En Belgique, le cannabis reste la drogue la plus populaire, malgré l'arrivée de nouvelles substances psychoactives dont la présence et la consommation sont sans doute sous-estimées.
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Dans notre pays, sur le podium des substances illicites les plus consommées, le cannabis est suivi par l'ecstasy, la cocaïne et la kétamine et amphétamines. "Il est frappant de constater que le cannabis se distingue toujours des trois autres substances parce que la plupart des consommateurs (8/10) déclarent en prendre au moins une fois par semaine (vs un tiers, voire moins, pour les autres produits) et parce que la majorité (74%) a commencé à en consommer avant l'âge de 18 ans", a précisé Jérôme Antoine, de Sciensano, lors d'un webinaire organisé par Sciensano et Eurotox pour dresser le panorama des drogues en Belgique [1]. En 2023, il y a eu 14.000 nouveaux épisodes de traitement pour l'alcool et 16.500 pour une substance illicite. Sur 30.000 demandes de traitement, 45% concernent l'alcool, 14% le cannabis, 6% l'héroïne, 6% la cocaïne, 6% le crack... Avec des différences régionales: ainsi, à Bruxelles, le crack représente 17% des demandes et en Wallonie, le cannabis en concerne 57%. L'âge moyen des personnes traitées varie de 46 ans pour l'alcool à 26 ans pour la kétamine - celui du premier usage variant de 16 ans pour le cannabis à 23 ans pour le crack. Les femmes sont majoritairement traitées pour un usage problématique de l'alcool [2]. En 2023, moins de 1% des appels reçus au Centre antipoison concernait les drogues, soit un appel par jour, essentiellement pour usage de stimulants. Les services d'urgence ont été contactés pour 377 cas en 2022 (82,5% étaient des hommes): 43% pour la cocaïne et 23% pour les amphétamines. Chaque année, environ 200 décès sont liés aux drogues, soit 1,7 pour 100.000 habitants, 3,5 fois plus d'hommes que de femmes, et plus en Wallonie (2,1 pour 100.000) et à Bruxelles (2,2 pour 100.000) qu'en Flandre (1,3 pour 100.000). "Les nouvelles substances psychoactives (NSP) désignent l'ensemble des molécules qui sont apparues sur le marché des drogues pour contourner la législation, en proposant des produits sensiblement proches des drogues classiques sur le plan pharmacologique (effets...). Ce phénomène se développe depuis une quinzaine d'années, avec un vivier de plus de 950 molécules, le plus souvent synthétiques", a expliqué Michaël Hogge d'Eurotox, l'Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues. Actuellement, les saisies sont inférieures à celles des drogues classiques, mais les NSP sont surtout achetées en ligne. D'autre part, la consommation autorapportée de ce type de produit par la population générale et par les jeunes est peu importante, et nettement inférieure à celle des drogues classiques. Par conséquent, on estime que la présence et la consommation des NSP sont sous-estimées. "La faible percolation et circulation de ces nouvelles substances est due à l'absence de smartshops en Belgique, mais surtout à la disponibilité et à l'accessibilité abondantes des drogues illégales classiques", a-t-il ajouté. "Leur prévalence est un peu plus élevée chez les usagers de drogues et chez les personnes qui utilisent internet et les forums d'usagers. Si ces forums sont intéressants pour la prévention des risques, ils permettent par ailleurs de prendre connaissance des produits. Ainsi, l'usage régulier (mensuel) est plus élevé chez les "forumeurs" (10%) que chez les usagers de drogues (4%)."Quant aux motivations à consommer des NSP, elles sont variables en fonction du profil: psychonaute, usager aux moyens limités, usager récréatif, usager de médicaments psychotropes, usager sous mesures probatoires (les NSP ne sont pas détectables par screening salivaire et urinaire)... Il s'agit d'une des classes de NSP les plus abondantes, avec plus de 150 molécules différentes. "Elles augmentent la libération de noradrénaline, dopamine et sérotonine et inhibent la recapture de ces neurotransmetteurs", a indiqué Michaël Hogge. "Elles ont toujours une composante stimulante, mais elles peuvent aussi avoir des effets empathogènes/entactogènes et/ou hallucinogènes. Au-delà des effets recherchés assez similaires aux drogues récréatives classiques, ces molécules peuvent engendrer une série de complications somatiques (neurologiques, cardio-vasculaires, digestifs...) et psychiatriques (délire agité, épisode psychotique aigu, états comateux). Un usage chronique entraîne des troubles du sommeil. Des décès sont aussi rapportés (hyperthermie, HTA, AVC, infarctus, syndrome sérotoninergique).""En Belgique, les notifications (saisies et intoxications) sont en augmentation (surtout pour la flakka), plus en Flandre qu'en Wallonie et à Bruxelles. Mais cela reste anecdotique par rapport aux 30.000 demandes de traitement enregistrées annuellement. En général, ces intoxications sont souvent observées en cas de polyconsommation (parfois cinq à six molécules retrouvées lors de l'admission à l'hôpital)."Ils sont peu présents en Europe, mais des usagers de drogues peuvent prendre du fentanyl d'origine médicale. "En Belgique, le fentanyl se trouve sous forme d'ampoule utilisée en anesthésiologie et de patch transdermique. Leur présence est anecdotique dans notre pays, mais on n'est pas à l'abri, par exemple en cas de pénurie d'héroïne. Le susfentanyl se trouve aussi sous forme de comprimé sublingual en pharmacie hospitalière."K, spécial K, ket, kit kat, cheval... "En Belgique, la kétamine se trouve sous forme médicamenteuse et illégale", a-t-il poursuivi, "on parle alors de la 'kéta de rue' et d'analogues chimiques disponibles en ligne (pas toujours le même profil toxicologique, durée d'effet et dosage). Très disponible, la kéta s'est grandement répandue dans le milieu festif en Belgique. Au-delà de l'effet dissociatif, elle procure aussi un effet 'cotoneux' plaisant avec des doses relativement faibles, un effet stimulant qui modifie le rapport au monde et aux autres et amplifie les sensations."La kétamine a un profil relativement "safe" si on l'utilise de façon prudente, fait observer le spécialiste: "Son profil toxicologique est relativement bon avec une dose létale supérieure à 4 g pour une personne qui n'est pas tolérante au produit. Et elle a moins d'effets indésirables en usage aigu (contrairement à la MDMA, avec laquelle on est souvent déprimé les jours suivants). Cette augmentation d'usage en milieu festif a sa contrepartie dans les demandes de traitement qui sont en augmentation (même si elles sont relativement faibles par rapport aux drogues classiques)."Enfin, les effets indésirables de la kéta sont dose dépendants, avec une tolérance marquée en cas d'usage régulier. "On peut donc se retrouver à devoir consommer plusieurs grammes sur une journée. Ce qui n'est pas sans conséquence, ces personnes peuvent avoir des problèmes mnésiques, cognitifs et des signes évocateurs de prodromes de schizophrénie."Michaël Hogge conclut sur une "bonne nouvelle": "La forme médicale est de plus en plus utilisée en Belgique. D'après la littérature, il y a très peu de risque de mésusage et de dépendance si on se limite à ce qui est prescrit en usage médical. Le risque létal est surtout présent en cas de polyconsommation."