Cela fait aujourd'hui une centaine d'années que l'insuline a été découverte par des chercheurs de l'université de Toronto - une avancée tout simplement vitale pour les patients atteints d'un diabète de type 1. Depuis cette époque, l'affinage progressif du traitement par insuline a sensiblement amélioré les résultats obtenus chez ces malades.
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Il existe deux modes d'administration de l'insuline: le stylo et la pompe", résume le Pr Christophe De Block (chef du service d'endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques à l'UZA). "Le stylo permet d'injecter de l'insuline à courte durée d'action avant chaque repas, ainsi qu'une insuline basale une fois par jour afin de maintenir une faible concentration pendant la nuit." Lors de l'utilisation d'un stylo à insuline, il est important de pouvoir calculer correctement la dose. On se basera notamment pour cela sur la teneur en glucides des repas, en tenant compte de l'intensité des activités physiques prévues après l'injection. En cas de maladie ou à l'approche d'une période de stress, la glycémie aura tendance à augmenter, rendant nécessaire une dose accrue d'insuline. "Un patient traité par insuline aura donc besoin d'une éducation conséquente", commente le Pr De Block. "L'éducateur diabète pourra lui apprendre à calculer combien de sucre il absorbe et, sur cette base, à calculer le ratio insuline-glucides. Le patient sera également informé de son facteur de correction individuel lorsque sa glycémie est trop élevée (voir cadre)." Il est aussi très important que le patient assimile correctement la technique d'injection. Une condition importante est de varier les sites d'injection possibles - le ventre, les cuisses, mais parfois aussi le haut du bras ou les fesses. "Lorsqu'on utilise toujours le même site d'injection, on assiste à une accumulation locale de graisse ou lipohypertrophie qui va rendre le passage de l'insuline dans le sang très imprévisible, avec à la clé une forte fluctuation des valeurs glycémiques", explique Christophe De Block. "Pour la même raison, il est important que le patient utilise tous les jours une nouvelle aiguille afin d'éviter que celle-ci ne se déforme et ne provoque la formation de cicatrices, qui sont là aussi une cause de lipohypertrophie." Enfin, l'utilisateur doit aussi apprendre à gérer et traiter efficacement les épisodes d'hypo- et d'hyperglycémie. Les dispositifs de monitoring continu de la glycémie permettent d'affiner encore plus le traitement. "Ils ont l'avantage de proposer un tableau très complet de la courbe de glycémie, ce qui permet de visualiser les pics postprandiaux et les profils nocturnes", commente le diabétologue anversois. "Le traitement par insuline peut ainsi être adapté sur la base de la reconnaissance de schémas." Ces dernières années, des progrès ont également été réalisés au niveau des préparations d'insuline proprement dites. "Elles contiennent des complexes de zinc et d'insuline qui permettent de garantir la stabilité de cette dernière", explique le Pr De Block. "Avant de pouvoir passer dans la circulation sanguine, les molécules d'insuline doivent être progressivement libérées à partir de ces complexes. C'est pour cela que l'insuline humaine ne commence à agir qu'après une demi-heure et atteint son pic d'efficacité après deux heures. Plus récemment, on a vu arriver sur le marché des analogues de l'insuline - des molécules qui se distinguent de l'insuline humaine par un ou plusieurs acides aminés, ce qui leur permet de se libérer plus facilement des complexes zinc-insuline. De ce fait, leur effet se manifeste plus rapidement, mais disparaît aussi plus vite. Deux nouveaux produits de ce type ont été lancés ces trois dernières années: le Fiasp®et le Lyumjev® En comparaison avec les analogues plus anciens, ces préparations prennent 10 à 15 minutes de moins pour commencer à agir et leur effet prend 20 à 45 minutes de moins pour disparaître." "Cet effet très rapide permet d'avoir un pic de glycémie moins important après un repas grâce à une meilleure adéquation avec la résorption des sucres alimentaires. En outre, le risque d'hypoglycémie au cours des phases postprandiales plus tardives est moins important et on observe aussi moins d'hypoglycémies nocturnes, puisque l'effet de la dose d'insuline administrée lors du repas du soir s'estompe plus rapidement." "Les analogues de l'insuline récents permettent une flexibilité accrue dans le timing des injections. Dans le passé, les patients devaient s'administrer leur piqûre une demi-heure avant de commencer à manger, ce qui laissait une marge relativement importante pour la survenue de circonstances imprévues susceptibles de retarder l'heure du repas (p.ex. coup de téléphone prolongé), avec à la clé la survenue d'hypoglycémies. Pour les nouvelles préparations d'insuline ultrarapides, les études recommandent une administration deux minutes à l'avance... mais lorsqu'il est difficile de prévoir si le patient terminera son assiette, p.ex. lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'une personne âgée, l'injection peut aussi être effectuée après le repas." "En dépit de ces avancées, la recherche de préparations toujours plus efficaces se poursuit", souligne le Pr De Block. "Même l'effet des nouvelles insulines ultrarapides reste un peu plus lent que celui de l'insuline endogène d'une personne non diabétique et, dans notre pratique quotidienne, nous voyons encore régulièrement des patients qui s'administrent leur injection du matin 15 à 20 minutes avant le petit-déjeuner pour limiter un peu le pic postprandial. Les patients avec un diabète bien régulé (HbA1c ? 7% ; en cas de monitoring continu: temps dans la plage de 70-180 mg/dL (time in range ou TIR) > 70%) sont en effet conscients de leurs épisodes d'hyperglycémie, qui provoquent chez eux une sensation d'apathie et de soif accrue. Ces personnes peuvent évidemment adapter le timing de l'injection lorsqu'elles sont à la maison, mais c'est souvent plus difficile au travail, ce qui explique pourquoi il est nécessaire d'affiner encore plus les préparations. Peut-être disposerons-nous dans le futur d'une insuline réactive au glucose, dont l'effet serait plus ou moins marqué en fonction de la glycémie. Pas mal de recherches sont en tout cas en cours autour de ce concept." En ce qui concerne les préparations d'insuline à longue durée d'action, il est important qu'elles permettent d'obtenir une concentration sanguine la plus stable possible sur une période de 24 heures. "Là aussi, on a vu deux nouveaux produits arriver sur le marché ces dernières années, le Toujeo®(durée d'action de 28 heures) et le Tresiba®(durée d'action de 42 heures)", précise Christophe De Block. "Ils permettent tous deux d'obtenir une courbe de concentration extrêmement plane, avec peu de variabilité d'un jour à l'autre. Pour les personnes qui souffrent d'un diabète de type 2, les chercheurs s'attachent actuellement à développer des préparations d'insuline à longue durée d'action qui ne doivent être administrées qu'une fois par semaine, mais il est douteux que ce soit aussi une bonne solution pour les diabétiques de type 1. Les diabétiques de type 2 sont en effet le plus souvent des personnes d'un certain âge, dont le niveau d'activité reste plus ou moins constant tout au long de la semaine. Le diabète de type 1 concerne au contraire une population relativement jeune et susceptible, par exemple, d'avoir des activités sportives plus intensives le week-end que pendant la semaine. Dans un tel cas de figure, une préparation hebdomadaire n'offre évidemment pas la souplesse nécessaire pour s'adapter aux besoins du moment. Il est toujours possible d'ajuster la dose d'insuline d'action rapide, mais l'insuline basale reste tout de même un élément pertinent dans le maintien de l'équilibre glycémique." Les pompes à insuline sont utilisées exclusivement avec des préparations à courte durée d'action, à faibles doses pour couvrir les besoins basaux et en bolus plus élevés au moment des repas. Avec les modèles plus anciens, l'administration d'insuline devait être adaptée d'heure en heure en fonction des mesures de la glycémie. Aujourd'hui, nous disposons toutefois de pompes intelligentes capables d'ajuster l'administration d'insuline en fonction des signaux provenant des dispositifs de surveillance continue de la glycémie. "Nous commençons donc tout doucement à nous rapprocher du principe d'un pancréas artificiel", résume Christophe De Block. "Là aussi, ce sont les préparations dont l'action est la plus rapide qui offrent la réponse la plus adaptée à la glycémie postprandiale. Un problème qui se pose est que les algorithmes qui dirigent les pompes les plus récentes se basent sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique d'analogues de l'insuline de première génération comme l'Apidra® l'Humalog®et le Novorapid® Si elles pouvaient être adaptées aux caractéristiques du Fiasp®et du Lyumjev®dans le futur, cela ouvrirait la perspective d'une amélioration supplémentaire." " Je voudrais encore ajouter que les pompes permettent des ajustements du dosage beaucoup plus subtils que le stylo injecteur, de l'ordre de 0,05 UI versus 0,5 UI. Des recherches ont démontré que la survie est meilleure chez les patients qui utilisent une pompe que chez ceux qui s'injectent au moyen d'un stylo, même lorsque la régulation glycémique moyenne est comparable. Cela s'explique probablement par le fait que les variations de la glycémie sont moins marquées avec la pompe."