Une étude belge a permis de mettre en évidence des nouveaux facteurs associés à une sévérité plus importante de la stéatose hépatique. Cela permet d'envisager la mise au point de marqueurs non invasifs, d'avancer dans la compréhension des mécanismes qui mènent à cette maladie de plus en plus répandue et de progresser sur la voie d'un traitement.
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Aujourd'hui, la maladie de la malbouffe a un nom: elle s'appelle "Nash" (acronyme anglophone de Non-Alcoholic Steatohepatitis). Il s'agit plus précisément d'une surcharge de graisse au niveau du foie, s'accompagnant d'inflammation et de dégâts cellulaires. Favorisée par nos modes de vie moderne, en particulier un régime alimentaire trop riche en sucre et en graisse ainsi qu'un manque d'exercice physique, elle fait de plus en plus parler d'elle. Maladie dite "silencieuse", la stéatohépatite non-alcoolique ne présente pas de symptôme particulier aux stades précoces. Longtemps sous-estimée, elle peut toutefois entraîner des complications sévères au niveau du foie (cirrhose et cancer du foie) et participer à la survenue de complications en dehors du foie (infarctus du myocarde, AVC, etc.). En Belgique, 30% de la population présente une surcharge en graisse au niveau du foie (stéatose) et peuvent être considérés comme à risque de développer la Nash, qui, elle, touche 5% de la population. À l'heure actuelle les mécanismes de la stéatohépatite non-alcoolique demeurent encore méconnus et il n'existe pas de traitement. Raison pour laquelle une équipe des Cliniques universitaires Saint-Luc et de l'UCLouvain a mené une étude visant à identifier des facteurs associés aux formes les plus sévères de la maladie. Cette étude s'inscrivait par ailleurs dans le cadre d'une recherche multicentrique plus large destinée à évaluer l'impact d'aliments riches en prébiotiques et les liens entre le microbiote et la santé au sein d'une population de personnes présentant une obésité. " Associée à des complications telles que le diabète sucré, les maladies cardiovasculaires et rénales, les cancers et les troubles musculo-squelettiques, l'obésité dont la prévalence atteint des proportions épidémiques est aussi impliquée dans développement de la stéatose hépatique", commente le Pr Nicolas Lanthier, clinicien chercheur à l'UCLouvain et chef de clinique associé aux Cliniques universitaires Saint-Luc. " C'est pourquoi nous avons recruté 52 patients atteints d'obésité, avec un indice de masse corporelle supérieur à 30. On sait qu'ils sont à risque de développer la Nash. Nous avons voulu mettre à profit toute la caractérisation de ces patients pour essayer de trouver les facteurs associés aux formes sévères de la maladie. Via une méthode non-invasive d'élastographie transitoire (le FibroScan), nous avons mesuré la quantité de graisse présente dans le foie ainsi qu'une éventuelle dureté anormale de cet organe, sachant que la Nash peut mener à de la fibrose." " L'ensemble des patients présentait une stéatose: un peu plus de 70% sous une forme sévère, c'est-à-avec une quantité de graisse importante dans le foie, et 25% des patients une forme fibrotique, ce qui est tout sauf négligeable et peut mener à la cirrhose", souligne le Pr Lanthier . "Différents facteurs ont ensuite été évalués chez les sujets de l'étude, dont la quantité de graisse sous-cutanée et intra-abdominale, l'état des muscles, et le microbiote intestinal." " Les caractéristiques des sujets avec une stéatose sévère sont un taux de transaminases plus élevé que la normale et une expansion de la graisse abdominale via une coupe au niveau de la troisième vertèbre lombaire. Nous avons aussi remarqué une augmentation du volume des muscles. Autre observation, tout à fait nouvelle celle-là: une infiltration de graisse au niveau des muscles chez les patients ayant à la fois une stéatose sévère et une forme fibrotique. Cette myostéatose est le facteur indépendant le plus corrélé à la fibrose du foie." Parallèlement, les scientifiques disposaient des prélèvements de selles chez les patients, et, avec l'apport du Pr Nathalie Delzenne, grande spécialiste dans le domaine, ils ont procédé à la caractérisation du microbiote intestinal des 52 sujets de l'échantillon. " Nous avons fait toute une série de découvertes dont une augmentation de certaines bactéries comme Escherichia et Shigella. Mais surtout nous avons mis en évidence la diminution d'autres bactéries, en particulier le Clostridium sensu stricto. La diminution de cette bactérie est directement liée à la fibrose hépatique et à l'infiltration en graisse du muscle", poursuit Nicolas Lanthier. " Le rôle des bactéries intestinales peut être double: certaines, considérées comme délétères, peuvent mener à la fermentation et la production d'éthanol, ou produire des fragments qui sont capables de passer à travers la barrière intestinale et d'entraîner l'inflammation au niveau du foie. D'autres considérées comme bénéfiques, sont capables de moduler les acides biliaires ou de produire des acides gras à courte chaîne ayant un impact positif sur la santé du foie." En résumé, on peut dire que le Pr Lanthier et ses collègues ont obtenu une signature de l'état du foie, à savoir d'une part le fait que les muscles contiennent plus de graisse, et d'autre part la modification du microbiote intestinal et en particulier la diminution du Clostridium sensu stricto. " Nos résultats offrent de belles perspectives", se réjouit le premier auteur de l'étude. " J'en distingue au moins trois. Tout d'abord, ils ouvrent des pistes pour la mise en place d'outils diagnostiques de la maladie hépatique. Actuellement, la technique de référence c'est la biopsie du foie mais c'est un examen qui comporte des désagréments pour le patient. Nous sommes en attente de marqueurs non invasifs qui nous renseigneraient sur l'état du foie." " Nos conclusions représentent aussi un progrès important dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la stéatose hépatique liée à une dysfonction métabolique. à l'heure actuelle, on ne comprend pas bien pourquoi parmi les patients qui présentent une obésité, certains vont développer une maladie sévère au niveau du foie et d'autre pas." " Enfin, le fait d'avoir identifié des modifications au niveau des muscles et du microbiote intestinal permet d'envisager des pistes thérapeutiques sachant que nous sommes à la recherche de médicaments pour les patients présentant une Nash. Afin de poursuivre dans cette voie, nous initions une nouvelle étude prospective. Nous aimerions voir comment il serait possible de diminuer la graisse au niveau du muscle, via certains protocoles d'activités physiques par exemple..."