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"Des concentrations d'ozone élevées ont été mesurées dans les réseaux de mesure des trois régions. Le seuil européen d'information de 180 µg/m3 a été dépassé en deux points de mesure en Flandre." En Belgique, Celine, la Cellule interrégionale de l'environnement, informe la population sur la qualité de l'air ambiant et émet des bulletins d'avertissement essentiellement en été et en hiver lorsque les concentrations en ozone, en dioxyde d'azote et en particules fines (PM2.5, PM10) qui fluctuent en fonction des conditions météorologiques, dépassent les seuils d'information [1]. Les relations entre l'air et la santé sont opportunément au centre du numéro de juin des Cahiers de la recherche, édités par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui vient d'organiser une rencontre scientifique sur le même sujet le 6 juin dernier [2]. Ozone, PM2.5... sont aujourd'hui suivis de près mais la composition de l'air ambiant change au fil des évolutions technologiques avec l'émergence de nouveaux polluants, peu ou pas émis, ni pris en compte jusqu'à présent, ou de nouveaux effets toxiques sur la santé et/ou l'environnement. Pensons par exemple à l'essor des nanotechnologies, nouvelles sources d'exposition aux nanoparticules, dont on soupçonne des effets sanitaires, notamment sur le poumon... Pensons encore aux pots catalytiques, devenus obligatoires pour les moteurs à essence ou diesel afin de limiter les émissions de trois polluants (monoxyde de carbone, oxydes d'azote et traces d'hydrocarbures), qui ont entraîné de nouveaux problèmes de pollution en émettant des métaux du groupe du platine ou platinoïdes (PGE), connus pour être allergènes, cytotoxiques, mutagènes et cancérogènes. Dès 2018, l'Anses mettait en garde: "Jusqu'alors leur présence était connue à proximité des voies de circulation. Contre toute attente, une première étude menée en milieu rural et forestier (2016) a montré que ces éléments (palladium, platine et rhodium) étaient détectables loin de leurs sources émettrices, avec des teneurs dans les mousses nettement supérieures à celles relevées dans les quelques études menées en Europe, au cours des 20 dernières années." Les mousses sont reconnues comme d'excellents capteurs des métaux atmosphériques et sont employées, depuis plus de 30 ans, pour révéler l'évolution des contaminations au niveau européen. Le projet de recherche BIPlatE a permis la biosurveillance des teneurs en platinoïdes dans l'écosystème forestier en France entre 2016 et 2021. La cartographie des teneurs en Pd, Pt et Rh a mis en évidence des zones géographiques plus contaminées en relation avec deux sources émettrices, à savoir le trafic et l'industrie. Cette étude a également montré une augmentation statistiquement significative des teneurs pour ces trois éléments entre 2016 et 2021. À côté des polluants classiquement suivis, il convient donc de considérer des priorités montantes, au premier rang desquelles les particules ultrafines (PM0.1, de taille nanométrique) et le carbone suie (produit par les combustions incomplètes de combustibles fossiles et de la biomasse). En plus des effets sur la santé respiratoire (asthme, allergies, BPCO, cancer, fibrose pulmonaire...), ces dernières années, un nombre croissant d'études s'est intéressé aux effets de la pollution atmosphérique sur la santé cardiovasculaire, sur le diabète de type 2, sur la reproduction et le développement ainsi que sur les troubles neurologiques. Elle est notamment reconnue comme un facteur de risque "modifiable" de la démence, en ce sens qu'elle peut accélérer le déclin de la fonction cognitive. Le projet PoDéMos se concentre sur les effets de l'exposition à la pollution atmosphérique sur le risque de démence et sur ses marqueurs biologiques. Cette recherche a été réalisée sur base des données récoltées dans l'étude des trois cités (3C) où pendant plus de 12 ans, plus de 9.000 personnes âgées de plus de 65 ans ont été régulièrement suivies à Bordeaux, Dijon et Montpellier afin de déterminer le lien entre les maladies vasculaires et la maladie d'Alzheimer. Les résultats préliminaires montrent qu'une augmentation de 5 µg/m3 de l'exposition moyenne aux PM2.5 sur une période de dix ans est associée à une augmentation de 20% du risque de développer une démence. En revanche, ils n'indiquent pas d'association entre des expositions élevées au carbone suie ou au NO2 et un risque plus important de développer une démence. "Nos analyses suggèrent aussi un lien entre une exposition à de plus fortes concentrations de PM2.5 et un déclin plus rapide des performances globales de cognition (orientation, attention, mémoire et langage). Ceci confirme des résultats antérieurs pour les particules PM2.5", précisent les chercheurs qui ont également observé une association entre exposition aux PM2.5 et augmentation du volume d'hypersignaux de la substance blanche (HSB) dans le lobe temporal, une des zones du cerveau les plus précocement atteintes dans la maladie d'Alzheimer [3]. "Parmi les interrogations récurrentes, figure aussi celle de l'exposition répétée à de faibles doses, plus difficile à évaluer en lien avec l'exposition quotidienne à des produits ménagers, à des peintures ou solvants. De nombreux polluants présents à l'intérieur de nos habitations et lieux de vie peuvent avoir des effets néfastes sur notre santé, qui vont de la simple gêne au développement de maladies respiratoires. (...) Or, cette pollution est méconnue. Elle est d'autant plus difficile à appréhender qu'elle recouvre de multiples facettes: sources d'émission, compositions des atmosphères intérieures, conditions sociales et économiques...", explique le Pr Benoît Vallet, directeur de l'Anses, qui appelle de ses voeux "une stratégie ambitieuse pour garantir à chacun le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé".