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Les traitements antirétroviraux (ARV) avaient pour objectif initial de traiter et d'améliorer l'espérance et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. En éliminant les risques de transmission lorsque les personnes séropositives sont sous traitement et présentent une charge virale indétectable (= intransmissible) depuis au moins six mois, les ARV constituent aussi un moyen de prévention efficace, complétant l'offre déjà existante avec les outils de réduction des risques que sont le préservatif, le traitement postexposition (TPE), le dépistage et la PrEP. Plusieurs grandes études ont montré qu'au niveau individuel, la suppression virale sous traitement antirétroviral élimine le risque de transmission du VIH aux partenaires sexuels. Cependant, on dispose de bien moins de données démontrant son impact au niveau d'une population, en particulier dans les pays à revenus élevés. Lacune désormais comblée avec la publication de l'étude australienne Taipan [1] évaluant l'impact, sur une période de dix ans, de l'augmentation de la couverture par traitement antirétroviral et du recours à la PrEP sur la transmission du VIH. Cette étude constitue aussi la première analyse complète de l'efficacité du traitement antirétroviral comme outil de prévention chez les hommes gays et bisexuels. L'étude longitudinale a examiné les changements dans le statut VIH, le recours au traitement, la suppression virale et l'utilisation de la PrEP auprès de 101.772 hommes gays et bisexuels suivis dans les centres de référence VIH de 69 institutions hospitalières situées dans les deux plus importants États d'Australie, la Nouvelle-Galles du Sud et Victoria. L'analyse primaire a porté sur l'incidence du VIH chez les hommes qui se sont fait tester au moins deux fois au cours de la période de suivi, et qui étaient séronégatifs lors de leur premier test. Cette cohorte comprenait un total de 59.234 hommes, dont 1.201 ont été testés séropositifs au cours du suivi, soit une incidence globale de 0,4 cas pour 100 patients-année de suivi. L'incidence du VIH a diminué de 66% entre 2010 et 2019, passant de 0,64 à 0,22 cas pour 100 patients-année. Notons ici que la baisse était la plus importante au sein du groupe des hommes âgés de 30 à 39 ans (réduction de 88%). Parmi les hommes séronégatifs, le nombre d'utilisateurs de PrEP est passé de 17% en 2016 (année de son introduction) à 36% en 2019, lorsque 12.189 hommes prenaient la PrEP, soit un doublement du recours à cette nouvelle stratégie de prévention en l'espace de seulement trois ans. Le résultat le plus intéressant de cette vaste étude concerne l'impact de l'amélioration de la suppression virale sous traitement antirétroviral, conjuguée à la mise sous PrEP de patients séronégatifs sur la réduction de l'incidence du VIH durant la période 2010-2019. Ainsi, l'augmentation de 27% du nombre d'hommes gays et bisexuels prenant un traitement antirétroviral et dont la charge virale est indétectable s'est traduite par une diminution de 66% des infections par le VIH. Pour chaque augmentation de 1% de la prévalence de la suppression virale en dessous de 200 copies/ml, on constate une réduction de 6% de l'incidence du VIH. Notons enfin que le recours à la PrEP participe également à la baisse des infections VIH, puisque l'incidence du VIH était de 70% inférieure chez les hommes recourant à la PrEP par rapport aux non-utilisateurs de la PrEP. Au final, les résultats observés lors de cette étude suggèrent que, bien qu'efficace en soi, le traitement antirétroviral constitue aussi une arme de prévention solide qui offre l'opportunité de réduire très efficacement l'incidence du VIH lorsqu'il est combiné d'une part, à la PrEP et d'autre part, à un taux élevé de dépistage. D'autres données, plus proches de nous, viennent supporter ces données australiennes puisque récoltées au Royaume-Uni [2], où on estime à 669 le nombre de nouvelles infections au VIH chez les hommes pratiquant le sexe avec d'autres hommes (HSH) en 2021. Il y a une décennie, soit en 2011, ce chiffre était légèrement supérieur à 3.000. Les investigateurs de la présente étude estiment que cette baisse de 75% en dix ans se poursuivra si les mesures de prévention actuelles sont maintenues, de sorte que les nouveaux cas de VIH chez les HSH deviendront rares à l'aube de 2040. Pour essayer de déterminer la contribution des différentes mesures de prévention, le Dr Valentina Cambiano et ses équipes de l'University College de Londres, épaulées par l'Agence de sécurité sanitaire du Royaume-Uni, ont mis sur pied une étude de modélisation utilisant des scénarios contrefactuels. Ainsi ont-ils constaté que: - Si l'utilisation du préservatif chez les HSH n'avait jamais vraiment dépassé le niveau d'utilisation observé dans les années 80, le nombre annuel d'infections au VIH aurait plus que doublé ; - Si le nombre d'hommes effectuant un test de dépistage du VIH n'avait pas augmenté, même avec l'utilisation du préservatif et un pourcentage d'hommes séropositifs sous traitement antirétroviral et une utilisation de la PrEP aux niveaux actuels, il y aurait eu 80% d'infections en plus ; - Si les patients avaient continué à initier le traitement antirétroviral lorsque leur taux de CD4 était inférieur à 350, il y aurait eu 25% d'infections en plus ; - Enfin, et constat majeur, si la PrEP n'avait jamais été introduite, il y aurait eu deux fois plus d'infections en 2021 et ce, même avec les autres changements effectués. En conclusion de cette modélisation, il apparaît que si aucune de ces interventions de prévention de l'infection au VIH - préservatif, dépistage, initiation dès positivité de la PrEP - n'avait été introduite, il y aurait eu 7.646 nouvelles infections au VIH en 2021, soit près de onze fois plus que ce qui s'est effectivement produit. Les diverses mesures de prévention, PrEP en tête, constituent donc bien une arme fatale pour réduire drastiquement le nombre de nouvelles infections au VIH.