Alors que les pays riches arrivent à des taux de vaccination oscillant entre 60 et 70% (68% en Belgique), la hausse du taux de contamination incitent certains pays à inoculer une troisième dose de vaccin à leurs citoyens. Une décision jugée non nécessaire par l'OMS, qui prône l'équité de l'accès aux vaccins, afin de permettre aux habitants des pays du tiers-monde d'être également vaccinés.
Petit tour d'horizon pour comprendre. En Belgique, le rappel (troisième dose ou deuxième, selon le vaccin) sera proposé aux patients immunodéprimés à partir de septembre. L'Allemagne va un pas plus loin, et proposera, également à partir de septembre, un rappel non seulement aux patients immunodéprimés, mais également aux populations âgées et vulnérables.
Aux États-Unis et en Israël, le rappel concernera encore davantage de patients. Toute la population dans le premier cas, huit mois après la seconde dose, et les patients âgés de plus de 40 ans dans le second. Joe Biden défend la stratégie américaine. "C'est la meilleure façon de nous protéger des nouveaux variants qui pourraient arriver", estime le président américain. "Nous pouvons prendre soin des Américains et aider le monde en même temps."
Utile, la troisième dose?
L'utilité d'une troisième dose ne fait pas l'unanimité auprès des scientifiques. Mais en sait-on suffisamment pour trancher? L'université d'Oxford a récemment évalué l'efficacité des vaccins sur les variants. Il s'agit, selon les chercheurs, de la première étude qui "montre comment la protection contre les infections au Covid-19 évolue au fil du temps après une deuxième vaccination chez un grand groupe d'adultes de la population générale". Il résulte que les vaccins "offrent toujours une bonne protection face aux nouvelles infections du variant delta, mais l'efficacité est réduite par rapport au variant alpha". En outre, le vaccin de Pfizer, s'il est plus efficace initialement contre les nouvelles infections, perd son efficacité plus rapidement que son concurrent AstraZeneca. Reste que les résultats "suggèrent qu'après quatre à cinq mois, l'efficacité de ces deux vaccins serait similaire - cependant, les chercheurs disent que les effets à long terme doivent être étudiés". Bref, on en sait toujours pas beaucoup plus sur la durée de protection qu'offrent les vaccins des différentes marques sur le long terme, ni sur l'utilité d'une troisième dose.
Le cas d'Israël
Pour trouver une ébauche de réponse à la question, d'aucuns se tournent vers Israël, pionnier de la vaccination, mais aussi premier pays à administrer une troisième dose à sa population fragile pour contrer la reprise épidémique due au variant Delta. Les quelques semaines d'avance qu'a pris le pays sur la campagne de vaccination, ainsi que son succès (60% de personnes totalement vaccinées, dont 90% des plus de 50 ans) permettent de tirer quelques leçons.
La principale provient d'un chiffre étonnant: 60% des hospitalisés sont vaccinés. Est-ce que cela coïncide avec une baisse d'efficacité du vaccin Pfizer? Non, estime Jeffrey Morris, biostaticien et directeur de la Division de biostatistique de l'École de médecine de l'Université de Pennsylvanie. "Il existe une grande disparité d'âge dans les taux de vaccination, les personnes âgées étant plus fortement vaccinées. Ces dernières ont un risque intrinsèquement plus élevé d'hospitalisation lorsqu'elles sont infectées par un virus respiratoire. Il est toujours important de stratifier les résultats par âge ; sinon, l'efficacité globale sera biaisée vers le bas et donnera une mauvaise représentation de l'efficacité du vaccin dans la prévention des maladies graves."
Même approche en Belgique
La même approche - et la même conclusion - ont été réalisées par Michel Goldman, professeur d'immunologie à l'ULB, concernant la Belgique. "Il faut se méfier des chiffres", prévient-il. "Certains chiffres mal interprétés sèment la confusion et risquent fort d'entretenir l'hésitation vaccinale."
Ainsi, le chiffre de 98% de sujets non-vaccinés parmi les hospitalisés depuis janvier 2021 est mis en exergue par ceux qui privilégient une plus juste répartition des vaccins de par le monde à une administration ciblée d'une troisième dose pour pallier l'affaiblissement des réponses immunitaires au fil du temps. Dans le même temps, le chiffre de 30% de personnes complètement vaccinées parmi les nouvelles hospitalisations (en Belgique) est utilisé par ceux qui prônent de suivre la politique de troisième dose généralisée pour limiter les risques d'une nouvelle vague conduisant à de nouvelles restrictions.
"Cette divergence des chiffres n'est qu'apparente. Elle s'explique aisément par plusieurs éléments, dont la proportion non négligeable (de l'ordre de 20%) de personnes adultes non-vaccinées qui représentent encore la majorité des cas hospitalisés, ce qui confirme sans ambiguïté la grande efficacité du vaccin pour protéger des formes sévères et doit inciter à poursuivre l'effort en cours pour augmenter encore la couverture vaccinale." Le Pr Goldman ajoute que "certaines personnes complètement vaccinées ne sont en fait pas ou mal protégées du fait d'un mauvais fonctionnement de leur système immunitaire. Il s'agit des 400.000 personnes immunodéprimées qui vont à présent bénéficier d'une troisième dose, mais aussi de nombreux seniors victimes du vieillissement de leur système immunitaire: ce phénomène (l'immunosénescence) s'accentue entre 60 et 80 ans. Il entraîne une diminution plus rapide de la protection au fil des mois qui suivent la vaccination chez les seniors par rapport aux adultes jeunes".
Il faut donc s'attendre à ce que la proportion des vaccinés parmi les hospitalisés augmentent dans les semaines à venir, d'autant plus si l'on ne protège pas les seniors par une troisième dose, en commençant par les plus âgés et ceux qui ont été vaccinés au début de la campagne de vaccination.
Des décisions politiques
Bref: un rappel est nécessaire dans certains cas, pour les patients immunodéprimés, présentant des comorbidités ou de l'immunosénescence. Mais on le voit dans l'échelonnement des mesures au niveau international: la science n'est pas le seul guide des décisions politiques. C'est l'avis, notamment, de l'OMS. " Nous pensons clairement que les données actuelles n'indiquent pas que les rappels sont nécessaires", a déclaré la scientifique en chef de l'OMS, Soumya Swaminathan, lors d'une conférence à Genève la semaine dernière.
Injecter une 3e dose maintenant revient à " distribuer des gilets de sauvetage supplémentaires à des personnes qui en ont déjà un, pendant que nous laissons d'autres personnes se noyer sans le moindre gilet de sauvetage", a soutenu pour sa part le directeur des urgences de l'OMS, Mike Ryan. "Il y a suffisamment de vaccins dans le monde, mais ils ne vont pas aux bons endroits dans le bon ordre", conclut Dr Bruce Aylward, chargé du dossier Covax à l'OMS.
Petit tour d'horizon pour comprendre. En Belgique, le rappel (troisième dose ou deuxième, selon le vaccin) sera proposé aux patients immunodéprimés à partir de septembre. L'Allemagne va un pas plus loin, et proposera, également à partir de septembre, un rappel non seulement aux patients immunodéprimés, mais également aux populations âgées et vulnérables. Aux États-Unis et en Israël, le rappel concernera encore davantage de patients. Toute la population dans le premier cas, huit mois après la seconde dose, et les patients âgés de plus de 40 ans dans le second. Joe Biden défend la stratégie américaine. "C'est la meilleure façon de nous protéger des nouveaux variants qui pourraient arriver", estime le président américain. "Nous pouvons prendre soin des Américains et aider le monde en même temps." L'utilité d'une troisième dose ne fait pas l'unanimité auprès des scientifiques. Mais en sait-on suffisamment pour trancher? L'université d'Oxford a récemment évalué l'efficacité des vaccins sur les variants. Il s'agit, selon les chercheurs, de la première étude qui "montre comment la protection contre les infections au Covid-19 évolue au fil du temps après une deuxième vaccination chez un grand groupe d'adultes de la population générale". Il résulte que les vaccins "offrent toujours une bonne protection face aux nouvelles infections du variant delta, mais l'efficacité est réduite par rapport au variant alpha". En outre, le vaccin de Pfizer, s'il est plus efficace initialement contre les nouvelles infections, perd son efficacité plus rapidement que son concurrent AstraZeneca. Reste que les résultats "suggèrent qu'après quatre à cinq mois, l'efficacité de ces deux vaccins serait similaire - cependant, les chercheurs disent que les effets à long terme doivent être étudiés". Bref, on en sait toujours pas beaucoup plus sur la durée de protection qu'offrent les vaccins des différentes marques sur le long terme, ni sur l'utilité d'une troisième dose. Pour trouver une ébauche de réponse à la question, d'aucuns se tournent vers Israël, pionnier de la vaccination, mais aussi premier pays à administrer une troisième dose à sa population fragile pour contrer la reprise épidémique due au variant Delta. Les quelques semaines d'avance qu'a pris le pays sur la campagne de vaccination, ainsi que son succès (60% de personnes totalement vaccinées, dont 90% des plus de 50 ans) permettent de tirer quelques leçons. La principale provient d'un chiffre étonnant: 60% des hospitalisés sont vaccinés. Est-ce que cela coïncide avec une baisse d'efficacité du vaccin Pfizer? Non, estime Jeffrey Morris, biostaticien et directeur de la Division de biostatistique de l'École de médecine de l'Université de Pennsylvanie. "Il existe une grande disparité d'âge dans les taux de vaccination, les personnes âgées étant plus fortement vaccinées. Ces dernières ont un risque intrinsèquement plus élevé d'hospitalisation lorsqu'elles sont infectées par un virus respiratoire. Il est toujours important de stratifier les résultats par âge ; sinon, l'efficacité globale sera biaisée vers le bas et donnera une mauvaise représentation de l'efficacité du vaccin dans la prévention des maladies graves."La même approche - et la même conclusion - ont été réalisées par Michel Goldman, professeur d'immunologie à l'ULB, concernant la Belgique. "Il faut se méfier des chiffres", prévient-il. "Certains chiffres mal interprétés sèment la confusion et risquent fort d'entretenir l'hésitation vaccinale."Ainsi, le chiffre de 98% de sujets non-vaccinés parmi les hospitalisés depuis janvier 2021 est mis en exergue par ceux qui privilégient une plus juste répartition des vaccins de par le monde à une administration ciblée d'une troisième dose pour pallier l'affaiblissement des réponses immunitaires au fil du temps. Dans le même temps, le chiffre de 30% de personnes complètement vaccinées parmi les nouvelles hospitalisations (en Belgique) est utilisé par ceux qui prônent de suivre la politique de troisième dose généralisée pour limiter les risques d'une nouvelle vague conduisant à de nouvelles restrictions. "Cette divergence des chiffres n'est qu'apparente. Elle s'explique aisément par plusieurs éléments, dont la proportion non négligeable (de l'ordre de 20%) de personnes adultes non-vaccinées qui représentent encore la majorité des cas hospitalisés, ce qui confirme sans ambiguïté la grande efficacité du vaccin pour protéger des formes sévères et doit inciter à poursuivre l'effort en cours pour augmenter encore la couverture vaccinale." Le Pr Goldman ajoute que "certaines personnes complètement vaccinées ne sont en fait pas ou mal protégées du fait d'un mauvais fonctionnement de leur système immunitaire. Il s'agit des 400.000 personnes immunodéprimées qui vont à présent bénéficier d'une troisième dose, mais aussi de nombreux seniors victimes du vieillissement de leur système immunitaire: ce phénomène (l'immunosénescence) s'accentue entre 60 et 80 ans. Il entraîne une diminution plus rapide de la protection au fil des mois qui suivent la vaccination chez les seniors par rapport aux adultes jeunes".Il faut donc s'attendre à ce que la proportion des vaccinés parmi les hospitalisés augmentent dans les semaines à venir, d'autant plus si l'on ne protège pas les seniors par une troisième dose, en commençant par les plus âgés et ceux qui ont été vaccinés au début de la campagne de vaccination. Bref: un rappel est nécessaire dans certains cas, pour les patients immunodéprimés, présentant des comorbidités ou de l'immunosénescence. Mais on le voit dans l'échelonnement des mesures au niveau international: la science n'est pas le seul guide des décisions politiques. C'est l'avis, notamment, de l'OMS. " Nous pensons clairement que les données actuelles n'indiquent pas que les rappels sont nécessaires", a déclaré la scientifique en chef de l'OMS, Soumya Swaminathan, lors d'une conférence à Genève la semaine dernière. Injecter une 3e dose maintenant revient à " distribuer des gilets de sauvetage supplémentaires à des personnes qui en ont déjà un, pendant que nous laissons d'autres personnes se noyer sans le moindre gilet de sauvetage", a soutenu pour sa part le directeur des urgences de l'OMS, Mike Ryan. "Il y a suffisamment de vaccins dans le monde, mais ils ne vont pas aux bons endroits dans le bon ordre", conclut Dr Bruce Aylward, chargé du dossier Covax à l'OMS.