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Le recours au scanner thoracique pour le diagnostic du Covid-19 est motivé par les limites du test par PCR sur les prélèvements réalisés dans la gorge ou la cavité nasale : même si ce second examen demeure l'étalon-or, des ruptures de stock peuvent en effet se produire dans des situations aiguës, le résultat n'est disponible qu'après une douzaine d'heures et la littérature mentionne des taux de sensibilité très variables. Entre-temps, les partisans et détracteurs du dépistage par scanner thoracique ont également exposé leurs positions respectives, avec là aussi des chiffres et prédictions très variables quant à la sensibilité et à la spécificité de cet examen. " Lorsque l'épidémie du Covid a éclaté dans notre pays, nous avons décidé, à l'AZ Delta, de nous tourner vers la tomodensitométrie en guise d'examen d'imagerie chez les patients avec une suspicion de covid-19. La radiographie ne présente en effet pas une sensibilité suffisante pour visualiser les lésions ", explique le Dr De Smet. " Nous avons toutefois réalisé ces scans thoraciques avec une dose de rayons réduite. À partir du 19 mars, nous avons introduit un rapportage structuré des scanners thoraciques sur la base de la classification CO-RADS - un système validé développé par des chercheurs néerlandais et récemment publié dans la célèbre revue Radiology, mais que nous avions déjà choisi d'utiliser à l'AZ Delta avant qu'il ne soit largement déployé par les radiologues néerlandais. Il évalue la probabilité que le patient soit contaminé par le Covid-19 sur la base des résultats du CT-scan. " Les chercheurs ont récolté des scanners thoraciques dans deux groupes de patients : d'une part ceux qui se présentaient aux urgences avec des symptômes suggérant une infection covid-19 (n = 859), de l'autre des sujets confrontés à un autre problème médical et chez qui un scanner thoracique était également indiqué (n = 1.138). Tous les patients ont par ailleurs bénéficié d'un test par PCR. Les résultats ont été récoltés dans une base de données. " Nous avons constaté que le scanner thoracique présentait d'autres caractéristiques dans la population symptomatique que dans celle qui ne l'était pas ", résume Kristof De Smet . " Chez les patients symptomatiques, sa sensibilité est élevée (de l'ordre de 90%), ce qui en fait un outil de tri idéal au service des urgences, puisque ses résultats sont beaucoup plus rapidement disponibles que ceux du test PCR. C'est important lorsqu'on est confronté à un afflux massif de patients comme nous l'avons vécu au moment du pic épidémique, puisqu'un test rapide et fiable permet de référer sans tarder les malades aux services adéquats. " Dans la population asymptomatique, ce tableau était par contre tout différent. " La sensibilité ne dépassait cette fois pas 45 % et un dépistage par scanner thoracique n'est donc pas indiqué dans ce groupe. Sa spécificité était par contre excellente (89 %). En d'autres termes, si un patient asymptomatique présente au CT-scan des lésions suggérant une infection Covid-19, la probabilité est grande qu'il en soit effectivement atteint, en particulier dans un contexte de haute prévalence dans la population générale. Au cours d'une épidémie de Covid-19, on pourrait donc décider sur cette base de placer le patient en isolement. " " Le tableau clinique est donc le critère déterminant pour un recours efficace au CT-scan thoracique : chez les patients symptomatiques, il peut être opportun d'avoir rapidement recours à cet examen. Chez ceux qui ne le sont pas, cette approche livre par contre trop de faux négatifs, même si les lésions suggestives que l'examen permet de découvrir par hasard sont loin d'être anodines. Il est utile de le garder à l'esprit en vue d'une seconde ou troisième vague épidémique. " Quid de la spécificité du scanner thoracique dans la population symptomatique ? " Elle était plus faible que chez les patients asymptomatiques (73 %), et c'est tout à fait compréhensible ", souligne le Dr De Smet. " En mars et avril, nous étions à la fin de la saison grippale, et une partie des patients souffrant de symptômes respiratoires avaient tout simplement la grippe. Ce sont en partie ces personnes qui sont responsables des faux positifs au CT-scan. " En spéculant un peu, on peut aussi subodorer que, si la sensibilité est faible chez les sujets asymptomatiques, c'est vraisemblablement parce qu'elles souffrent rarement de lésions pulmonaires. Du coup, le scanner passe complètement à côté de ces cas. " Ces données - recueillies dans une population de patients non négligeable à l'aide d'un système de classification récent et validé, et enregistrées dans une base de données correctement gérée - nous offrent un point d'appui tangible dans la réflexion sur le rôle du scanner thoracique dans le dépistage du Covid-19 ", conclut Kristof De Smet. " Nous avons donc soumis nos résultats à une revue peer-reviewed pour publication. "