/100.000 enfants 0-4 ans)."Pourquoi le catch up a-t-il été plus bas qu'attendu? "Avant d'implémenter les mesures de prévention, on a remarqué qu'il y avait plus d'hésitation vaccinale suite à la pandémie de covid-19", explique Sophie Blumental. "On se demandait donc comment la prévention RSV allait être accueillie par les parents. On s'est rendu compte que beaucoup ne connaissaient pas bien cette pathologie, mais que si on les informait, ils étaient plus nombreux à accepter cette prévention (de 70 à 90% d'acceptation). Si les mesures étaient recommandées et remboursées de la même manière, ils n'avaient pas de préférence entre les deux outils [2].""Les résultats sont donc prometteurs, mais on devrait faire des efforts pour mieux identifier les attentes des parents et des professionnels de soins, améliorer la communication sur cette campagne et alléger les procédures administratives", conclut-elle.