Le Covid-19 a mis en lumière l'étroit rapport qu'il existe entre la perte de biodiversité et l'apparition de pandémies. L'Union européenne compte prendre le problème à bras le corps grâce à de nombreuses initiatives. Mais le vieux continent est également conscient d'avoir raté le coche ces dernières décennies. Pour les experts réunis en Commission européenne de la Santé publique, 2021 sera une année charnière pour implémenter une nouvelle dynamique.
Une dizaine d'experts européens se sont réunis le mois dernier pour évoquer les liens entre pandémies et perte de biodiversité. "La nature se meurt", résume le Dr Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). "Un million de plantes et d'espèces animales sont menacées sur 8,1 millions d'espèces recensées. La contribution de la nature à l'activité humaine se détériore également, rendant l'accès à l'eau potable, la régulation climatique et l'agriculture plus difficile."
Ce que d'aucuns nomment la sixième extinction de masse est dûe à l'activité humaine. Tous les experts pointent les mêmes causes: déforestation, océans surexploités, pollution, importation d'espèces envahissantes et commerce d'animaux sauvages. Notre mode de vie est également pointé du doigt, particulièrement l'alimentation. "Nous avons un système alimentaire idéal pour la propagation d'épidémies", explique le Dr Hans Bruyninckx, directeur exécutif de l'Agence européenne pour l'environnement. "C'est un paradis pour virus. Nous avons déjà eu l'exemple de la grippe aviaire et de la vache folle qui ont pu se propager grâce au manque de diversité génétique. Les monocultures favorisent également ces dangers d'appauvrissement génétique et de propagation de zoonoses."
L'ère des pandémies
20 experts se sont penchés sur 690 documents reliant les pandémies et la perte de biodiversité lors d'un atelier de l'IPBES sur les pandémies. Leur conclusion: il faut passer d'une simple réactivité à la pandémie à une prévention de pandémies. "Quelques 700.000 virus font partie du cycle de vie du monde sauvage et n'ont pas encore été découverts", explique le Dr Peter Daszak, président de la EcoHealth Alliance et directeur de l'atelier IPBES sur les pandémies. "Il existe donc des centaines de milliers de possibilités de voir émerger de nouvelles maladies."
De nouvelles pandémies qui auront un impact tant humain que financier. "La pandémie actuelle a fait près de deux millions de morts. Mais l'impact économique est également important, avec 16.000 milliards de dollars déboursés pour lutter contre le Covid-19 en 2020." Selon Peter Daszak, le coût des pandémies se situe aux alentours de 1.000 milliards de dollars par an. De quoi faire réagir les financiers. "Débourser 22 à 31 milliards de dollars par an pour lutter contre le déboisement et le commerce d'animaux sauvages serait non seulement avantageux pour la santé humaine, mais également pour la santé financière des États. Investir dans la biodiversité et sa conservation, c'est prévoir un énorme retour sur investissement."
Quelles solutions?
La situation est malheureusement connue depuis longtemps. Les problèmes et les solutions sont sur la table depuis des dizaines d'années. "En Europe, bien que des politiques soient menées depuis des décennies, la perte de biodiversité est bien présente", remarque Hans Bruyninckx. "Nous n'avons pas réussi à atteindre les objectifs établis. En 2000, l'Europe avait décidé d'endiguer la perte de biodiversité à l'horizon 2010. Un objectif qui n'a pas été atteint et qui a été remis à 2020. En 2020, force est de constater un nouvel échec." Le problème, c'est qu'il manque toujours tantôt la fibre écologique pour le financier, tantôt le courage politique pour le décideur. "La biodiversité est à la base de nos sociétés. C'est un message qui a enfin atteint les plus hauts niveaux politiques et économiques. C'est là que se trouvent les dernières pièces de puzzle pour avancer dans la protection de la biodiversité et la santé humaine."
2021 pourrait donc changer la donne, car le Covid-19 est passé par-là. "En 2021, il y a plus d'attention sur la question. Il y a une stratégie mise en place à travers le Pacte vert européen ou encore une stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 20301", analyse le Dr Bruyninckx. Le Pacte vert promet ainsi d'allouer au moins 20 milliards d'euros par an à la lutte contre la perte de biodiversité.
Avec cet argent, les experts proposent de multiplier et élargir les zones protégées, et d'améliorer les connexions entre elles. Un tel concept existe déjà avec Natura 2000, il s'agit donc de l'améliorer. Il faut également agir sur nos modes de vie, et principalement notre alimentation. La promotion des pratiques agro-écologiques n'est pas une idée nouvelle, mais le temps est désormais à l'action (politique). Les experts expriment également l'importance du concept "One Health", qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationales et planétaire. Un concept qui date des années 2000, déjà.
Le concept de "restauration" est davantage novateur. Il ne s'agit plus seulement de protéger des zones, mais de restaurer des écosystèmes. "Cela ne va pas se faire tout seul, il faut faire plus que défendre 10% de territoires protégés en Europe. Mais cela est faisable, moyennant des concessions et du courage politique" avance Hans Bruyninckx.
1. Projet de rapport sur la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030: ramener la nature dans nos vies, Parlement européen, 11 décembre 2020
Une dizaine d'experts européens se sont réunis le mois dernier pour évoquer les liens entre pandémies et perte de biodiversité. "La nature se meurt", résume le Dr Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). "Un million de plantes et d'espèces animales sont menacées sur 8,1 millions d'espèces recensées. La contribution de la nature à l'activité humaine se détériore également, rendant l'accès à l'eau potable, la régulation climatique et l'agriculture plus difficile." Ce que d'aucuns nomment la sixième extinction de masse est dûe à l'activité humaine. Tous les experts pointent les mêmes causes: déforestation, océans surexploités, pollution, importation d'espèces envahissantes et commerce d'animaux sauvages. Notre mode de vie est également pointé du doigt, particulièrement l'alimentation. "Nous avons un système alimentaire idéal pour la propagation d'épidémies", explique le Dr Hans Bruyninckx, directeur exécutif de l'Agence européenne pour l'environnement. "C'est un paradis pour virus. Nous avons déjà eu l'exemple de la grippe aviaire et de la vache folle qui ont pu se propager grâce au manque de diversité génétique. Les monocultures favorisent également ces dangers d'appauvrissement génétique et de propagation de zoonoses."20 experts se sont penchés sur 690 documents reliant les pandémies et la perte de biodiversité lors d'un atelier de l'IPBES sur les pandémies. Leur conclusion: il faut passer d'une simple réactivité à la pandémie à une prévention de pandémies. "Quelques 700.000 virus font partie du cycle de vie du monde sauvage et n'ont pas encore été découverts", explique le Dr Peter Daszak, président de la EcoHealth Alliance et directeur de l'atelier IPBES sur les pandémies. "Il existe donc des centaines de milliers de possibilités de voir émerger de nouvelles maladies."De nouvelles pandémies qui auront un impact tant humain que financier. "La pandémie actuelle a fait près de deux millions de morts. Mais l'impact économique est également important, avec 16.000 milliards de dollars déboursés pour lutter contre le Covid-19 en 2020." Selon Peter Daszak, le coût des pandémies se situe aux alentours de 1.000 milliards de dollars par an. De quoi faire réagir les financiers. "Débourser 22 à 31 milliards de dollars par an pour lutter contre le déboisement et le commerce d'animaux sauvages serait non seulement avantageux pour la santé humaine, mais également pour la santé financière des États. Investir dans la biodiversité et sa conservation, c'est prévoir un énorme retour sur investissement."La situation est malheureusement connue depuis longtemps. Les problèmes et les solutions sont sur la table depuis des dizaines d'années. "En Europe, bien que des politiques soient menées depuis des décennies, la perte de biodiversité est bien présente", remarque Hans Bruyninckx. "Nous n'avons pas réussi à atteindre les objectifs établis. En 2000, l'Europe avait décidé d'endiguer la perte de biodiversité à l'horizon 2010. Un objectif qui n'a pas été atteint et qui a été remis à 2020. En 2020, force est de constater un nouvel échec." Le problème, c'est qu'il manque toujours tantôt la fibre écologique pour le financier, tantôt le courage politique pour le décideur. "La biodiversité est à la base de nos sociétés. C'est un message qui a enfin atteint les plus hauts niveaux politiques et économiques. C'est là que se trouvent les dernières pièces de puzzle pour avancer dans la protection de la biodiversité et la santé humaine."2021 pourrait donc changer la donne, car le Covid-19 est passé par-là. "En 2021, il y a plus d'attention sur la question. Il y a une stratégie mise en place à travers le Pacte vert européen ou encore une stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 20301", analyse le Dr Bruyninckx. Le Pacte vert promet ainsi d'allouer au moins 20 milliards d'euros par an à la lutte contre la perte de biodiversité. Avec cet argent, les experts proposent de multiplier et élargir les zones protégées, et d'améliorer les connexions entre elles. Un tel concept existe déjà avec Natura 2000, il s'agit donc de l'améliorer. Il faut également agir sur nos modes de vie, et principalement notre alimentation. La promotion des pratiques agro-écologiques n'est pas une idée nouvelle, mais le temps est désormais à l'action (politique). Les experts expriment également l'importance du concept "One Health", qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationales et planétaire. Un concept qui date des années 2000, déjà. Le concept de "restauration" est davantage novateur. Il ne s'agit plus seulement de protéger des zones, mais de restaurer des écosystèmes. "Cela ne va pas se faire tout seul, il faut faire plus que défendre 10% de territoires protégés en Europe. Mais cela est faisable, moyennant des concessions et du courage politique" avance Hans Bruyninckx.