"Quelle place pour les services High Intensive Care (HIC) au sein du réseau psy?" C'est le titre d'un webinaire organisé récemment par le Dr Caroline Depuydt, directrice médicale générale adjointe à la clinique psychiatrique Espylon. Explications.
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Le journal du Médecin: Que recoupe exactement la notion de HIC? Quels sont les liens avec les équipes mobiles (projets 107)? Dr Caroline Depuydt: Le HIC vise à accueillir des patients avec des problématiques psychiatriques lourdes et complexes dans un cadre clinique qui leur convient: il y a davantage de personnel engagé pour s'en occuper et plus d'espace. Les hospitalisations se font sur un mode volontaire ou involontaire (mise en observation). Ce service vise à ce que l'hospitalisation, quand elle est nécessaire, soit aussi brève et constructive que possible. L'objectif est toujours la réinsertion de la personne dans l'autonomie la plus complète. Pour cela, nous tentons de mobiliser tous les acteurs autour du patient: famille, entourage privé ou professionnel et équipes mobiles. Des rencontres et concertations sont faites avec les équipes mobiles, soit autour d'un cas clinique, soit de façon institutionnelle pour apprendre à nous connaître et à échanger nos bonnes pratiques. Les HIC s'occupent-ils également des enfants, des patients hospitalisés sous contraintes? Non, les enfants et adolescents ont des unités dites "For-K" qui s'occupent des hospitalisations sous contrainte de mineurs. Les HIC prennent en charge les cas sévères comme les personnes en plein délire... Ils permettent ce qu'on appelle la "montée en puissance"? C'est exactement cela leur objectif: prendre en charge des patients en pleine décompensation aiguë, soit délirante, mélancolique, maniaque ou autre, que ce soit de façon volontaire ou non volontaire. L'idée de la "montée en puissance" est d'apporter, à chaque degré de complexité, une réponse adéquate. Plus c'est complexe, plus il y a d'agitation, plus la pathologie est lourde, plus le patient aura besoin d'une réponse intensive et de moyens importants (chambres seule, accompagnement one-to-one). Faudra-t-il toujours des institutions psychiatriques fermées comme des prisons? N'est-il pas possible d'obtenir le consentement dans tous les cas? Ce sera toujours nécessaire, quoi qu'on fasse. Certaines personnes en crise sont dans le refus de soins et incarnent une dangerosité potentielle pour eux ou pour autrui. Tout l'objectif est alors d'apaiser suffisamment la personne pour permettre à nouveau un dialogue et pourquoi pas un consentement. Cette évolution favorable est justement permise par les hospitalisations sous contrainte. Mais l'idée est aussi, le plus possible, de développer des alternatives, se mettre au niveau de chaque patient pour construire avec lui un projet qui évite le passage à l'acte et l'enfermement. C'est aussi pour ça que les services HIC ont été imaginés. Quel rôle positif peut jouer la famille? Est-ce forcément sans espoir pour les cas lourds? La famille a un rôle double: soutenir le patient tout en se protégeant de ses excès. Trouver cet équilibre n'est pas toujours facile, d'où l'idée de les entendre et les accompagner. Des associations comme Similès existent aussi pour soutenir les familles dans le désarroi. L'espoir est toujours là, même pour les cas lourds. J'ai des dizaines d'exemples en tête de situations qu'on pensait désespérées et qui ont évolué favorablement. Mais il faut aussi être capable, en psychiatrie lourde, de mesurer ses ambitions thérapeutiques, au risque sinon de proposer des projets qui sont intenables pour la personne et finissent par décourager tout le monde. La psychiatrie engage à l'humilité. Les équipes mobiles fonctionnent avec des moyens provenant du gel des lits psychiatriques... N'est-ce pas un transfert de moyens plutôt que de nouveaux moyens, sachant que les pathologies psychiatriques sont en nette augmentation? C'est un transfert de moyens à la base. Maintenant, il faut reconnaître que le gouvernement, parallèlement à ce "transfert", a également fourni des moyens supplémentaires en termes d'équivalents temps plein (ETP) dans les équipes mobiles (qui peuvent être renforcées sans gels de lits supplémentaires) et dans certains HIC (Bruxelles a eu 12 ETP supplémentaires non financés par le gel de lits répartis sur Epsylon et Titeca). Cela reste insuffisant par rapport à l'explosion des demandes et par rapport à certains groupes vulnérables: les enfants, adolescents et jeunes adultes, ainsi que les mises en observation (hospitalisation sous contrainte). La guérison est-elle toujours possible? Vous dites qu'"il n'y a pas de formule magique" mais pourtant, un monitoring d'inspiration néerlandaise existe couvrant pas moins de neuf domaines et 60 items! En psychiatrie, vouloir la "guérison" a peu de sens. Ce sont souvent des pathologies chroniques qui ne guérissent pas (même si ce n'est pas une généralité, certains épisodes psychiatriques, surtout chez les jeunes peuvent tout à fait se résorber et évoluer favorablement). Nous préférons parler de "stabilisation" et de "rétablissement": comment la personne peut vivre une vie qui lui corresponde le mieux et prenne en compte ses forces et ses vulnérabilités. Le monitoring (de neuf domaines et 60 items) nous donne une idée des pans de notre travail où nous sommes bons et des domaines où nous pouvons nous améliorer dans une optique d'amélioration continue de la qualité des soins et de la qualité de travail pour ceux qui s'occupent de ces patients "difficiles".