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Le journal du Médecin: Que revêt la notion de "barème IFIC"? Sylvie Demaret: Le site de l'IFIC indique qu'il s'agit premièrement de revaloriser le personnel et améliorer leurs conditions de travail et deuxièmement d'aligner les barèmes des institutions wallonnes transférées à la suite de la sixième réforme de l'État sur les barèmes fédéraux des soins de santé. L'idée est noble mais le diable se cache dans le détail. Depuis quand est-il d'application? Dans les hôpitaux privés, depuis 2018. Chaque institution privée devait attribuer une fonction à chaque employé au plus tard pour avril 2018. Ensuite, il y avait la possibilité de recours interne, externe (pour le 15 octobre 2018 au plus tard). Plusieurs pharmaciens ont d'emblée introduit des recours. D'autre professions également. Est-il d'application dans tous les hôpitaux? Est-ce obligatoire pour tous les travailleurs? Si non, quel est l'intérêt de refuser son application? C'est obligatoire à ce jour, uniquement dans les hôpitaux privés. Le barème aurait dû être appliqué dans les hôpitaux publics mais suite aux difficultés rencontrées dans les hôpitaux privés, ils freinent cette application. Au moment de sa mise en application, il n'y avait pas d'obligation absolue. Les travailleurs qui bénéficient d'un ancien régime de barèmes ont pu choisir de garder leur barème initiaux (ce que la majorité à fait). Par contre, c'est obligatoire pour les nouveaux travailleurs ou le personnel qui viendrait à changer d'institution. L'intérêt pour le travailleur de le refuser est lié à la perte financière réelle qu'il subit en passant de son barème actuel au barème IFIC. Nos calculs ont mis en évidence des pertes de 70.000 à 312.000 euros sur une carrière complète! Justement: au niveau du salaire poche, quels sont les avantages et les inconvénients de ce barème? L'avantage théorique que voulait l'IFIC est de permettre la valorisation des responsabilités d'une fonction, plutôt que la reconnaissance d'un diplôme. La personne est sensée être rémunérée en fonction de ce qu'elle fait et pas en fonction de son diplôme. Cette philosophie est louable mais partout ailleurs, lorsqu'on revoit le niveau d'études et/ou de formation, on réclame et on obtient une revalorisation salariale (exemple: les enseignants, les infirmiers spécialisés,...). En pratique, pour les pharmaciens, la valorisation est nulle. Elle est même inférieure car de nombreuses responsabilités n'ont pas été prises en compte et que le descriptif de fonction proposé par l'IFIC était largement incomplet. Ce descriptif de fonction semblait dater des années 90 et ne prenait pas du tout en compte l'ensemble des tâches et responsabilités qui ont été ajoutées par une série d'arrêtés-royaux. Elle ne tient pas compte non plus de la responsabilité civile et pénale propre à notre profession. D'autres professionnels de santé ne sont pas repris dans les catégorisations de l'IFIC, comme les dentistes par exemple. Les analyses financières ne sont pas prises en compte dans le descriptif, et donc la valorisation est très inférieure. Quels problèmes ce système pose-t-il pour les pharmaciens hospitaliers? D'abord, le descriptif de fonction n'est pas à jour avec les nouvelles normes et législation d'application dans notre métier (comme je l'ai dit il y a eu au moins six AR avec de nouvelles tâches pour les pharmaciens hospitaliers). Du coup, la valorisation n'est pas acceptable! Et l'effet au final est l'opposé de ce que l'IFIC voulait soit disant. Pour le pharmacien en chef/chef de service et donc titulaire, qui assume une fonction de direction (cf. Art 17 de l'AR du 4 /3/1991: "L'officine hospitalière est placée sous la direction d'un pharmacien hospitalier-titulaire."), il devrait donc au même titre que les autres directions être sortis de cette classification. Ce n'est pas le cas! Or le personnel de direction est censé être exclu de l'IFIC. Il est à noter que tout le travail préparatoire a été effectué en collaboration avec les organisations syndicales et moins de 4% des pharmaciens hospitaliers sont syndiqués (car étiquetés comme cadre et donc au service de l'hôpital mais visiblement pas reconnu comme tels par l'IFIC). Donc ils n'étaient pas représentés dans ces discussions qui ont duré près de dix ans. Ce sont des salariés dévoués. Ils ne sont que 410 en Région wallonne et en partie en Région bruxelloise... Ce n'est pas beaucoup pour se faire entendre dans la masse des professionnels exerçant dans les hôpitaux. Ce sont également des travailleurs de l'ombre jusqu'il y a peu. Lorsque le Covid est arrivé, on a eu besoin d'eux et ils ont répondu présents ; on a été un peu mis dans la lumière. Y a-t-il des pharmaciens qui, en raison de ce système, n'osent plus se spécialiser en pharmacie hospitalière? Oui, car financièrement, faire huit ans d'études universitaires plus toutes les responsabilités qui ont été ajoutées et ne sont ni reconnues, ni valorisées ni récompensées. A cela s'ajoute le "gap" financier entre les pharmaciens hospitaliers dans l'ancien système de barèmes versus le système IFIC. Comme je l'ai dit, la perte sur une carrière complète a été calculée: elles varient de 75.000 à 312.000 euros. En plus de cela, on gèle encore le marché de l'emploi d'un métier en pénurie (à ce jour on compte 37 postes CDI ouverts en Région wallonne et Bruxelles, sans compter les demandes de remplacement ou CDD et les besoins croissants liés à la mise en application du nouvel AR). Les pharmaciens hospitaliers n'osent plus postuler du public vers le privé car l'IFIC leur est très défavorable, ni d'un hôpital privé où le pharmacien a pu conserver son barème versus un nouvel emploi dans lequel on lui appliquerait l'IFIC... Les transferts sont plus fréquents du privé vers le public qui n'applique pas encore l'IFIC. Il y a une discrimination entre les pharmaciens du public et du privé ainsi qu'entre les pharmaciens hospitaliers et d'autres professionnels de santé au sein des hôpitaux. Pour l'avenir, on ne sait pas si, pour le public les échelles qui seront appliquées sont les mêmes... Au final, on a abouti à l'inverse de ce que l'IFIC disait souhaiter...