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Amin Rajan naît en Ouganda dans une famille de confession ismaélienne. D'origine indienne, ses aïeux résidaient déjà en Afrique depuis trois générations. Suivant les conseils de l'Aga Khan, son grand-père fonde un magasin à Nairobi au Kenya. Lancés dans l'industrie, les Rajan créèrent une manufacture de café et deux usines, l'une de sacs de jute et l'autre de tôles ondulées. Une évolution industrielle stoppée net par Idi Amin Dada, dictateur paranoïaque de Kampala, qui décide de chasser les Asiatiques dans les années 70. Les biens familiaux sont confisqués et nationalisés. Alors qu'ils étudiaient jusque-là au Rwanda et au Congo, les enfants sont confiés à une famille belge à Bruxelles. Pas évident pour le jeune adolescent de quitter l'Afrique et l'appel de la brousse pour la rigueur occidentale. La situation empirant en Afrique, toute la famille se voit finalement obligée de se replier en Belgique, l'aventure africaine se terminant dans la souffrance. " Le fait d'avoir tant eu et tant perdu m'a fortement marqué et peutêtre sauvé ", nous confie-t-il. Toute la petite famille fera des études universitaires. De 1969 à 1976, il étudie la médecine à l'ULB. Il sort gastro-entérologue en 1981. Un parcours qui n'aurait peut-être pas été possible en dehors de la Belgique. Il se rappelle avec respect le Pr Delcourt qui, le premier, lui donna sa chance en lui disant que c'était au mérite qu'il serait reconnu et non pas, comme cela peut se passer ailleurs, au copinage. Très impliqué dans sa spécialité, il a mis au point, en 2006, un nouveau traitement endoscopique du reflux gastro-oesophagien (RGO) avec le Pr Guy-Bernard Cadière et une équipe de Seattle. Celui qui fut chef de service en gastro-entérologie pendant 17 ans à la Clinique du Parc Léopold est également très investi sur le vieux continent. Il participe en effet à l'école européenne de chirurgie laparos-copique. Un lieu où les meilleurs experts européens viennent enseigner à de nombreux stagiaires, médecins et chirurgiens. A ce jour et pour quelques mois encore, il exerce à Delta. Il consulte aussi en privé et dans un centre médical : la Digestive Parc Clinic.C'est par ses mots que le Dr Amin Rajan évoque sa passion pour l'écriture qui, de l'avis de sa femme, lui prend un peu trop de temps. Celui qui est né dans une famille pratiquant l'anglais et un dialecte indien estime avoir " un petit complexe avec le français ". De manière très tendre, il nous confie cependant que " loin du français, il ne saurait survivre " paraphrasant par là même l'auteur du Voyage au bout de la Nuit. Cette passion chronophage lui est arrivée de manière soudaine et surprenante en Thaïlande où il passait ses vacances en compagnie de son épouse. Un retard les bloque cinq heures dans un aéroport. Assis dans la salle d'attente, il prend son IPad et se met à écrire. Des heures durant, il rédige une histoire qui avait épaté le neurologue où il faisait un stage à l'époque. Il avait diagnostiqué un empoisonnement à l'arsenic, ce qui s'était révélé exact, à la surprise de tous. La réminiscence d'un souvenir et un premier pas dans l'écriture qu'il prolonge avec des éléments autobiographiques. Sa femme décide de montrer son travail à un ami qui l'illustre et elle le fait publier, en cachette, à compte d'auteur. D'abord 25 exemplaires, puis 100, puis 500....Le livre qui était mis en vente aux cafétérias du Chirec lui a valu des courriers de patients reconnaissants. Il se lance alors dans un second roman policier et envoie son manuscrit à quatre éditeurs dont deux lui répondent. Il décide de faire confiance au premier. Une aventure toujours en court actuellement et qui " me rend très malheureux ", nous avoue-t-il. Cet éditeur français fait appel à un correcteur orthographique informatique qui a truffé son livre de coquilles. Vous trouverez donc prochainement son ouvrage sous deux versions, celle remplie de fautes en France et celle sans faute en Belgique... Version qu'il publie lui-même et qui vient de sortir de presse. Dans son premier roman, le Dr Rajan décrit une secte semblable au mormonisme. Un médecin voit disparaître les femmes qui l'ont aimé. Au fur et à mesure de l'histoire, le lecteur constate que c'est le thérapeute qui est visé. Une critique philosophique envers le fait qu'être croyant devrait impliquer des actes d'amour et non de mort. Dans son deuxième roman, il aborde la partition de l'Inde et des deux Pakistans sur une base religieuse et évoque le rôle joué par les Anglais. Très Spinoziste, il revient sur " ces gens qui ne sont pas le reflet de leur identité ". Irrémédiablement, cet homme passionnant nous parle de son histoire et des grands bouleversements post colonialistes." Ce qui me vient facilement, je l'écris à la machine " nous informe-t-il lorsque nous l'interrogeons sur son modus operandi. Pour ce qui est sous-jacent au récit, c'est une relation physique avec le papier qui le fait avancer. " J'adore le contact de la plume sur le papier. Cela me donne l'impression de coucher des pensées profondes " De ses débuts réalisés sur le siège d'un aéroport, il a gardé l'habitude d'écrire partout. Il se rappelle d'un moment entre deux anesthésies : le brancardier ayant 15 minutes de retard et il s'est mis à écrire. Des moments plus tendus où son écriture est plus incisive, des " points névralgiques " comme il aime à les décrire. Entre l'idée et l'écriture, il constate également une évolution. " L'acte d'écrire permet de faire évoluer la pensée " nous dit-il. Au moment de le quitter, nous lui demandons ce que l'écriture a pu lui apporter. " L'écriture c'est ma séance de yoga. Bien entendu, ma femme, ma famille ainsi que la naissance de mes enfants et petits-enfants m'ont apporté beaucoup de joie et de bonheur. Mais ce yoga est important pour moi car il me fait du bien et on soigne bien les gens que lorsqu'on est bien soi-même. "