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A Stuttgart, un ensemble d'habitations conçues spécialement pour l'exposition d'urbanisme de 1927 sont encore à voir aujourd'hui. À l'époque le concept était révolutionnaire : des architectes sous l'égide de Mies van der Rohe, directeur du Bauhaus à ce moment, et qui agissait en tant que directeur artistique a, à la demande de la ville de Stuttgart, imaginé des habitations pour familles ouvrières ou de classes moyennes.Pour se faire, il it appel à des architectes allemands, berlinois principalement, autrichiens ou belge puisque Victor Bourgeois fut intégré au projet. 17 architectes qui eurent largement carte blanche pour imaginer des habitations fonctionnelles, hygiéniques, et lumineuses alliant modernité et aspect pratique. Mies van der Rohe construit lui-même des appartements, laissant à une vingtaine d'architectes d'intérieur le soin d'imaginer comment les meubler.Parmi les architectes bâtisseurs choisis, Le Corbusier, dont les deux maisons mitoyennes font office aujourd'hui de musée qui détaille le projet, au milieu d'un ensemble surplombant la ville de Stuttgart et en partie conservé et toujours habité : les autres édifices ne se visitent donc pas, mais font l'objet d'un parcours détaillé quant à leur aspect extérieur.Dans une muséographie aérienne, le Weissenhof museum présente la genèse du projet au travers de maquettes, plans et photos (dont une carte postale d'une ville arabe auquel le projet sera comparé lorsque les nazis se débarrasseront du Bauhaus : bien qu'ils voulaient détruire cet ensemble pour en faire un bastion militaire, c'est la guerre qui le fit, en partie seulement, à leur place), et sa réalisation extrêmement rapide en 1927.Si l'une des deux maisons mitoyennes évoque en détail la genèse et la réalisation du projet, l'autre moitié le concrétise puisque y sont conservés l'aménagement, les couleurs, et le confort spartiate qu'exigeaient ces lignes, claires, baignées par la lumière et tournées vers le grand air. Elle est décorée dans son salon, d'une belle oeuvre très Fernand Léger de Willi Baumeister. Une maison dont le couloir par exemple, à la largeur de celui d'un wagon et équipée de chauffage central au charbon comme tout l'ensemble du domaine conçu et disposé en terrasse.Parmi ces immeubles modèles, souvent cubiques reprenant métal verre et béton blanchi, c'est la maison de Hans Scharoun (celle de Victor Bourgeois parait quelconque) qu séduit le plus : dotée d'un arrondi en forme de coque de paquebot et d'un étage en pont de navire, son originalité la démarque de la sobriété, sans vague justement, des autres bâtiments, qu'il s'agisse de maisons accolées avec jardin, d'habitation seule dans le cas de la seconde oeuvre du Corbusier, ou d'appartements dans le cas de Mies van der Rohe.Ce dernier se révèle cependant plus minutieux, plus élégant dans sont travail au contraire d'un Corbusier qui paraît plus bricoleur, poétique, sculptant son oeuvre. Bref, un art-chitecte...La Staatsgalerie de Stuttgart construite en 1984 présente une incroyable collection d'oeuvres d'art. Deux ailes et deux parties à cet imposant bâtiment, chef-d'oeuvre de l'architecte anglais James Stirling : la première présente une collection d'art ancien débutant avec le trecento jusqu'au milieu du 19e avec une forte présence italienne, du Pérugin à Canaletto en passant par Carrache, et beaucoup d'Allemands forcément du 18e et 19e des romantiques, dont Caspar Friedrich notamment. L'autre partie se révèle réellement impressionnante qui démarre avec les... impressionnistes, Monet, Manet, Pissarro évolue vers Gauguin, Vallotton, Cézanne.Ensuite, au travers de trente salles, il offre un panorama impressionnant de l'histoire occidentale de l'art moderne jusqu'à la in du siècle dernier : une palette éloquente de Picasso - de la Période bleue aux oeuvres de la fin-, de Juan Gris à Braque de Léger, à Duchamp, de Magritte à Max Ernst, de l'expressionnisme allemand (Kokoschka, Emil Nolde...), de Munch à Modigliani, de Giacometti à Broodthaers, de Beuys à Rothko en passant par Bacon pour terminer notamment sur le Pop Art de Lichtenstein et Warhol, et conclure sur des artistes vivants comme Baselitz, LeWitt, Rauschenberg ou Richter.Une collection magnifique qui doit beaucoup à la mentalité économe, quasi calviniste des Souabes qui ont commencé à collectionner durant le siècle dernier, la région pullulant de nouvelles collections privées. Une mentalité que l'on retrouve dans le rationalisme, l'abstraction et le fonctionnalisme du Bauhaus, au départ groupe spirituel qui deviendra industriel en 1925. Artiste local qui fit partie du Bauhaus, Oskar Schlemmer, qui connu une dérive vers le nazisme à l'arrivée d'Hitler, dans sa vision artistique onirique - entre de Chirico, Léger et Botero - voyait le Bauhaus comme le symbole de la domination allemande sur l'art.Rejeté par les nazis pour qui le Bauhaus est au contraire un art dégénéré, il est en opposition complète avec Willi Baumeister, ami de Fernand Léger, qui lui penche plus vers le communisme (ces affiches reprennent les couleurs blanc, noir, rouge des affiches de propagande soviétique du début des années 20), l'Arts and Crafts : son style coloré rappelle d'ailleurs Léger, les époux Delaunay ou l'abstraction géométrique en 3D de Jean Arp, auquel le musée le confronte.En fait, tous deux sont travaillés par l'idéologie, découlant du quasi-mysticisme sectaire du début du Bauhaus, qui se réfère d'ailleurs à la religion, le maître étant une sorte de prêtre dans ce qui est non seulement une façon de créer, mais de vivre. Souvent, une idéologie autoritaire se dégage de l'oeuvre des membres du Bauhaus que se soit du Corbusier et son amour de l'ordre ou Mies van der Rohe, qui fit preuve d'ambiguïté vis-à-vis du régime hitlérien, et dont l'un des élèves "conçu" le camp d'Auschwitz. On peut d'ailleurs voir des liens entre le Futurisme et le Bauhaus, le mouvement italien inissant d'ailleurs dans sa grande passion pour la modernité par adouber le fascisme.Le Kunstmuseum de Stuttgart, ouvert seulement depuis 2004, compte une collection remarquable d'oeuvres d'Otto Dix sur 270 oeuvres en tout (ce dernier vécu la dernière partie de sa vie en Bade-Wurtemberg) et propose des oeuvres maîtresses du tenant de la nouvelle objectivité (dont "Le parloir"), met en exergue Adolf Holzel, le rationnel passionné de vitraux pour qui la composition, l'harmonie voire la structure passent avant le sujet, membre du Bauhaus, et ses élèves : notamment Johannes Itten dont le lien avec Robert Delaunay est frappant.Enin, dans une collection par ailleurs consacrée à l'abstraction allemande " propre politiquement " de l'après-guerre, la collection met en exergue dans le cadre du Bauhaus l'oeuvre de Willi Baumeister, qui, si contrairement à son concitoyen Schlemmer - également de Stuttgart - ne rejoignit pas le mouvement, connut une carrière fertile autant comme peintre qu'en tant que publiciste, affichiste, ou créateur de décor pour l'opéra ou le théâtre.