Annus Horribilis

Chaque génération ou presque passe un mauvais quart d'heure. Les soixante-huitards, nés juste après la guerre de 40 et âgés aujourd'hui de 75 ans avaient bénéficié des Trente Glorieuses et de solides parachutes en matière de retraite. Mais ils ont été rattrapés par un virus qui frappe surtout les plus âgés. Nos jeunes générations insouciantes et dont on disait qu'elles avaient "le cul dans le beurre" voient leurs études perturbées et leur entrée sur le marché du travail mise à mal. En matière de pandémie, nous n'avions plus été frappés de la sorte en Europe depuis la grippe espagnole de 1918 qui fit, certes, bien plus de morts (50 millions dans le monde) mais à une époque où la médecine était aussi relativement impuissante. On peut donc qualifier sans se tromper 2020 "d'Annus Horribilis" en espérant que 2021, sur fond d'hésitation logistique en matière vaccinale, ne mérite, elle-aussi, ce qualificatif. Car il est certain que le premier semestre 2021 ne sera pas de tout repos. Peut-être, hélas, devrons-nous supporter encore un voire deux confinements avant d'atteindre l'immunité vaccinale de groupe aux alentours de l'automne 2021.

Confinement

Le confinement est une solution qui date du moyen âge. Depuis la nuit des temps des populations entières utilisent le confinement pour se barricader contre les épidémies. Sans cela, la peste aurait fait bien plus de ravages qu'elle n'en a fait. Nous y sommes revenus par manque de préparation de notre système de santé. Nos différentes phases de confinement ont été instaurées avec beaucoup d'hésitations de la part du gouvernement, essayant de tenir compte des différents facteurs économiques et sociaux et surtout des pressions économiques.

Ces compromis ont donné des mesures plus saugrenues les unes que les autres et inadaptées à la population en générale: comme pouvoir faire du Kayak mais sans sortir de sa zone, chose originale à Bruxelles...Un sport qui par ailleurs est pratiqué par très peu de personne et est de niche, comme le tennis d'ailleurs beaucoup moins prisé à Molenbeek. Des mesures moins drôles sont apparues également comme la fermeture de l'Horeca, des coiffeurs et aussi de lieux culturels, entrainant avec elles des suicides et des faillites malgré les aides insuffisantes de l'Etat. Enfin, on a assisté à des mesures parfois incohérentes: la réouverture des vols d'avions bondés et des magasins alors que le culturel, lui reste puni.

Covid

Ce nom est rentré dans notre langage courant depuis un an au moins et on ne le présente plus. Utilisé au masculin au début, il a eu sa version féminine par la suite. Mais finalement, doit-on utiliser le masculin ou le féminin ou peut-on dire les deux? Dans le courant du mois de mai, l'académie de la langue française a tranché pour le féminin. Mais pour quelle raison? Le mot Covid est en fait l'acronyme de corona virus disease, explique l'académie, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation. Le noyau étant desease, le mot est donc féminin. Mais pourquoi emploi-t-on souvent le masculin? L'académie explique qu'on a souvent parlé du coronavirus, et pour la même raison citée ultérieurement, le groupe est masculin puisqu'il s'agit d'un virus. Par la suite, par métonymie on a employé également le masculin pour Covid.

Un autre acronyme qui pose question c'est Sars-CoV-2 que l'on écrit parfois Sras-CoV-2. Sars-CoV-2 est en fait l'acronyme anglais de severe acute respiratory syndrome coronavirus 2. Il est parfois francisé donnant l'acronyme Sras-Cov-2 soit syndrome respiratoire aigu sévère. Mais le nom officiel est bien en anglais il est donc plus logique d'utiliser l'acronyme Sars-CoV-2.

Distanciation

Mot inconnu jusqu'en mars 2020, la distanciation est peu à peu entrée dans notre vocabulaire jusqu'à devenir une norme. Une norme que certains ont mieux intégré que d'autres. À la fois physique et sociale, elle permet évidemment de contenir la propagation du virus. L'occasion de revenir sur la terminologie "distanciation sociale": dérivé de l'anglais social distancing, elle s'est imposée dans la langue française lors de la pandémie. Le terme de "distanciation physique" est toutefois plus approprié pour éviter, justement, une rupture sociale et maintenir une bonne santé mentale. C'est d'ailleurs cette même distanciation qui est à l'origine de nos réunions, relations et autres apéros à distance, histoire de garder le contact avec le travail, la famille et les amis. Preuve que l'humain a des ressources et qu'il sait s'adapter à de nombreuses situations.

Équipement de protection individuel

Durant la première vague, la recherche de masques et de blouses de bonne qualité a mobilisé les soignants, les pharmaciens, les hôpitaux, les fédérations hospitalières, les autorités... On ne compte plus les rebondissements dans la saga belge des masques: destruction d'un stock de masques périmés, commandes de masques ne pouvant être lavés à la bonne température, mobilisation des couturières de bonne volonté pour fabriquer des EPI en tissu, désignation d'un ministre spécialement en charge de l'approvisionnement, limitation de la vente en pharmacie puis distribution via la grande distribution... Sans compter les tergiversations sur l'utilité ou non pour les citoyens de porter un masque dans les lieux publics. Le discours est passé de "c'est inutile" à "c'est obligatoire". En quelques mois, ce petit rectangle de protection est devenu le bouclier indispensable pour travailler et se déplacer. Vivement qu'on puisse s'en débarrasser.

Hydroxychloroquine

C'est peu dire que cette molécule, variante améliorée de la chloroquine, a déchiré la France en deux. En Belgique, comme à l'habitude, les débats furent plus modestes et moins paroxystiques.

C'est le professeur Didier Raoult, patron de Méditerranée Infection, qui a porté le schisme sur les Fonts baptismaux, affirmant assez précocement avoir trouvé un traitement efficace contre le Covid-19 dans un contexte où nous vivions dans la peur, bombardés d'informations contradictoires à propos d'un coronavirus dont on ne savait pas grand-chose.

La polémique a vite enflé, Didier Raoult devenant une sorte de coqueluche médiatique, entre les tenants de l'orthodoxie EBM qui entendaient attendre les résultats d'études en double aveugle tandis qu'on déplorait des milliers de morts par jour en Europe et, en face, des médecins de terrain sommés par leur serment d'Hippocrate de traiter leurs patients avec des bouts de ficelle.

A partir du moment où Donald Trump affirma prendre de l'HCQ en prophylaxie, le médicament devint un sujet plus politique que sanitaire. Raoult devint le "médecin des gilets jaunes", le docteur du peuple contre les élites parisiennes et le méchant ministre Olivier Véran. Le Lancet perdit son âme le temps de publier une enquête à charge de l'HCQ complètement bâclée. Ce type d'initiative, ajouté à la fermeture par Facebook du compte des 600.000 "pro-Raoult", a nourri le complotisme tout au long de 2020 avec en apogée, le "reportage" Hold-Up qui prétend que les puissants de ce monde ont tout manigancé depuis le début.

Impréparation

Aucun pays n'était prêt face à cette pandémie. La commission européenne a d'ailleurs mis en lumière les lacunes dans la préparation du système de santé de plusieurs pays dont la Belgique et la France ; une gestion catastrophique des masques, le manque d'équipement de protection de manière générale, le manque de personnels de soins de santé, et aussi de lits... Une gestion des soins de santé fort critiquée par le personnel soignant dans différents pays qui manquaient de tout... Mais cette pandémie aussi incroyable qu'elle est, était pourtant prévisible, explique Benjamin Coriat, économiste et professeur à la Sorbonne, dans une interview au Soir. Selon lui, catastrophes écologiques et sanitaires sont des "soeurs jumelles", nées d'un système économique fondé sur une folle destruction de la nature. Les zoonoses (infections et maladies qui se transmettent à partir d'animaux) se répandent à travers la planète depuis plus de 20 ans: sida, Mers, H1-N1, Ebola et selon, cet auteur, nous rentrons dans une nouvelle ère, l'anthropocène, dans laquelle crises sanitaires et dérèglements du monde feront partie de notre quotidien.

Plan d'urgence hospitalier

En général, un plan d'urgence hospitalier (PUH) est déployé pour quelques heures, voire quelques jours, par exemple lors des attentats de Bruxelles de 2016. A l'époque, il s'appelait encore Mash. Celui qui a été activé le 14 mars au matin l'est encore, malgré une relative accalmie durant l'été qui a permis aux hôpitaux de rouvrir davantage leurs portes aux patients non-Covid.

Mi-mars, les hôpitaux ont dû rapidement déprogrammer les hospitalisations, examens et consultations non-essentiels et se transformer pour pouvoir accueillir les nombreux patients Covid. Durant la première et la deuxième vague, ils ont dû jongler avec les différentes phases du PUH pour disposer du nombre suffisant de lits de soins intensifs et Covid, voire organiser, au plus fort de la crise, des travaux vers les hôpitaux moins surchargés.

Une enquête du jdM réalisée auprès des directeurs hospitaliers a révélé que grâce aux procédures mises en place lors de la première vague les hôpitaux se sentent davantage prêts pour faire face à une nouvelle pandémie. Une bonne nouvelle.

Télétravail

Depuis de nombreuses années, le télétravail était brandi comme recette miracle contre la congestion automobile de nos grandes villes. Il "suffit" en effet qu'un tiers des navetteurs travaillent à la maison pour fluidifier les rings de Bruxelles et d'Anvers.

Las, les employeurs (et aussi les syndicats), par peur de perdre le pouvoir, n'ont jamais été très friands du télétravail. Encore aujourd'hui, les patrons estiment en majorité qu'il diminue la productivité.

Mais lorsqu'une pandémie surgit, et qu'on n'a pas le choix, on change de paradigme: d'anecdotique, le télétravail devient obligatoire pour freiner les contaminations dans le cadre d'un confinement généralisé.

Et un peu comme les femmes pendant les deux Guerres mondiales réclamèrent l'égalité après avoir fait tourner la boutique en l'absence des hommes qui étaient à la guerre, on s'est rendu compte dans le secteur tertiaire qu'on pouvait (presque) tout faire à domicile et en vidéo-conférence.

Le télétravail ayant prouvé son utilité, il est vraisemblable qu'il entre dans les moeurs après la crise Covid mais sans convaincre complètement car les rapports humains en entreprise restent importants pour l'efficacité et pour la psyché.

Testing

Dépistage conviendrait aussi mais le mot anglais évoque davantage l'action cordonnée volontariste... sauf que dans la réalité belge ce dépistage a mis beaucoup de temps à se mettre sur pied. On ne reviendra pas ici, par manque de place, sur le nombre de tests promis par jour (jusqu'à 100.000) et le nombre de tests réellement réalisés. La valse des chiffres annoncé à l'époque par le ministre De Backer donne le tournis. La stratégie de dépistage a changé plusieurs fois en fonction de la disponibilité des produits, des opérateurs et de l'ampleur de la crise. La réglementation a dû être adaptée pour permettre, par exemple, l'utilisation des tests sérologiques.

La plateforme fédérale initiale a été remplacée par une plateforme bis, reposant sur huit consortiums. A un moment donné, les asymptomatiques n'ont plus pu être dépistés parce que les centres de dépistage étaient complètement débordés. Ensuite, ce dépistage a pu reprendre. Les médecins généralistes ont fait des efforts considérables pour suivre les consignes changeantes de Sciensano et répondre aux demandes des patients.

Tracing

Un anglicisme de plus pour qualifier une étape incontournable de la lutte contre la pandémie: le tracing. Ce suivi de contacts, en bon français, est né de la volonté de pouvoir suivre à la trace les personnes ayant eu un contact avec une autre personne atteinte du Covid-19. Il y a eu plusieurs écoles. L'école asiatique, en premier lieu, très efficace mais faisant fi, quelque part, des libertés individuelles de tout un chacun de ne pas communiquer ses données personnelles. Il y a également eu l'école européenne, ou occidentale, si l'on veut, qui mettait sur un piédestal cette liberté individuelle par rapport aux données privées, histoire d'obtenir l'adhésion d'une population plus réticente. Enfin, il y a eu le suivi de contacts papier, par téléphone et par application de la Belgique. Un brin attentiste, notre pays a toutefois eu le mérite de prendre le meilleur de ce qui était fait dans les pays voisins, pour une réussite qui est au rendez-vous si l'on en croit le nombre de téléchargements de l'App Coronalert qui dépasse les deux millions, soit le seuil d'adhésion qui lui permet d'être efficace.

Vaccins

La promesse d'un vaccin pour la fin de l'année a permis à la population mondiale de garder le cap en 2020. Et force est de constater que la promesse a été tenue puisque les premières vaccinations en Europe ont symboliquement débuté entre Noël et le Nouvel an. Il a fallu parcourir du chemin pour arriver à cette vaccination. D'abord pour dissiper les doutes, légitimes, par rapport aux vaccins à ARN messager et à vecteurs viraux. Ensuite pour convaincre, tout simplement, les dispensateurs de soins de se lancer dans cette campagne de vaccination. Si des questions subsistent (lire nos pages d'actualité), l'attention est maintenant portée sur l'adhésion de la population à cette campagne de vaccination. Cela se passe bien, pour le moment, en MR-MRS, puisque le ministre Vandenbroucke annonce un taux d'adhésion de 85% chez les résidents, ce qui est remarquable. Mais nul doute que les soignants feront tôt ou tard face aux hésitants, et ceux-là, il faudra les convaincre pour arriver, le plus tôt possible, à une immunité collective satisfaisante.

Chaque génération ou presque passe un mauvais quart d'heure. Les soixante-huitards, nés juste après la guerre de 40 et âgés aujourd'hui de 75 ans avaient bénéficié des Trente Glorieuses et de solides parachutes en matière de retraite. Mais ils ont été rattrapés par un virus qui frappe surtout les plus âgés. Nos jeunes générations insouciantes et dont on disait qu'elles avaient "le cul dans le beurre" voient leurs études perturbées et leur entrée sur le marché du travail mise à mal. En matière de pandémie, nous n'avions plus été frappés de la sorte en Europe depuis la grippe espagnole de 1918 qui fit, certes, bien plus de morts (50 millions dans le monde) mais à une époque où la médecine était aussi relativement impuissante. On peut donc qualifier sans se tromper 2020 "d'Annus Horribilis" en espérant que 2021, sur fond d'hésitation logistique en matière vaccinale, ne mérite, elle-aussi, ce qualificatif. Car il est certain que le premier semestre 2021 ne sera pas de tout repos. Peut-être, hélas, devrons-nous supporter encore un voire deux confinements avant d'atteindre l'immunité vaccinale de groupe aux alentours de l'automne 2021. Le confinement est une solution qui date du moyen âge. Depuis la nuit des temps des populations entières utilisent le confinement pour se barricader contre les épidémies. Sans cela, la peste aurait fait bien plus de ravages qu'elle n'en a fait. Nous y sommes revenus par manque de préparation de notre système de santé. Nos différentes phases de confinement ont été instaurées avec beaucoup d'hésitations de la part du gouvernement, essayant de tenir compte des différents facteurs économiques et sociaux et surtout des pressions économiques. Ces compromis ont donné des mesures plus saugrenues les unes que les autres et inadaptées à la population en générale: comme pouvoir faire du Kayak mais sans sortir de sa zone, chose originale à Bruxelles...Un sport qui par ailleurs est pratiqué par très peu de personne et est de niche, comme le tennis d'ailleurs beaucoup moins prisé à Molenbeek. Des mesures moins drôles sont apparues également comme la fermeture de l'Horeca, des coiffeurs et aussi de lieux culturels, entrainant avec elles des suicides et des faillites malgré les aides insuffisantes de l'Etat. Enfin, on a assisté à des mesures parfois incohérentes: la réouverture des vols d'avions bondés et des magasins alors que le culturel, lui reste puni. Ce nom est rentré dans notre langage courant depuis un an au moins et on ne le présente plus. Utilisé au masculin au début, il a eu sa version féminine par la suite. Mais finalement, doit-on utiliser le masculin ou le féminin ou peut-on dire les deux? Dans le courant du mois de mai, l'académie de la langue française a tranché pour le féminin. Mais pour quelle raison? Le mot Covid est en fait l'acronyme de corona virus disease, explique l'académie, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation. Le noyau étant desease, le mot est donc féminin. Mais pourquoi emploi-t-on souvent le masculin? L'académie explique qu'on a souvent parlé du coronavirus, et pour la même raison citée ultérieurement, le groupe est masculin puisqu'il s'agit d'un virus. Par la suite, par métonymie on a employé également le masculin pour Covid. Un autre acronyme qui pose question c'est Sars-CoV-2 que l'on écrit parfois Sras-CoV-2. Sars-CoV-2 est en fait l'acronyme anglais de severe acute respiratory syndrome coronavirus 2. Il est parfois francisé donnant l'acronyme Sras-Cov-2 soit syndrome respiratoire aigu sévère. Mais le nom officiel est bien en anglais il est donc plus logique d'utiliser l'acronyme Sars-CoV-2. Mot inconnu jusqu'en mars 2020, la distanciation est peu à peu entrée dans notre vocabulaire jusqu'à devenir une norme. Une norme que certains ont mieux intégré que d'autres. À la fois physique et sociale, elle permet évidemment de contenir la propagation du virus. L'occasion de revenir sur la terminologie "distanciation sociale": dérivé de l'anglais social distancing, elle s'est imposée dans la langue française lors de la pandémie. Le terme de "distanciation physique" est toutefois plus approprié pour éviter, justement, une rupture sociale et maintenir une bonne santé mentale. C'est d'ailleurs cette même distanciation qui est à l'origine de nos réunions, relations et autres apéros à distance, histoire de garder le contact avec le travail, la famille et les amis. Preuve que l'humain a des ressources et qu'il sait s'adapter à de nombreuses situations. Durant la première vague, la recherche de masques et de blouses de bonne qualité a mobilisé les soignants, les pharmaciens, les hôpitaux, les fédérations hospitalières, les autorités... On ne compte plus les rebondissements dans la saga belge des masques: destruction d'un stock de masques périmés, commandes de masques ne pouvant être lavés à la bonne température, mobilisation des couturières de bonne volonté pour fabriquer des EPI en tissu, désignation d'un ministre spécialement en charge de l'approvisionnement, limitation de la vente en pharmacie puis distribution via la grande distribution... Sans compter les tergiversations sur l'utilité ou non pour les citoyens de porter un masque dans les lieux publics. Le discours est passé de "c'est inutile" à "c'est obligatoire". En quelques mois, ce petit rectangle de protection est devenu le bouclier indispensable pour travailler et se déplacer. Vivement qu'on puisse s'en débarrasser. C'est peu dire que cette molécule, variante améliorée de la chloroquine, a déchiré la France en deux. En Belgique, comme à l'habitude, les débats furent plus modestes et moins paroxystiques. C'est le professeur Didier Raoult, patron de Méditerranée Infection, qui a porté le schisme sur les Fonts baptismaux, affirmant assez précocement avoir trouvé un traitement efficace contre le Covid-19 dans un contexte où nous vivions dans la peur, bombardés d'informations contradictoires à propos d'un coronavirus dont on ne savait pas grand-chose. La polémique a vite enflé, Didier Raoult devenant une sorte de coqueluche médiatique, entre les tenants de l'orthodoxie EBM qui entendaient attendre les résultats d'études en double aveugle tandis qu'on déplorait des milliers de morts par jour en Europe et, en face, des médecins de terrain sommés par leur serment d'Hippocrate de traiter leurs patients avec des bouts de ficelle. A partir du moment où Donald Trump affirma prendre de l'HCQ en prophylaxie, le médicament devint un sujet plus politique que sanitaire. Raoult devint le "médecin des gilets jaunes", le docteur du peuple contre les élites parisiennes et le méchant ministre Olivier Véran. Le Lancet perdit son âme le temps de publier une enquête à charge de l'HCQ complètement bâclée. Ce type d'initiative, ajouté à la fermeture par Facebook du compte des 600.000 "pro-Raoult", a nourri le complotisme tout au long de 2020 avec en apogée, le "reportage" Hold-Up qui prétend que les puissants de ce monde ont tout manigancé depuis le début. Aucun pays n'était prêt face à cette pandémie. La commission européenne a d'ailleurs mis en lumière les lacunes dans la préparation du système de santé de plusieurs pays dont la Belgique et la France ; une gestion catastrophique des masques, le manque d'équipement de protection de manière générale, le manque de personnels de soins de santé, et aussi de lits... Une gestion des soins de santé fort critiquée par le personnel soignant dans différents pays qui manquaient de tout... Mais cette pandémie aussi incroyable qu'elle est, était pourtant prévisible, explique Benjamin Coriat, économiste et professeur à la Sorbonne, dans une interview au Soir. Selon lui, catastrophes écologiques et sanitaires sont des "soeurs jumelles", nées d'un système économique fondé sur une folle destruction de la nature. Les zoonoses (infections et maladies qui se transmettent à partir d'animaux) se répandent à travers la planète depuis plus de 20 ans: sida, Mers, H1-N1, Ebola et selon, cet auteur, nous rentrons dans une nouvelle ère, l'anthropocène, dans laquelle crises sanitaires et dérèglements du monde feront partie de notre quotidien. En général, un plan d'urgence hospitalier (PUH) est déployé pour quelques heures, voire quelques jours, par exemple lors des attentats de Bruxelles de 2016. A l'époque, il s'appelait encore Mash. Celui qui a été activé le 14 mars au matin l'est encore, malgré une relative accalmie durant l'été qui a permis aux hôpitaux de rouvrir davantage leurs portes aux patients non-Covid. Mi-mars, les hôpitaux ont dû rapidement déprogrammer les hospitalisations, examens et consultations non-essentiels et se transformer pour pouvoir accueillir les nombreux patients Covid. Durant la première et la deuxième vague, ils ont dû jongler avec les différentes phases du PUH pour disposer du nombre suffisant de lits de soins intensifs et Covid, voire organiser, au plus fort de la crise, des travaux vers les hôpitaux moins surchargés. Une enquête du jdM réalisée auprès des directeurs hospitaliers a révélé que grâce aux procédures mises en place lors de la première vague les hôpitaux se sentent davantage prêts pour faire face à une nouvelle pandémie. Une bonne nouvelle. Depuis de nombreuses années, le télétravail était brandi comme recette miracle contre la congestion automobile de nos grandes villes. Il "suffit" en effet qu'un tiers des navetteurs travaillent à la maison pour fluidifier les rings de Bruxelles et d'Anvers. Las, les employeurs (et aussi les syndicats), par peur de perdre le pouvoir, n'ont jamais été très friands du télétravail. Encore aujourd'hui, les patrons estiment en majorité qu'il diminue la productivité. Mais lorsqu'une pandémie surgit, et qu'on n'a pas le choix, on change de paradigme: d'anecdotique, le télétravail devient obligatoire pour freiner les contaminations dans le cadre d'un confinement généralisé. Et un peu comme les femmes pendant les deux Guerres mondiales réclamèrent l'égalité après avoir fait tourner la boutique en l'absence des hommes qui étaient à la guerre, on s'est rendu compte dans le secteur tertiaire qu'on pouvait (presque) tout faire à domicile et en vidéo-conférence. Le télétravail ayant prouvé son utilité, il est vraisemblable qu'il entre dans les moeurs après la crise Covid mais sans convaincre complètement car les rapports humains en entreprise restent importants pour l'efficacité et pour la psyché. Dépistage conviendrait aussi mais le mot anglais évoque davantage l'action cordonnée volontariste... sauf que dans la réalité belge ce dépistage a mis beaucoup de temps à se mettre sur pied. On ne reviendra pas ici, par manque de place, sur le nombre de tests promis par jour (jusqu'à 100.000) et le nombre de tests réellement réalisés. La valse des chiffres annoncé à l'époque par le ministre De Backer donne le tournis. La stratégie de dépistage a changé plusieurs fois en fonction de la disponibilité des produits, des opérateurs et de l'ampleur de la crise. La réglementation a dû être adaptée pour permettre, par exemple, l'utilisation des tests sérologiques. La plateforme fédérale initiale a été remplacée par une plateforme bis, reposant sur huit consortiums. A un moment donné, les asymptomatiques n'ont plus pu être dépistés parce que les centres de dépistage étaient complètement débordés. Ensuite, ce dépistage a pu reprendre. Les médecins généralistes ont fait des efforts considérables pour suivre les consignes changeantes de Sciensano et répondre aux demandes des patients. Un anglicisme de plus pour qualifier une étape incontournable de la lutte contre la pandémie: le tracing. Ce suivi de contacts, en bon français, est né de la volonté de pouvoir suivre à la trace les personnes ayant eu un contact avec une autre personne atteinte du Covid-19. Il y a eu plusieurs écoles. L'école asiatique, en premier lieu, très efficace mais faisant fi, quelque part, des libertés individuelles de tout un chacun de ne pas communiquer ses données personnelles. Il y a également eu l'école européenne, ou occidentale, si l'on veut, qui mettait sur un piédestal cette liberté individuelle par rapport aux données privées, histoire d'obtenir l'adhésion d'une population plus réticente. Enfin, il y a eu le suivi de contacts papier, par téléphone et par application de la Belgique. Un brin attentiste, notre pays a toutefois eu le mérite de prendre le meilleur de ce qui était fait dans les pays voisins, pour une réussite qui est au rendez-vous si l'on en croit le nombre de téléchargements de l'App Coronalert qui dépasse les deux millions, soit le seuil d'adhésion qui lui permet d'être efficace. La promesse d'un vaccin pour la fin de l'année a permis à la population mondiale de garder le cap en 2020. Et force est de constater que la promesse a été tenue puisque les premières vaccinations en Europe ont symboliquement débuté entre Noël et le Nouvel an. Il a fallu parcourir du chemin pour arriver à cette vaccination. D'abord pour dissiper les doutes, légitimes, par rapport aux vaccins à ARN messager et à vecteurs viraux. Ensuite pour convaincre, tout simplement, les dispensateurs de soins de se lancer dans cette campagne de vaccination. Si des questions subsistent (lire nos pages d'actualité), l'attention est maintenant portée sur l'adhésion de la population à cette campagne de vaccination. Cela se passe bien, pour le moment, en MR-MRS, puisque le ministre Vandenbroucke annonce un taux d'adhésion de 85% chez les résidents, ce qui est remarquable. Mais nul doute que les soignants feront tôt ou tard face aux hésitants, et ceux-là, il faudra les convaincre pour arriver, le plus tôt possible, à une immunité collective satisfaisante.