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Personnalité réservée et élégante, la maison dans laquelle nous reçoit le Dr Laurent Licini est à l'image du praticien. C'est dans une pièce baignée de lumière que le médecin nous reçoit autour d'un café. "L'aventure a commencé il y a dix ans. Un jour, j'ai décidé que je devais avoir des ruches", informe-t-il d'emblée en tournant méthodiquement sa cuillère dans son ristretto. "A l'époque, j'avais un collègue informaticien qui était également apiculteur et qui donnait des cours à Mons. Je m'y suis inscrit." Un intérêt certes devenu à la mode chez nos contemporains mais "qui lui paraissait important pour le maintien de ces pollinisateurs dans la biodiversité". "Je produis très peu de miel. Par ailleurs je divise pas mal mes colonies que je distribue ensuite afin d'entretenir le monde des abeilles", confie l'apiculteur. Dans ce monde très hétéroclite, la division est un moment particulier. Elle permet d'éviter les essaimages naturels et de renforcer des ruches qui auraient perdu leur reine ou qui seraient plus faibles. Aux alentours de la mi mai, il est habituel que l'essaim se divise. La vieille reine part avec ses plus fidèles abeilles afin de laisser la place à une plus jeune. C'est ainsi que l'on retrouve parfois nos butineuses dans une anfractuosité ou dans le tronc creux d'un vieux pommier. Pour éviter cela, l'apiculteur divise ses ruches afin de créer artificiellement une nouvelle ruche pérenne. Son choix de ruche s'est porté sur celle dite "Dadant" dans laquelle il essaye d'entretenir et de promouvoir l'abeille noire locale. La préservation des abeilles n'est pas chose aisée. Le varroa (acarien parasite) et le frelon asiatique donnent du fil à retordre aux apiculteurs. Outre ces tracasseries exotiques, d'autres prédateurs locaux, le froid, la faim et les pesticides semblent s'être ligués pour l'extermination définitive de nos chères butineuses. En dehors de ces écueils, le Dr Licini reconnaît un parcours semé d'embûches au début. Invité à placer quelques ruches sur le toit du CHR Tivoli, ces dernières ont été décimées par un feu de toiture. "Je venais juste de retirer les hausses (cadres dans lesquels les abeilles conservent leur miel, NDLR) et le soir même, j'ai appris le terrible incident", regrette le médecin. Découragé par cet épisode, il met sa passion de côté durant une année. Passé ce temps de deuil, il recommence son activité mais à Braine-l'Alleud cette fois "dans un endroit où j'avais confiance en l'agriculteur qui possédait les terres tout autour". Lorsqu'il emménage à Silly il y a deux ans, il ramène dans ses bagages quelques colonies. Désintéressé et altruiste, celui qui avoue être satisfait quand il peut extraire "ne fut-ce qu'un pot de miel" a soutenu récemment la Clinique du Sein de son hôpital en lui remettant une cinquantaine de pots et quelques bougies. Ces dernières, faites de la cire de ses ruches. Une action qu'il compte renouveler si la récolte le permet. "Ce qui n'est point utile à l'essaim n'est point utile à l'abeille" peut-on lire dans Les cahiers de Montesquieu. Cette citation pourrait résumer la pensée du Dr Licini face à ses protégées . "La ruche est un organisme dans laquelle l'abeille, dans son individualité, n'a pas de sens en soi", souligne celui qui reconnaît que "l'apiculture n'est pas simple, d'autant plus que c'est loin d'être une science exacte". Passionné, il confie cependant que "les abeilles ne l'apaisent pas tant" et qu'il s'habille "de la tête aux pieds pour aller les voir". De ses propres aveux, la contemplation remplace vite "cette petite angoisse". Un monde qui lorsqu'il fonctionne, le fait de manière "hallucinante". Dans le verger où elles prennent leur envol, ces butineuses nous rappellent que pour un kilo de miel récolté, elles auront du parcourir 40.000 km et visiter entre deux et cinq millions de fleurs.