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Le temps où une maladie ou un facteur de risque cardiovasculaire était pris en charge de façon isolée est révolu. Pour une médecine préventive efficace, la santé cardiovasculaire des patients doit désormais s'envisager comme un tout. En témoignent les résultats de nombreuses études et les recommandations présentées lors du récent congrès de l'European Society of Cardiology (ESC). Exemple : l'étude BPL-TTC (1) qui remet en question la notion de seuil de traitement pour l'hypertension. " Cette méta-analyse rapporte des résultats sur près de 350.000 patients ", commente le Pr Antoine Bondue, président du comité scientifique de la Ligue cardiologique belge et chef du service de cardiologie de l'Hôpital Erasme. " Il en ressort que chaque diminution de 5 mmHg de mercure de tension artérielle systolique correspond à une diminution de 10 % du risque cardiovasculaire global à 4 ans. Et ce, quelle que soit la tension de départ ! La notion de seuil pour instaurer un traitement antihypertenseur devrait donc être reconsidérée sur base de ces résultats. Tout en veillant à ne pas descendre trop bas, chaque médecin, tant généraliste que spécialiste, doit être très attentif à la tension artérielle de son patient ; sa prise en charge est un moyen efficace de réduire le risque cardiovasculaire, tant en prévention primaire que secondaire. " L'adage selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir - et, donc, laisser venir - les problèmes cardiovasculaires est donc plus que jamais d'actualité ! C'est aussi le cas concernant l'hypercholestérolémie, autre grand facteur de risque cardiovasculaire. Les dernières recommandations prônent des objectifs de réduction des lipides en fonction du profil de risque des patients : moins de 55 mg/dl (et plus de 50 % de réduction) du cholestérol LDL pour les personnes à très haut risque cardiovasculaire, et moins de 70 mg/dl (et plus de 50% de réduction) pour les patients à haut risque (2). " Grâce à l'arrivée de nouvelles molécules, l'arsenal thérapeutique s'est considérablement renforcé, mais en pratique clinique, force est de constater que seule une minorité de patients atteignent l'objectif thérapeutique ", explique le Pr Bondue. " C'est en tout cas ce qui ressort de l'étude DA VINCI, menée dans 18 pays européens auprès de plus de 5800 personnes (3). Selon cette étude, en Europe, 80 % des patients reçoivent une monothérapie par statines, le plus souvent à dose modérée. En revanche, ils ne sont que 10 % à bénéficier d'une thérapie combinée (statines + ézétimibe), et seulement 1 % à recevoir un anti-PCSK9. Avec ce profil de prescription, seulement un tiers des patients rencontrent les objectifs définis dans les guidelines 2019. Cet énorme écart entre objectifs et résultats nous amène à promouvoir une accessibilité accrue aux thérapies combinées et, dans les cas difficiles, à un recours aux anti-PCSK9. Les critères de remboursement belges devraient évoluer en ce sens. " Une autre classe de médicaments est en passe de révolutionner la prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires : les glifozines. Ces molécules, développées au départ comme hypoglycémiants et, donc, destinées aux patients diabétiques, se sont révélées de nouveaux acteurs clés en médecine cardiovasculaire. En inhibant un cotransporteur de réabsorption du glucose au niveau rénal (SGLT2), les glifozines réduisent la glycémie à jeun et postprandiale, et améliorent le profil glycémique des patients. Mais pas seulement ! " On a constaté qu'elles ont en réalité un effet cardiovasculaire et néphroprotecteur beaucoup plus large, tant chez des patients diabétiques que non diabétiques ", se réjouit le Pr Bondue. " L'étude EMPEROR-Reduced (4) a révélé une baisse de 25 % de la mortalité cardiovasculaire et d'hospitalisation chez les patients avec une insuffisance cardiaque sévère traités par empaglifozine. Dans l'étude DAPA-CKD (5), l'usage de la dapaglifozine a également diminué de 39 % le risque de progression d'insuffisance rénale. Cette classe de médicaments mérite donc d'être considérée bien au-delà du traitement du diabète. Les glifozines deviennent un nouveau pilier du traitement d'insuffisance cardiaque et de protection rénale, chez des patients diabétiques ou pas. "En présence d'une fibrillation auriculaire (FA), faut-il contrôler le rythme et ramener le patient en rythme sinusal pour réduire son risque d'AVC ou de mortalité ? Ou peut-on tolérer la FA ? Le débat est à nouveau lancé. D'après la dernière étude de l'Atrial Fibrillation NETwork, le contrôle précoce du rythme cardiaque chez des patients ayant une FA récente (< 1 an) diminue le risque d'AVC et améliore l'espérance et la qualité de vie . " Ces résultats plaident pour un contrôle du rythme plus précoce, ce qui se traduit déjà dans les nouvelles recommandations concernant la prise en charge de la FA, également présentées à l'ESC cette année (6) ", commente le Pr Bondue. " L'isolement des veines pulmonaires occupe une place de plus en plus importante, et doit être proposé de plus en plus tôt aux patients. Les recommandations insistent aussi sur la nécessité d'une prévention efficace du risque thromboembolique, et sur la prise en charge globale des facteurs de risque cardiovasculaire et des comorbidités, éléments clés dans le risque de récidive. " En cette année particulière, difficile de passer à côté du Covid-19 ! " La tempête inflammatoire déclenchée par le Sras-cov-2 entraîne des complications type maladies thromboemboliques ou myocardites, parfois sévères ", commente le Pr Bondue. " Nous avons observé aussi une hausse de syndromes de Kawasaki chez des enfants, probablement secondaire à leur infection par le coronavirus. "Dès le début de la pandémie, une crainte portait sur l'opportunité de poursuivre ou non les traitements par inhibiteurs de l'enzyme de conversion (ACE) ou par sartans. En effet, " Le Sras-Cov-2 utilise les récepteurs ACE2 pour s'arrimer à sa cellule cible, et l'expression de ce récepteur pourrait être augmentée par ces traitements ", rappelle le Pr Bondue. " Était-il judicieux de continuer à les prescrire ? Les recommandations d'experts ont toujours été en ce sens. Présentée à l'ESC, l'étude BRACE-CORONA (7) l'a confirmé : il n'y a aucun intérêt à interrompre ces traitements, y compris chez les patients hospitalisés pour Covid-19. "