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Conclusion majeure? Les marchés résistent aux perturbations dues au Covid-19. Les experts mettent en garde contre les risques sanitaires liés à la disponibilité et à l'usage d'un éventail plus large de substances, souvent de forte puissance et à une pureté élevée. Ils décrivent également la manière dont les groupes criminels organisés ont intensifié la production illégale de drogues en Europe pour échapper aux mesures de lutte contre le trafic, créant ainsi des risques pour l'environnement, la santé et la sécurité. Pour Alexis Goosdeel, directeur belge de l'EMCDDA, "notre analyse illustre à quel point la situation en matière de drogues a évolué au cours des 25 dernières années. Il s'agit désormais d'un problème très répandu, qui a des répercussions dans tous les grands domaines d'action. Nous faisons face à un marché de drogues dynamique, en mesure de s'adapter et résilient aux restrictions liées au Covid-19. Nous observons également des modes de consommation de drogues de plus en plus complexes, les consommateurs étant exposés à un éventail plus large de substances naturelles et synthétiques à forte teneur. Prendre conscience que non seulement les personnes qui sont actuellement confrontées à des problèmes de drogue sont plus nombreuses, mais que ces problèmes ont des répercussions plus variées sur nos communautés, est une priorité."Le rapport révèle la façon dont le marché de drogues continue de réagir à la pandémie, les trafiquants de drogue s'adaptant aux restrictions de déplacement et aux fermetures de frontières. Au niveau du commerce de gros, cela se traduit par des changements dans les itinéraires et les méthodes de trafic, avec une plus grande dépendance vis-à-vis des chaînes logistiques commerciales, via notamment les conteneurs maritimes intermodaux, et un moindre recours aux passeurs ("mules") empruntant le transport aérien. Les vendeurs et acheteurs de drogues se sont adaptés en utilisant davantage les services de messagerie cryptée, les applications des réseaux sociaux, la vente en ligne et par les services de messagerie et de livraison à domicile. On peut donc craindre que la pandémie n'ait pour effet à long terme de renforcer la dématérialisation des marchés de drogues. Les données montrent que durant les premières périodes de confinement, du fait que les consommateurs soient restés à domicile, ils ont été moins intéressés par les substances généralement associées à des événements récréatifs (par exemple, la MDMA/ecstasy). Toutefois, l'analyse des échantillons d'eaux usées suggère que les niveaux de consommation de la plupart des drogues ont rebondi à mesure que les restrictions de déplacement, de voyage et de rassemblement social ont été assouplies à l'été 2020. Parmi les évolutions préoccupantes liées à la pandémie figurent les signes d'une possible augmentation de la disponibilité et de la consommation de crack dans certains pays. Des préoccupations spécifiques sont soulevées concernant l'usage de benzodiazépines, détournées de leur usage thérapeutique ou non autorisées à des fins médicales en Europe. Une augmentation de la consommation de ces drogues est observée chez les usagers de drogues problématiques, les détenus et certains groupes d'usagers récréatifs, ce qui peut refléter la grande disponibilité et le faible coût de ces substances et des problèmes de santé mentale entraînés par la pandémie. La consommation de cannabis se stabilise à des niveaux élevés, mais l'augmentation de la teneur en THC suscite des inquiétudes. "Pour les gens qui avaient une consommation occasionnelle, leur consommation a été fortement réduite. Par contre pour les gens qui avaient une consommation récréative régulière, il y a eu en effet une consommation plus lourde, plus à risque, en fonction des substances disponibles. Ce que nous indiquons dans notre rapport, c'est que la teneur en THC (la principale molécule psychotrope du cannabis, NDLR) du cannabis - sous forme d'herbe comme de résine - montre une évolution incroyable! Il y a quatre ou cinq ans nous indiquions que la concentration en THC avait quasiment doublé, passant de 7-8 à 14% en moyenne ; Aujourd'hui cette concentration pour la résine de cannabis se situe entre 20 et 28%. Cela signifie un cannabis beaucoup plus puissant avec des risques de toxicité plus élevés. Donc oui, pour ceux qui avaient une consommation problématique, elle ne s'est certainement pas arrangée pendant la pandémie", réagit Alexis Goosdeel. Parallèlement au démantèlement des installations de production en 2019, des produits chimiques utilisés pour fabriquer de l'amphétamine ont également été saisis dans l'UE, dont 14.500 litres de BMK et 31 tonnes de MAPA (contre sept tonnes en 2018). La production et le trafic de méthamphétamine mettent en évidence le potentiel d'augmentation de la consommation en Europe. Outre l'augmentation de la teneur moyenne en MDMA des comprimés et de la pureté des poudres, des produits présentant des niveaux très élevés de MDMA sont également détectés. Au total, 46 nouvelles substances psychoactives (NSP) ont été signalées pour la première fois en Europe en 2020, ce qui porte le nombre total de substances surveillées par l'EMCDDA à 830. Au total, 370 laboratoires clandestins ont été démantelés en 2019. La consommation à haut risque de substances et la polyconsommation continuent de provoquer des décès. Laura d'Arrigo, présidente du conseil d'administration de l'EMCDDA, conclut: "À mesure que les problèmes de drogue en Europe continuent d'évoluer, la réponse que l'Europe y apporte doit également s'adapter. La crise du Covid-19 nous a montré la valeur des informations scientifiques, fondées sur des données probantes et comparables d'un pays à l'autre. Le rapport publié aujourd'hui constitue une opportunité pour permettre aux décideurs de suivre le rythme des nouvelles tendances et évolutions et identifier les domaines nécessitant une action rapide."