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Au coeur de l'Alsace, aux abords de la route des vins dont elle est la capitale, Colmar reste le symbole de la tradition alsacienne, tant elle en cultive les images d'Épinal (qui n'est pas en Alsace). Cette ravissante cité est d'une cohérence rare au niveau du bâti, - ville de robe épargnée par les bombardements au cours des guerres et changements de nationalités successifs-, dans sa partie historique, étendue, qui alterne essentiellement des maisons à pans de bois colorées. La légende voudrait que l'on choisisse la couleur selon la corporation ou la religion, mais rien ne prouve l'une ou l'autre théorie. De grands bâtiments moyenâgeux ou renaissants en granite rose des Vosges caractérisent la ville, parfois décorés d'oriels (fenêtre à encorbellement qui permettait d'augmenter la surface d'habitation sans payer de supplément d'impôt). Mais aussi des églises, dont la collégiale Saint-Martin de style gothique en grès des Vosges, des temples voire synagogue, et des hôtels et édifices classiques du 19e classique ou art nouveau allemand ; ce que fut longtemps la ville avant Louis XIV... Une cité qui possède des liens historiques avec la Belgique, et notamment Bruxelles, qui lui offrit une réplique du Manneken Pis, afin de célébrer en 1922 les quatre ans de la libération de la cité alsacienne des griffes teutonnes: la plaque accompagnant le célèbre garnement mentionne le nom du bourgmestre bruxellois (Adolphe Max! ) de l'époque et évoque " l'inaltérable gaîté belge et la vaillante bonne humeur alsacienne": et l'on se demande pourquoi nos compatriotes aiment tant l'Alsace... La cité vit naître Schongauer, peintre vénéré par le grand Dürer, et Bartoldi, l'auteur de la Statue de la Liberté - une réplique de 12 m de haut qui décore le rond-point de la route de Strasbourg, dont le maison natale transformée en musée vaut le détour. Ce deuxième dédia une sculpture au premier, présentée au musée Unterlinden (voir page suivante), et déploie une ambiance à la Tailleur de Gloucester de Béatrix Potter, à la Hansel et Gretel, avec des allures de boule à neige géante, de kouglof appétissant qui se voit parcouru par une petite rivière: la Lauch. L'ancien quartier des lavandières est traversé par ce cours d'eau long de 42 km qui se jette dans l'Ill à Colmar, dont la traduction locale en Allemand est le poireau puisqu'elle venait de la campagne et surtout du quartier des maraîchers qui le jouxte, et que ces derniers empruntaient la voie d'eau canalisée pour s'en aller vendre leur production au marché couvert un peu plus loin dans la cité. Dans cette partie de la ville appelée La petite Venise, aux airs d'ailleurs de Petite France Strasbourgeoise - mais en plus vaste et charmante encore-, ce quartier paisible (qui borde celui dit des millionnaires et qui regorgent lui de villas folie et Art nouveau), sur les berges d'un centre animé que la présence de l'eau calme, s'est arrimée une jolie maison traditionnelle du 16e siècle transformée en hôtel, Le Maréchal, voici 50 ans. Elle a des allures appétissantes de la maison de la sorcière dans le conte des frères Grimm, même si rien n'y est construit en pain d'épice. Ce qui fut une maison d'habitation à colombages flanquée d'écuries (qui accueille désormais six appartements de luxe), a été repensé en hôtel en 1972 par Gilbert Bomo. La cuisine qui se situe sur le site de l'ancien poulailler à côté, est devancée par un lavoir transformé aujourd'hui en salle de restaurant. Gilbert Bomo a réussi en préservant l'authenticité de guingois de la bâtisse, à glisser dans cet hôtel 30 chambres luxueuses: trois pourvues de lits à baldaquin, d'autres de lits capitonnés style Louis XV, 12 équipées d'un jacuzzi, et deux suites. L'hôtel actuel a su préserver ce charme de l'authenticité d'un quatre étoiles historique. Une authenticité que l'on peut observer lorsque l'on se penche par la fenêtre et que l'on voit en contrebas le paisible cours de la Lauch, dont l'eau translucide voient les chevesnes faire inlassablement des longueurs, sous l'oeil de canards barbotant. Sur l'autre berge, une constellation de maisons traditionnelles alsaciennes aux tuiles en demi-lunes dites en "queue de castor", sur lequel des chiens-assis vous regardent. Au confort moelleux et paisible jamais démenti des chambres parfois à baldaquin, la salle de bain oppose en contrepoint un luxe et une contemporanéité lumineuse dans le choix du mobilier. Un mélange harmonieux d'authenticité alsacienne et de luxe contemporain, chaque chambre étant dotée d'une personnalité qui lui est propre. La famille Bomo règne toujours sur cet univers de maison de poupées (le musée du jouet de Colmar n'est pas loin), aux plafonds peints de décors floraux, aux fenêtres où prolifèrent les géraniums, puissant répulsif de moustiques. Et c'est désormais Roland, le frère de Gilbert, et son fils Alexandre qui sont à la tête de l' établissement depuis 2000, lequel doit son nom au passage, dans ces murs qui étaient déjà à l'époque une auberge, du maréchal Turenne de retour de la bataille de Turckheim (le massacre de la population du village incita les Colmariens à se rendre sans coup férir à l'homme de main de Louis XIV). Lequel maréchal logea dans l'hôtel Zum Schwartzenberg, avant que celui-ci en devienne la demeure d'une grande famille colmarienne. Le cheval de bataille justement de cet établissement qui fait partie du réseau Authentic Hotels and Cruises et celui des maisons de caractère les Collectionneurs chapeauté par Alain Ducasse, est sans aucun doute, outre la chaleur jamais démentie de l'accueil, la table de son restaurant A L'Échevin. Le chef, Thierry Chefdeville présent depuis 25 ans, propose une cuisine locavore, saluée par le Michelin, qui se base sur les poissons des rivières vosgiennes, la fertilité de la plaine alsacienne (le chou, le cochon) avec un accent prononcé et donc alsacien, dérivant vers une cuisine biodynamique (ingrédients Démeter de producteurs bios locaux) respectant les cycles naturels. L'assiette, issue d'une carte renouvelée tous les mois, qui se veut de tradition locale, mais revisitée, est à la fois remarquablement présentée, goûteuse, alternant foie gras, poisson (le maigre notamment), filet de boeuf ou carré d'agneau, munster et sa confiture, et une finesse pâtissière exquise notamment en matière de chocolat, autre spécialité colmarienne à voir le nombre de chocolatiers présents en ville (en phase avec le côté Hansel et Gretel), héritée des périodes de bombance de Noël et Pâques. Sans compter que la carte des vins alsaciens (avec de grandes maisons comme Hugel ou Schlumberger), fait rapidement oublier la présence devant la table de restaurant du passage de... l'eau. Au milieu de cette bonbonnière, ce quatre étoiles apparaît en effet non pas comme une mignardise, mais une gourmandise avec, en effet, des allures de maison de pain d'épice. On peut sans craindre se "caserner" dans cette maison familiale, dotée d'une âme, décorée de prix, et bien que les médailles qu'il offre soient en délicieux chocolat, on peut s'engager résolument sous les ordres du Maréchal... sans craindre un quelconque retour de bâton.