...

Un biosimilaire est un médicament biologique largement similaire à une spécialité précédemment approuvée (le médicament biologique "original" ou "de référence"). Il peut être commercialisé dès que le brevet du produit de référence a expiré. " On compare souvent les biosimilaires aux génériques, mais il y a tout de même quelques différences", précise le Pr Marc Ferrante (service de gastroentérologie, UZ Leuven). " Alors qu'une petite molécule synthétique peut facilement être reproduite à l'identique, un médicament biologique, produit par des cellules vivantes, ne pourra jamais être exactement copié. Les cellules diffèrent en effet d'une ligne de production à l'autre et ne grandiront jamais dans des conditions exactement identiques dans deux laboratoires distincts. Le processus de production du Remicade® la spécialité biologique originale de l'infliximab, a même fait l'objet au fil du temps de plusieurs dizaines d'améliorations technologiques. Il ne serait donc pas complètement faux d'affirmer que le Remicade®actuel est un biosimilaire de la version lancée en 1995."Pour pouvoir être commercialisés, les biosimilaires doivent apporter d'autres preuves cliniques que la spécialité originale. Après la phase préclinique, le médicament de référence fait en effet l'objet d'études cliniques très poussées: pour chaque indication distincte, son efficacité et sa sécurité doivent être démontrées par le biais d'essais cliniques de grande envergure. Pour les biosimilaires, l'accent est mis sur les recherches précliniques, dans le cadre desquelles on examinera en laboratoire si le biosimilaire est équivalent à l'original en termes de mécanisme d'action et de profil de sécurité. Il suffira ensuite de réaliser un seul essai clinique dans une seule indication pour démontrer l'équivalence avec le médicament de référence. " Pour les biosimilaires susceptibles d'être utilisés dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, cette unique étude cible généralement une indication rhumatologique, parce que les patients qui souffrent de maladies rhumatismales sont beaucoup plus nombreux que les patients MICI à prendre des médicaments biologiques", explique le Pr Ferrante. " On applique ici le principe de la transposabilité ou de l'extrapolation. Si l'équivalence du biosimilaire avec l'original est démontrée pour une indication, on part du principe qu'elle existe aussi pour les autres. Nous disposons ainsi de bon nombre de biosimilaires remboursés dans le traitement de la maladie de Crohn, alors qu'ils n'ont pas ou guère fait l'objet d'essais cliniques dans cette indication. Cette extrapolation a initialement suscité une certaine inquiétude parmi les gastroentérologues... mais entre-temps, il existe des données supplémentaires qui donnent à penser que ce principe est bel et bien valide." " Lorsque les biosimilaires de l'infliximab ont fait leur entrée sur le marché, nous avons estimé que nous devions en acquérir une expérience au sein de notre hôpital universitaire. Nous avons donc commencé à les prescrire à des patients MICI qui n'avaient jamais utilisé le Remicade® le médicament biologique de référence. Nous avons été tout à fait satisfaits des résultats et la décision de la direction de ne plus travailler dans le futur qu'avec l'un des biosimilaires, l'Inflectra® n'a donc suscité aucune inquiétude. L'ensemble des 361 patients MICI qui ont du passer du Remicade®à l'Inflectra®ont été suivis pendant six mois, et les résultats se sont avérés aussi bons avec le biosimilaire qu'avec l'original." "Entre-temps, de plus en plus de biosimilaires sont introduits sur le marché, ce qui tend à rendre la situation plus complexe. Les officines hospitalières achètent en effet les médicaments par le biais d'appels d'offres lancées tous les quatre ans, ce qui signifie que les produits sont susceptibles de changer. Il n'est donc pas exclu que les patients qui ont déjà dû passer du produit de référence au biosimilaire A doivent, dans un second temps, passer au biosimilaire B ou revenir à l'original. Les résultats seront-ils aussi bons avec tous les produits? Sur la base de l'expérience que nous avons accumulée jusqu'ici, nous pensons que ce sera effectivement le cas." " Nous recommandons néanmoins, au départ des groupes d'experts, d'organiser une étude de suivi pour chaque indication, comme nous l'avons fait dans notre propre population. Avec ces modalités de recherche limitées, le développement de nouveaux biosimilaires garde tout son sens. Ces frais de développement plus faibles permettent de comprimer le coût du traitement pour le patient, mais aussi et surtout pour la collectivité." Après le Remicade® administré par voie intraveineuse, le traitement biologique sous-cutané Humira®(adalimumab) a également donné lieu au développement de biosimilaires. Dans ce cas de figure, le fait que le patient s'administre lui-même l'adalimumab au moyen d'un stylo injecteur ou d'une seringue - qui diffère d'une préparation à l'autre - représente une complication supplémentaire. (Précisons au passage que ce n'est pas seulement le mode d'administration qui est différent, mais aussi le volume et la composition des excipients.) Un changement de produit suppose en effet que le patient soit prêt à s'adapter à un nouveau mode d'injection. Comme l'adalimumab est distribué par les officines publiques, le médecin est libre de faire son choix dans l'offre disponible. Le pharmacien, lui, ne jouit pas d'un droit de substitution lorsqu'il délivre un biosimilaire, ce qui rend possible un traçage précis de ce qu'a reçu le patient. " Cinq biosimilaires de l'adalimumab sont actuellement disponibles sur le marché", précise Marc Ferrante. "Il est impossible, pour un médecin, d'acquérir simultanément une expérience de six produits. Lors du lancement les biosimilaires, il y a deux ans, nous avons donc décidé à l'UZ Leuven de ne pas modifier le traitement des patients qui utilisaient déjà l'Humira® mais de choisir deux biosimilaires à prescrire aux patients naïfs afin d'en acquérir une expérience. Là aussi, les résultats se sont avérés concluants. La question de savoir si un switch devrait être envisagé chez les patients sous Humira®est actuellement à l'étude. À court terme, le bénéfice financier pour le patient et pour les autorités est en effet limité, puisque l'original doit de toute façon réduire son prix de 30% à l'arrivée des premiers biosimilaires. Le choix de soutenir malgré tout l'utilisation de ces derniers repose plutôt sur des considérations à plus long terme: si les biosimilaires sont trop peu prescrits en Belgique, les fabricants risquent de ne plus les commercialiser dans notre pays dans le futur, ce qui signifierait que d'autres originaux biologiques pourraient en partie maintenir leurs prix antérieurs après l'expiration du brevet. Néanmoins, lorsqu'un patient a déjà l'habitude d'un médicament/d'un mode d'injection donné, ce n'est pas le genre d'argument qui pourra le convaincre d'en changer." Ce dernier point peut contribuer à expliquer pourquoi l'adoption des biosimilaires sous-cutanés reste relativement frileuse dans notre pays. " En tant que prestataires, nous avons pourtant des idées qui pourraient infléchir cette tendance", souligne le gastroentérologue. " Nous avons donc réclamé à plusieurs reprises une concertation avec les autorités, mais jusqu'ici en vain. Nous sommes en effet convaincus que les mentalités des médecins et des patients n'évolueront que s'ils ont l'impression que ce switch débouche aussi sur une amélioration de la qualité des soins." " La prescription de biosimilaires pourrait par exemple être récompensée en dégageant un budget pour recruter des infirmiers MICI supplémentaires. Il ressort en effet systématiquement des enquêtes sur les besoins non rencontrés réalisées auprès des médecins et des associations de patients que la présence d'un nombre suffisant d'infirmiers spécialisés dans les MICI est vraiment la priorité des priorités... alors que certains centres n'en disposent toujours pas. Si vous dites aux patients que le switch vers un biosimilaire va améliorer l'accès à ces infirmiers spécialisés, je suis certain que la plupart seront immédiatement partants. Des suggestions similaires existent pour une intervention dans le coût des mesures du taux sérique d'infliximab et d'adalimumab, du dosage de la calprotectine fécale et des vaccins coûteux que ces malades doivent actuellement payer de leur poche." " L'Inami offre actuellement une prime aux médecins qui prescrivent des biosimilaires sous-cutanés. Notre groupe professionnel, le BIRD, n'était absolument pas demandeur et n'est franchement pas ravi, parce qu'il nous semble contraire à l'éthique de coupler un comportement de prescription à un incitant financier. Nous devons évoluer vers un scénario où tout le monde soit gagnant et qui soit bénéfique pour la qualité des soins."