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Revenu de base inconditionnel, revenu universel ou encore allocation d'existence, autant de termes qui reviennent régulièrement dans le débat public sur l'État-providence, et qui désignent le fait de verser de l'argent régulièrement, de façon inconditionnelle, aux citoyens. Le concept n'est pas neuf, mais les preuves empiriques sont rares et souvent peu concluantes. L'Allemagne s'est lancée dans une expérience pilote entre juin 2021 et mai 2024, un essai contrôle randomisé mené par l'ONG Mein Grundeinkommen. Les résultats viennent de tomber. 1.687 personnes ont été sélectionnées parmi deux millions de candidats, toutes actives, âgées de 21 à 40 ans, vivant seules et disposant d'un revenu mensuel net de 1.100 à 2.600 euros. Parmi elles, 107 ont reçu un revenu de base inconditionnel (RBI) de 1.200 euros par mois pendant trois ans, les 1.580 autres servant de groupe contrôle. Des enquêtes étaient menées tous les six mois (santé mentale, satisfaction de vie, sommeil et comportements sociaux). Les impacts de cette expérience - la plus grande au monde d'initiative citoyenne - ont été analysés par plusieurs grandes universités (Berlin, Vienne, Oxford, Cologne et Francfort). Les bénéficiaires du RBI n'ont pas arrêté de travailler, ni même diminué leurs heures. Beaucoup ont continué à se former et se disaient plus satisfaits de leur vie professionnelle. Après avoir réalisé quelques (vieux) rêves, ils ont augmenté leur épargne (+ un tiers/mois), fait plus de dons et aidé des proches (125 euros/mois, le double du groupe contrôle). Le sentiment d'autonomie, de contrôle sur sa vie pour la mener selon ses propres valeurs, était meilleur, et la vie sociale plus épanouie (+ 2h/semaine pour les amis). L'étude montre une amélioration significative de la santé mentale, un meilleur équilibre émotionnel et psychologique avec une diminution de la dépression (index WHO-5 Well-being) et du stress (échelle Perceived Stress Scale). Ces effets sont statistiquement significatifs, et 81% persistent six mois après la fin du programme. Ces résultats sont jusqu'à dix fois supérieurs à d'autres expériences menées notamment après des gains à la loterie. Les chercheurs ont aussi identifié des effets sur le sommeil, sur sa durée et sa qualité: les bénéficiaires ont dormi en moyenne 2,3 heures en plus par semaine, et mieux (satisfaction du sommeil: +0,290 écart-type). Pourquoi ces bénéfices? Différents mécanismes peuvent expliquer ces effets sur la santé: moins de stress (notamment financier), d'isolement social, un meilleur équilibre vie professionnelle et privée, plus de loisirs et d'investissement dans son bien-être personnel grâce à ce revenu garanti et régulier. Pour les responsables de l'ONG à l'origine du projet (qui remettra le couvert à l'occasion du 1er mai, pour la fête du travail), l'épuisement, le stress et les maladies psychiques étant des motifs majeurs d'arrêt maladie, le RBI pourrait "conduire à des économies massives dans le système de santé et de sécurité sociale". À méditer peut-être à l'heure, chez nous, de la remise au travail des malades de longue durée et de la limitation des allocations de chômage dans le temps.