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De nombreux travaux ont déjà démontré que les femmes enceintes exposées à un air ambiant pollué risquent davantage de faire une fausse couche, d'accoucher prématurément, ou de donner naissance à des nouveau-nés de faible poids. Sans compter que la pollution de l'air a aussi des répercussions sur le développement neurologique et les capacités cognitives de l'enfant, et peut provoquer des problèmes respiratoires, des maladies cardiovasculaires et certains cancers pédiatriques, ou encore endommager l'ADN du nouveau-né.Si le lien entre la pollution atmosphérique et ces effets indésirables est établi, par contre, le mécanisme en cause était encore méconnu.Chaque jour, des particules de carbone suie sont dispersées dans l'air, principalement par les moteurs à gaz et diesel, les centrales thermiques alimentées au charbon et d'autres sources qui brûlent des combustibles fossiles. Il s'agit de particules dont le diamètre est inférieur ou égal à 2,5 µ. Ce sont les plus nocives car elles peuvent franchir la barrière pulmonaire et entrer dans la circulation sanguine.Rien qu'en 2015, on estime qu'à l'échelle mondiale, ces petites particules ont causé 4,2 millions de décès, dont plus de 200.000 chez les enfants de moins de cinq ans qui sont beaucoup plus exposés à la pollution atmosphérique parce que leur système immunitaire n'est pas encore complètement développé." Compte tenu de toutes ces données et sachant aussi que pendant la phase in utero, l'organisme est encore plus vulnérable aux effets de la pollution, la découverte que nous venons de faire est très préoccupante ", déclare d'emblée Tim Nawrot, professeur en épidémiologie environnementale à l'Université de Hasselt.Avec sa collègue, le Dr Hannelore Bové, et d'autres chercheurs de la KU Leuven, ils ont examiné 28 placentas de femmes non-fumeuses, dont cinq avaient accouché prématurément. Grâce à une technologie laser perfectionnée, développée par le Dr Boré lors de son doctorat à UHasselt, ils ont découvert la présence de particules de carbone suie dans chacun des placentas qui avaient été récupérés dix minutes après l'accouchement." De plus, et ce n'est guère surprenant, nous avons observé une concentration plus élevée de particules de suie, 20.900 par mm3, dans les placentas des dix femmes ayant été exposées durant leur grossesse à un degré de pollution de l'air plus élevé, à savoir 2,42 microgrammes par m3, contre 9.500 particules par mm3 chez les dix femmes exposées à un degré de pollution atmosphérique moins élevé, de l'ordre de 0,63 microgramme par m3 ", précise le Pr Nawrot.Tim Nawrot tire de ce travail un constat alarmant. " En effet, le placenta, que l'on prenait pour une enveloppe protectrice impénétrable, est en réalité traversé par des particules fines de pollution qui proviennent des poumons de la mère après avoir été inhalées par la bouche ou le nez, et se déplacent par la circulation sanguine "." Nos résultats sont d'autant plus inquiétants que nous avons trouvé une concentration plus élevée de particules de suie du côté foetal du placenta, près du point où le cordon ombilical se dégage. On peut dès lors supposer que le sang du foetus est aussi atteint, et donc que ces particules impactent la santé de l'enfant à naître. "" Enfin, nous avons également examiné les placentas provenant de fausses couches et découvert que les particules de carbone suie étaient présentes même chez des foetus âgés de 12 semaines, donc bien avant la naissance, ce qui pourrait expliquer les effets nocifs de la pollution dès les premiers stades de la vie. "De cette étude, on retiendra essentiellement qu'elle fournit des preuves convaincantes de la présence de particules de carbone suie provenant de la pollution de l'air ambiant dans le placenta humain et qu'elle atteste l'exposition directe du foetus à ces particules pendant la période la plus sensible de la vie, lors des premières semaines de croissance." En revanche, l'impact exact de la pollution par la suie sur le foetus et dans la vie ultérieure de l'enfant n'est toujours pas clair et doit maintenant être étudié plus en profondeur ", souligne le Pr Nawrot. " La prochaine étape sera de savoir si les particules de carbone noir peuvent effectivement avoir des effets nocifs, notamment entraîner des dommages à l'ADN. Avec le soutien de Kom op tegen Kanker, nous allons analyser les placentas de plus de 1.000 nouveau-nés de la cohorte de naissance du Limbourg. "" En attendant, si nous voulons protéger les générations futures, étant donné qu'il est essentiel de respirer et donc qu'il n'est pas facile d'éviter d'inhaler des particules toxiques, nous pensons que le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour assurer la qualité de l'air. Cela devrait être un droit fondamental comme c'est le cas pour l'accès à l'eau potable. "