En Belgique, 7% de la population serait en burnout parental, soit environ 150.000 personnes. Parmi celles-ci, 100.000 mères et 50.000 pères, d'après les travaux des Pr Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak (Institut de recherche en sciences psychologiques). La question des conséquences du burnout parental pour les enfants, n'a été que très peu abordée dans la recherche jusqu'à présent, que ça soit en Belgique ou à l'étranger. C'est chose faite.
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Une action de recherche concertée a été mise en place il y a trois ans à l'UCLouvain, avec la participation de quatre doctorants: deux psychologues, une historienne et une doctorante en santé publique, Anne-Catherine Dubois, qui étudie les conséquences du burnout parental pour les enfants. "J'avais à coeur de m'adresser directement aux enfants sans passer uniquement par le parent", précise cette dernière. Durant une année, Anne-Catherine Dubois, attachée à l'Institut de recherche santé et société de l'UCLouvain à Bruxelles, a réalisé une revue de littérature afin de connaître les éléments permettant de ne pas fragiliser davantage l'enfant, de le protéger, mais aussi de garder une certaine harmonie dans la relation parent-enfant pour éviter d'apporter des éléments perturbateurs supplémentaires dans les familles où le ou les parents sont épuisés. Sur base de ce qu'elle a pu trouver dans la littérature, et auprès des expériences d'autres chercheurs et experts, elle a élaboré un protocole de recherche, une étude qui se déroule en trois volets. "Il y a d'abord la rencontre avec le ou les parents épuisés. Je leur demande de me raconter leur histoire et de m'expliquer depuis quand ils sont épuisés. Je les interroge également sur les ressources qu'ils mobilisent dans leur quotidien pour faire face à leur épuisement ou les manques de ressources identifiés. Ensuite, nous discutons de leurs interactions avec leur enfant et de la manière dont ils perçoivent les conséquences pour celui-ci. Puis, il y a un volet sur l'influence de l'éducation reçue, c'est-à-dire de comment en tant qu'enfant, ils ont vécu la parentalité de leurs propres parents. Ils se rendent compte souvent qu'il y a une transmission intergénérationnelle de ces éléments. Et enfin, je rencontre les enfants", détaille la doctorante. " Au départ, on souhaitait organiser des ateliers avec six enfants par tranche d'âge de deux ans, issus de différentes familles: trois ateliers d'une durée de deux heures chacun." Mais la réalité en a décidé autrement et le confinement est arrivé. " J'ai dû réorienter ma méthodologie et je propose à présent un seul atelier, avec des enfants d'une même fratrie, ce qui a comme avantage de les mettre en confiance, puisqu'ils se connaissent déjà et de se livrer plus facilement. Je propose plusieurs outils aux enfants, tout d'abord un photo langage, qui consiste à demander comment ils représentent l'épuisement d'un parent ; une notion qui n'est pas évidente pour les enfants. Ensuite, un jeu de rôles avec des déguisements ou des Playmobils où je commence l'histoire d'un enfant qui vit avec un/des parent(s) épuisé(s) et ils doivent la continuer. Le dernier exercice consiste à réaliser un collage à partir de magazines où je leur propose de coller d'un côté ce qui aide l'enfant quand les parents sont épuisés, et de l'autre ce qui n'aide pas. Nous en discutons ensuite, ce qui permet de faire émerger des éléments de leur vécu, tout en évitant que ce ne soit trop émotionnel", poursuit la chercheuse. " Un mois après l'atelier, nous établissons un moment de dialogue en famille, pour que les enfants puissent exprimer aux parents leurs sentiments par rapport à cette expérience. Ceci afin éventuellement de relancer une autre petite discussion et de clôturer le moment passé à la fois avec les parents en individuel et avec les enfants dans les ateliers." Sur base de ces grandes catégories de questions adressées aux parents, Anne-Catherine Dubois s'est adressée à deux groupes de parents: Ceux ayant des enfants en bonne santé et des parents d'enfants malades ou en situation de handicap. " Et dans les premiers résultats (nous restons cependant extrêmement prudents quant à l'analyse des résultats car il s'agit du début, et je n'ai pas de résultats généralisables dans ce que j'ai pu observer), nous avons le même type de catégories de thématiques abordés avec les parents, quel que soit l'état de santé de l'enfant. Avec malgré tout une intensité décuplée dans ce qui a pu être vécu chez les parents d'enfants malades ou en situation de handicap." Un autre élément émergeant, c'est qu'être en situation de burnout parental quand on a des enfants qui sont en bonne santé, semble favoriser l'émergence d'un sentiment d'échec au niveau de la parentalité. Il arrive alors que ces parents se renferment sur eux-mêmes, créant une sorte de cercle vicieux. "Les parents d'enfants malades n'ont pas autant ce sentiment d'échec ou ne l'expriment pas de la même manière. L'intensité de leur épuisement semble plus importante mais ils se sentent peut-être plus légitimes de l'être. Ces parents-là ont dû s'adapter à de nombreuses situations et ont développé des stratégies et des ressources qui leur permettent de continuer à s'adapter. Alors que des parents d'enfants en bonne santé semblent parfois avoir plus de difficulté à identifier des ressources tant ils se sentent seuls face à leur épuisement."En ce qui concerne les conséquences pour les enfants, on voit que les parents très épuisés, semblent avoir beaucoup de mal à nommer ce qui se passe dans les interactions avec leurs enfants, explique la chercheuse. "Contrairement au burnout professionnel, où l'on est mis à distance de son travail pour retrouver de la force et de l'énergie, dans le burnout parental on ne se coupe pas de ses enfants. Et donc, cette prise de distance que l'on constate est peut-être aussi nécessaire pour pouvoir questionner son équilibre et reprendre soin de soi", témoigne Anne-Catherine Dubois.