Philippe Devos, président de l'Absym, espère signer un accord médico-mut pour un an à la fin de cette année. Mais les trois syndicats proposent des options très différentes. Pour lui, les honoraires des médecins ne peuvent compenser le manque à gagner des hôpitaux pendant la pandémie. L'accréditation doit être distincte du volume d'activités. La téléconsultation doit être étendue. Les médecins en formation sont encore mal traités financièrement et socialement.
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Le journal du Médecin: Quels différends vous opposent aux autres syndicats? Dr Philippe Devos: Un exemple simple: il reste une énorme insécurité financière pour les médecins cette année. Aucun médecin n'a d'idée précise de ce qu'il va toucher des deux milliards d'indemnisation. L'AR est sorti. Mais les conseils médicaux attendent toujours. Certains médecins n'ont pas encore été payés de la 1ère vague. C'est une incertitude. On a des chirurgiens qui ont été mis à l'arrêt tout le mois de novembre sans être payés. Cette année nous craignons qu'en raison de cette insécurité, les hôpitaux feront pression sur les honoraires en 2021 pour équilibrer leurs comptes. Et au vu de cette insécurité, on ne pourra pas utiliser la masse d'index des honoraires pour de nouvelles initiatives. Nous plaidons pour une indexation linéaire des honoraires médicaux. On pourrait inscrire ces récupérations dans l'accord? Les autres années, on utilisait la masse d'index pour rééquilibrer des "injustices" dans la nomenclature ou pour financer de nouvelles initiatives. C'est toujours possible à l'avenir. Mais pour l'année 2020-2021, l'essentiel se concentrera sur la pandémie Covid. Certaines spécialités "plus riches que d'autres" en général se retrouvent, cette année, dans une situation où elles ont perdu beaucoup plus d'argent que les autres. Il va être difficile pour l'année prochaine de déterminer que telle ou telle spécialité est mieux nantie qu'une autre. Il n'est pas raisonnable de retirer l'index de l'un pour le mettre sur l'autre. Le Covid a amené à un raisonnement particulier sur la téléconsultation. Vous imaginez la graver dans le marbre? Bien sûr! La téléconsultation était une demande de l'Absym avant le Covid-19 et le coronavirus a montré notre côté visionnaire. A l'époque, nous étions les seuls à demander cette téléconsultation. Nous sommes rejoints maintenant par un grand nombre de personnes. L'offre a été proposée à la population belge, celle-ci est maintenant demandeuse. Il faut maintenant un budget. Les postes de garde nécessitent-ils une approche particulière? Oui et non. Toute l'activité de garde, les honoraires de permanence et la garde interne hospitalière et MG est sous-payée par rapport à la pénibilité associée à ces tâches. Il faut une vaste réflexion sur la révision de la nomenclature qui inclue ces rémunérations de la garde. Cela fait partie de la réforme de la nomenclature. Il faut accélérer cette réforme. Pour paraphraser Jacques de Toeuf, il ne faut pas "se précipiter" mais il faut selon moi "aller vite sans se précipiter". Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, en somme. Quelle autre thématique vous tient à coeur dans les négociations? Un autre vaste chantier c'est l'accréditation. Il faut rendre le système plus équitable en 2021 et terminer le travail. L'accréditation est aujourd'hui liée au volume d'actes prestés par les médecins. Alors que l'effort qu'ils doivent mener pour rester accrédités et restés au courant des nouvelles techniques médicales (nombre d'heures de formation continuée) est la même pour tous. Cela nous paraît logique que le système d'accréditation évolue pour donner un avantage identique à tous. Quelle approche a l'Absym concernant les médecins en formation, particulièrement sollicités pendant la pandémie? La reconnaissance à leur juste valeur des médecins en formation, est un de mes chevaux de bataille On sait qu'il y a un problème de dépassements d'heures. La rémunération horaire est exécrable. Je déplore aussi l'absence de couverture sociale en cas de maladie ou chômage en cas de mise en quarantaine de l'employeur. En commission paritaire, nous avons travaillé avec les syndicats à une rémunération financière de manière à régler définitivement ces problèmes. On espère que le ministre Vandenbroucke interviendra. Les plus important pour nous à brève échéance et qu'on attend du ministre VDB est de geler les prélèvements d'honoraires pour 2021 car après la crise Covid, il va y avoir une énorme pression sur les finances hospitalières. Et pour nous ce n'est pas à 20.000 médecins de couvrir la faillite hospitalière qui s'annonce mais aux 11,5 millions de Belges. La solidarité post-pandémique doit être nationale et non reposer sur 20.000 malheureux médecins. Au sujet du numerus clausus et de la capacité de formation des hôpitaux: est-ce qu'on en forme suffisamment pour les 10-15 ans à venir? L'Absym a longtemps été favorable au NC. Où en êtes-vous face aux indices de plus en plus clairs de pénurie? Pour avoir une qualité suffisante de la formation, il faut un encadrement de proximité. Il faut suffisamment de maîtres de stage. Suffisamment de patients aussi pour avoir une expérience. Il y a une logique à constater un emballement des nouvelles inscriptions (côté pile de la pièce) ; côté face, la pyramide des âges étant là, on constate effectivement que dans certaines spécialités, la demande de médecins n'est pas rencontrée. L'offre n'est pas adaptée à la demande. Il est difficile de définir l'offre. Que sera la médecine dans dix ans? Quelle sera la place de l'intelligence artificielle? Combien de médecins l'IA va remplacer? Combien de carrière à temps partiel? Prédire les cohortes avec un numérus fixus est complexe. La réflexion doit continuer. A l'Absym, nous sommes aujourd'hui plus ouverts. Faut-il un NC ou un examen d'entrée sans nombre fixé? La réflexion doit être poussée au sein de la Commission de planification...