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Le mal en personne attire forcément le public, comme les artistes actuels qui voient dans cette figure intemporelle, matière à provocation... contemporaine. L'expo s'ouvre d'ailleurs sur une photographie en pied d'un jeune Jan Fabre qui ressemble à Broodthaers, coiffé d'un chapeau melon à la Magritte, rehaussé de deux cornes bien sûr... La centaine d'oeuvres présentées oscillent entre évidence et approche plus allégorique ou détournée de l'ange déchu: dans une scénographique labyrinthique, tortueuse et sans cartels (mais avec plan), ce qui rend parfois le déchiffrement des pièces et des auteurs démoniaque, les dessins noir et blanc au stylo sur papier de Sindre Foss Skancke sont d'une évidence moindre, bien qu'ils aient la beauté du diable, que la série de photos (chouette, bouc, garçon aux allures de zombie) de Gisèle Vienne, auteur plus loin de cinq poupées d'enfants grandeurs natures, inquiétantes, évoquant tout à la fois Les enfants du maïs, Carrie de Stephen King et L'exorciste de Friedkin. John Urho Kemp choisit le dessin et les nombres kabbalistiques, dont le 666 pour évoquer la figure du Diable, tandis que le Piss Satan d'Andres Serrano réalisé à l'urine montre l'ombre angoissante de la figure de l'antéchrist, telle que vue par cet artiste... catholique. Darja Bajagic évoque au travers de collage un autre démon, celui menaçant qui constitue le pédophile dans son Save A child, Kill A Pedophile à l'ironie opaque. Par contre, l'on ne saisit pas vraiment l'irruption de la grande fresque japonisante, par ailleurs impressionnante de beauté, d'Iris Van Dongen qui s'y met en scène, d'autant que les trois oeuvres que ce travail constitue ne s'intitulent pas Lilith. Tony Oursler est plus direct et simple dans ses trois représentations plutôt traditionnelles, y compris au niveau technique (acryliques et techniques mixtes) de la figure luciférienne. David Tibet en donne une représentation ancienne (Pazuzu surplombant des enfants chantant l'enfer) et confinant à l'art brut ailleurs, reflet d'une peur enfantine voire primale, du démon. Tandis que Gast Bouchet, utilise dans son triptyque à la fois des techniques contemporaines, la vidéo, la peau de bouc et la peinture, pour une version très gothique Marilyn Manson et satanique de Belzébuth. L'humour à froid - un rire sardonique -, transpire de la vidéo de Ragnar Kjartansson, lequel interprète torse nu, semi-enterré au milieu de la nature et à la guitare sèche Satan Is Real...Jan Fabre effectue un retour dans l'expo avec quatre encres de Chine quatre masques de diable qui doivent autant au carnaval qu'à Ensor. Même si tout ne paraît pas réussi parmi la profusion d'oeuvres émanant de vingt artistes, la vidéo concernant la consommation d'Alex Bag, paraît bien faible et inutilement provocatrice par rapport aux superbes trois natures mortes, morbides comme il le faut et en trois dimensions de Bianca Bondi intitulées Bloom - tas de feuilles, d'os et de fleurs fanées notamment, aux collages perturbants et infernaux de Julien Langendorff, face aux portraits fracassés et terrifiants de Jérôme Zonder (qui évoquent La malédiction) ou vis-à-vis du travail mixte de Darja Bajagic encore, contant l'histoire de Karen Howell meurtrière diabolique éprise de sorcellerie. Dans une dernière salle, deux oeuvres reflètent les deux versants de cette exposition d'un charme maléfique: le travail de Christine Borland qui, avec L'homme double, propose six sculptures (le nombre six à son importance) du Dr Mengele en fuite et au visage transformé, référant à la banalité du mal d'Hannah Arendt dans le procès Eichmann et à son côté enfoui en chacun, déguisé sous une apparence anodine dans le cas du médecin nazi. L'autre, accrochée au mur, s'intitule tout simplement Devil et est signée Sarah Charlesworth: un cibachrome monochrome d'un rouge irradiant d'où émerge la figure du masque traditionnel du diable. D'une part l'homme gris (titre de l'exposition), parce que le mal est devenu anonyme, banal, de l'autre un versant démoniaque hantant toujours potentiellement l'Homme, croyant ou non. Car croire au Diable c'est croire en son contraire... L'homme gris jusqu'au 31 janvier au Casino Luxembourg, Forum d'Art contemporain, 41 rue Notre-Dame à Luxembourg. Renseignements: 00 352 22 50 45 info@casino-luxembourg.lu www.casino-luxembourg.lu ouvert tous les jours sauf le mardi de 11 à 19 h, le jeudi jusque 21H