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Alors que l'épidémie de Covid-19 semble entrée dans une phase de régression et qu'un déconfinement progressif se met prudemment en place, de plus en plus de voix se manifestent, tantôt pour regretter ce qui n'a pas été fait, tantôt pour pointer du doigt ce qui aurait pu être mieux fait, tantôt pour critiquer l'organisation du déconfinement... Les entendre et les lire m'exaspère ! Autant je comprends que ceux qui, jour après jour, dans des conditions souvent difficiles se retrouvent, malgré leur fatigue et leur inquiétude, au devant de la scène pour aider, soigner ou simplement rendre les services qui permettent à chaque citoyen de continuer à mener une vie la plus normale possible, expriment leurs craintes ou leur préoccupations par rapport à des moyens dont ils manquent ou risquent de manquer pour leur permettre de se protéger, de protéger les autres ou simplement de remplir leur mission, autant j'estime que ceux qui s'épanchent dans la presse en listant ce qui n'a pas été fait, ce qui, selon eux, a été mal fait ou regrettent de n'avoir pas été consultés m'insupportent. A ceux-là, je voudrais rappeler deux principes qui me semblent essentiels. Ce n'est que lorsqu'une action arrive à son terme qu'on peut l'évaluer et débattre de son opportunité, de son efficacité. Longuement développé déjà par Aristote dans sa théorie du rapport entre l'action et la temporalité, ce principe fondamental se traduit parfois de manière beaucoup plus simple dans l'expression populaire. Je ne résiste pas à rappeler à ce propos, une phrase (devenue célèbre) de feu le Premier ministre belge Achille Van Acker, souvent raillé pour l'avoir prononcée avec l'inimitable accent que lui conférait un léger zézaiement : " Moi, j'agis, puis je réfléchis ", soulignant à sa manière que, quand les circonstances imposent l'action et des choix difficiles, il faut consacrer toute son énergie à agir. Ce n'est que plus tard, quand les actions auront abouti, qu'il faudra les analyser et en tirer les leçons. Quand le supporter de football décrète le fameux : " Un match dure 90 minutes ", il ne dit pas autre chose. C'est quand l'action arrivera à son terme qu'elle pourra être évaluée. J'invite à se taire, tous ceux qui se croient obligés de juger prématurément et à mauvais escient ! Le second principe, longtemps nié par Einstein lui-même qui était convaincu que la pensée pure est capable de saisir tout le réel, a été mis en évidence par nombre de scientifiques qui lui ont succédé, dont le plus célèbre est certainement Hawkins : la frontière entre objectif et subjectif n'est pas complètement étanche et laisse une place significative au hasard qui est plus le domaine de l'intuition que du savoir. La nature nous offre le hasard avec ses frustrations, ses dangers mais aussi ses bienfaits. Toute démarche humaine dans un contexte dont le hasard n'est jamais absent comporte une part de risque. Il faut pouvoir l'accepter et l'assumer. Dans un tel contexte, j'invite à un peu de modestie ceux qui prétendent détenir les clés de la décision. Celles et ceux qui, par leur fonction ou par leur expertise, sont amenés à prendre des décisions, ont commis, commettent et commettront des erreurs mais ils agissent et ils obtiennent aussi des résultats. Ils s'efforcent d'évaluer les risques liés à une situation mouvante et encore mal connue. A leur place, d'autres ne feraient vraisemblablement pas les mêmes choix... conscients que le risque zéro n'existe jamais ! Le temps venu, il faudra évidemment faire le bilan des choix qui ont été posés (la réflexion). Pour en tirer les leçons et préparer un avenir plus efficace et mieux maîtrisé. Pas pour juger ceux qui ont agi.