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Le journal du Médecin: Vous expliquiez, lors du symposium de la Plateforme de première ligne wallonne (PPLW) (lire jdM 2783 du 8 octobre 2024), que la Belgique n'avait pas de plan maladies rares, seulement un plan B peu adapté. Pourriez-vous expliquer? Albert Counet: Effectivement. Un plan maladies rares a été publié en grande pompe en 2014 suite à un travail préparatoire de la Fondation Roi Baudouin. Mais ce qui a été publié n'est pas un plan. C'est une liste de 20 mesures, intelligentes et bien pensées, mais ce sont des recommandations, pas un plan. Depuis lors, quelques mesures ont été prises, des discussions à la Chambre et des propositions de résolutions ont été formulées mais il n'y a pas de plan. Pour faire un plan, il faut partir de la base. Il faut d'abord se mettre d'accord sur un cadastre unique des maladies. Cela n'existe pas en Belgique. Chaque hôpital, chaque mutuelle, chaque assureur, chaque administration peut travailler à partir de la liste de son choix, et reconnaître ou ne pas reconnaître telle ou telle maladie. Une liste unique existe pourtant au niveau mondial (OMS). Il existe aussi la liste Orphanet, utilisée en France et dans d'autres pays européens. Cela permet à tout le monde de parler la même langue. Ensuite, à partir du cadastre des maladies, vous pouvez faire un registre quantitatif des malades, base nécessaire pour faire un plan complété, in fine, par un budget pluriannuel et un statut pour les malades. Est-ce que Frank Vandenbroucke est au courant de ce problème? Oui. J'ai cru comprendre que l'Inami travaille actuellement, à sa demande, à l'élaboration d'un plan maladies rares. Cela prendra le temps que cela prendra, mais je suis content que cela avance. On a une chance, une fenêtre d'opportunité qu'il ne faut pas rater. Vous mentionnez le plan interfédéral soins intégrés, lancé en 2023, comme un emplâtre sur une jambe de bois concernant les maladies rares. Pourquoi? C'est un plan positif, qui promeut la multidisciplinarité. Cela fait des années qu'on en parle et la mise en oeuvre a commencé. J'y ai participé en tant que mandataire de la Luss. Mais l'objectif est centré sur la prise en charge des malades chroniques ayant besoin de soins multidisciplinaires. L'idée de travailler par bassins de vie est bien adaptée à cette prise en charge, mais pas à la prise en charge de maladies rares. Si l'on prend le cas de Huntington, cela va concerner sept, huit patients en stade avancé sur 200.000 habitants. Qui aura les connaissances et les moyens nécessaires, dans ce bassin de vie, pour traiter ces patients? En 2023, l'Inami a lancé un projet pilote autour de quatre maladies (Parkinson, la SEP, la SLA et Huntington). En quoi consiste-t-il? Il s'agit d'un projet qui consiste à déléguer le rôle de case manager aux associations de patients. Vous remarquez qu'il ne s'agit pas que de maladies rares, mais d'un mix entre maladies chroniques (Parkinson, voire SEP) et rares (SLA, Huntington). Nous avons signé une convention qui porte sur trois ans. Nous sommes au milieu de la convention. Le travail consiste à essuyer les plâtres et à tester la faisabilité de déléguer la tâche de case manager aux associations de patients. Cela implique de beaucoup communiquer entre les associations participantes pour coordonner les actions et dégager des pistes communes. Le rôle du case manager est intéressant car personne, en dehors des aidants proches et des associations de patients, ne prend actuellement en charge cette fonction d'accueil des personnes, de leur famille, d'accompagnement tout au long de la maladie. Un case manager, ce n'est pas un soignant, c'est un accompagnateur de trajet de vie. Si le projet pilote aboutit, il ouvrira la porte à d'autres associations. Si cela ne fonctionne pas, il faudra tester d'autres pistes, pour définir des territoires de pertinence et garder un équilibre fonctionnel entre efficacité et efficience. Nous pourrions par exemple rassembler les maladies rares dans des ensembles cohérents, tels que les maladies neurodégénératives par exemple. Avez-vous un message à faire passer au corps médical? Oui: ils ne savent pas tout. Ce n'est pas une critique. Ils ne peuvent pas tout savoir. Il faut avoir l'humilité, devant un cas que l'on ne comprend pas, de se documenter, de fouiller dans les antécédents familiaux. Et oser dialoguer avec les associations représentatives des patients. Ils peuvent notamment référer aux fonctions maladies rares. Théoriquement, oui. Mais les centres de référence n'ont actuellement pas de liens entre eux, ou pas suffisamment. Il faudrait, idéalement, avoir une organisation en cercles concentriques au départ des Réseaux européens de référence maladies rares (ERN) avec des relais en Belgique, eux-mêmes connectés à des centres de référence régionaux et des centres de services locaux. La solution dépasse donc le cadre belge? Oui, même si l'approche doit être adaptée à la situation locale. Il faudrait une approche structurée, au niveau fédéral, qui s'inscrit, lorsque c'est utile, dans les réseaux internationaux. Mais la situation est complexe, avec le care dans les mains des régions et le cure au niveau fédéral. C'est la tuyauterie belge. Est-ce que les médecins vous connaissent suffisamment? Réfèrent-ils suffisamment aux associations? Oui et non. Je prends le cas de Huntington pour illustrer. Notre cible primaire, c'est le malade et sa famille. Viennent ensuite les hôpitaux conventionnés (qui sont deux en Belgique francophone). En troisième lieu vient la structure hospitalière qui n'a actuellement pas de référence Huntington, et ensuite la communauté soignante au sens large. Il faut trouver un moyen de mieux communiquer, dialoguer, échanger avec l'ensemble de la chaîne. Et pour cela nous devons être connus. Les associations de patients sont utiles. Il faut assurer leur pérennité. Cela fait 25 ans que nous subsistons grâce à une subvention facultative. Nous plaidons pour passer à un contrat pluriannuel en assumant les contraintes de la contractualisation. C'est actuellement un projet du ministre Yves Coppieters, et nous sommes prêts à nous y inscrire... Comme cela était déjà le cas du temps des deux précédentes législatures.