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Jusqu'à présent, le profil de sécurité des vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna) est relativement proche de celui observé en études cliniques, sans problème de sécurité majeur. " Deux problèmes ont néanmoins été identifiés: celui des réactions d'hypersensibilité et d'anaphylaxie. En Angleterre, dès le second jour d'utilisation, des cas d'anaphylaxie ont été décrits qui n'avaient pas été observés en étude clinique. Les CDC aux USA ont constaté qu'avec le vaccin à ARN de Pfizer, la fréquence des réactions anaphylactiques (11/million de doses administrées) était plus importante qu'avec le vaccin contre la grippe (1/million). Les personnes développent ce type de réaction dans les 15 minutes et pour plus de 70% des cas autant chez des personnes qui ont des antécédents allergiques que chez des personnes qui n'en n'ont pas. Presque la totalité concerne des femmes, généralement d'âge moyen (40 ans)", précise le Pr Jean-Michel Dogné (UNamur), expert auprès de l'AFMPS, l'EMA et l'OMS. " Avec le vaccin de Moderna, la fréquence d'apparition des cas d'anaphylaxie s'élève à 2,5/million de doses administrées. Cela semble moins fréquent, mais il faut rester très prudent. Ils apparaissent dans les 15 minutes et, ici, 100% des cas surviennent chez les femmes, entre 40-50 ans. C'est un facteur de risque qu'il faut identifier", prévient-il. Le CSS propose une stratification des risques avant et après la première dose de vaccin Covid-19 à ARNm. Comment les vaccins protègent-ils contre le Covid-19? " On pense qu'en plus des anticorps (AC) neutralisants, il y a d'autres mécanismes importants. Il y a beaucoup de recherches autour de ces questions pour identifier un corrélat de protection induit par la vaccination, c'est-à-dire un paramètre immunologique qui permet de prédire l'efficacité du vaccin", indique le Pr Arnaud Marchant (ULB). Comment identifier un corrélat de protection? " En comparant, au sein d'une population de sujets vaccinés, ceux qui sont résistants à ceux qui sont susceptibles (qui développent quand même la maladie): différences immunologiques entre les deux? Nombre d'AC?... Ces études sont en cours au sein des phases 3 pour identifier un ou plusieurs corrélats de protection contre le Covid-19." Pourquoi est-ce important? " Parce que si on avait un corrélat de protection cela aiderait considérablement l'autorisation de mise sur le marché des vaccins du futur, sans nécessiter d'étude de phase 3. Ensuite, il permettrait aussi de guider l'utilisation des vaccins disponibles. Par exemple, est-ce qu'une demi-dose induit moins d'AC? Faut-il espacer les doses de plus de trois à quatre semaines? Faut-il immuniser avec des vaccins différents?... Aujourd'hui, sans ces corrélats de protection, il est très difficile de répondre à ces questions." Dans les mois qui viennent, le Pr Marchant va concentrer son attention sur deux points: " D'abord, la capacité des vaccins à contrôler la réplication virale au niveau des muqueuses, à diminuer l'excrétion virale et donc la transmission. On pense qu'ils en sont capables parce que les AC qui circulent dans le sang sont transportés activement vers les cellules épithéliales des muqueuses et se retrouvent notamment au niveau du nez." Il met néanmoins en garde: " Les choses ne sont pas blanches ou noires, on n'empêche pas la réplication de manière complète ou pas du tout. On sait que si on a une immunité relativement modérée, on devrait être capable de contrôler jusqu'à un certain point la réplication virale. C'est important parce que si on diminue la charge virale ou si on diminue la durée de l'excrétion du virus, on sait qu'on aura déjà un certain un effet sur la transmission virale, qu'il ne faut pas nécessairement bloquer complètement la réplication du virus pour avoir un effet." " Cet aspect quantitatif montre qu'il est important de veiller à utiliser les vaccins de manière optimale, c'est-à-dire d'obtenir la réponse immunitaire la plus large possible, parce qu'on a plus de chances de contrôler le virus notamment au niveau systémique, mais aussi au niveau des muqueuses, et d'avoir un meilleur impact sur la transmission", relève Arnaud Marchant qui attend avec impatience les données des études en cours pour savoir jusqu'à quel point les vaccins disponibles aujourd'hui sont capables de prévenir cette transmission .La protection contre les variants est bien sûr le deuxième point qui le préoccupe: " Les données montrent que les AC induits par la vaccination avec la protéine dérivée du virus type (Wuhan) sont peut-être moins capables de neutraliser un variant qui aurait modifié sa protéine Spike." Mais il insiste: ici non plus ce n'est pas 'tout ou rien'. " Les AC sont biochimiquement et structurellement divers et, au sein de cette population, il y aura des AC capables de reconnaître avec une haute affinité un variant, d'autres avec moins d'affinité et ils auront peut-être un petit pouvoir neutralisant, et d'autres encore totalement incapables de le reconnaître." " Ici aussi, il y a un aspect quantitatif essentiel parce que si on induit des quantités importantes d'AC avec le vaccin tel qu'il existe aujourd'hui, on augmente les possibilités de cette population d'anticorps de contrôler malgré tout le variant et d'avoir quand même un effet. Il faut donc veiller à ce que les programmes de vaccination induisent une immunité la plus optimale possible, pour avoir la possibilité de contrôler les variants actuels et ceux qui émergeront dans le futur", conclut le Pr Marchant.