À l'occasion des journées BTMS, le Dr Nicolas Dubuisson, neurologue aux Cliniques Saint-Luc (UCLouvain) a évoqué une pathologie qui n'est pas rare: l'incidence des paralysies faciales périphériques (PFP), qui parait stable depuis au moins une quinzaine d'années, s'élève à environ 50 cas/100.000 personnes par an.
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Sur le plan anatomique, on rappellera que le nerf facial comprend deux racines: le nerf VII proprement dit (qui est moteur) et le nerf VII bis (nerf intermédiaire de Wrisberg, qui véhicule des informations sensorielles, sensitives, gustatives et sécrétoires). La partie inférieure de la face est exclusivement commandée par la partie controlatérale du cerveau, la partie supérieure l'étant par les deux hémisphères. Les atteintes périphériques versus centrales du nerf facial correspondent à des lésions au niveau du noyau du nerf facial versus en aval de ce dernier. La fonction motrice du nerf facial concerne les muscles peauciers de la face et du cou ainsi que le muscle stapédien de l'oreille moyenne. La fonction sécrétoire concerne les glandes lacrymales, muconasales et salivaires, tandis que la fonction sensitive recueille des informations de la peau de la conque de l'oreille. Enfin, la fonction gustative correspond aux papilles des deux tiers antérieurs de la langue. La précision du diagnostic commence par la détermination (évidente) du côté paralysé puis de l'origine centrale ou périphérique. Elle est périphérique lorsque tant la partie supérieure que la partie inférieure de la face sont touchées. En trois parties, l'examen clinique permettra de préciser s'il s'agit d'une paralysie périphérique " banale " ou s'il convient de réaliser un bilan complémentaire. La première partie de l'examen vise la branche motrice. La deuxième partie s'intéressera à la branche intermédiaire du nerf facial, et la troisième permettra de vérifier si d'autres nerfs crâniens ne sont pas touchés. ? Première partie. Le patient est examiné visage au repos, pour vérifier la présence ou l'absence d'une asymétrie dans cet état. On lui demande ensuite de hausser et froncer les sourcils, ainsi que de fermer les yeux contre résistance, pour explorer le nerf facial supérieur. En cas d'atteinte, la fermeture des paupières est incomplète, avec une bascule du globe oculaire vers le haut (signe de Bell) et un effacement des rides frontales. La sévérité de l'atteinte motrice peut être évaluée au moyen de l'échelle de House et Brackmann (grades I à VI). À noter qu'une hyperacousie douloureuse peut également être observée en cas d'atteinte du nerf facial supérieur. Quant au nerf facial inférieur, il sera exploré en demandant au patient de découvrir les dents ainsi que de gonfler les joues. à ce stade, il faudra se méfier des asymétries constitutionnelles ou acquises (par exemple à cause d'un dentier mal placé), et la comparaison avec une photographie antérieure peut s'avérer utile. ? Deuxième partie. Il est possible de vérifier la présence ou l'absence d'une symétrie des sécrétions lacrymales (test de Schirmer) et salivaires. Quant à la fonction gustative des deux tiers antérieurs de la langue, elle peut être testée par l'application de solutions sucrées, salées, acides et amères. Enfin, la sensibilité cutanée de la zone de Ramsay-Hunt (en gros, la zone centrale du pavillon de l'oreille) sera également vérifiée par le toucher. ? Troisième partie. Le nerf trijumeau (V) sera exploré par l'observation des muscles masticateurs (masséter, temporal, ptérygoïdien). Une altération fonctionnelle des muscles du pharynx et du voile du palais correspond à une atteinte des nerfs glossopharyngien (IX) et vague (X). Quant à la motricité linguale, elle est commandée par le nerf grand hypoglosse (XII). Comme évoqué plus haut, la paralysie faciale centrale prédomine sur la partie inférieure du visage. Les muscles frontaux sont donc épargnés, et cette forme centrale est souvent associée à un déficit moteur de l'hémicorps homolatéral. Dans les atteintes discrètes, on peut observer une dissociation automatico-volontaire: les mimiques automatiques paraissent globalement symétriques mais le sont moins lorsqu'il s'agit de mouvements volontaires, exécutés sur demande. Outre l'avis neurologique, la paralysie faciale centrale nécessite la réalisation d'une imagerie (CT-scan et/ou IRM) à la recherche de sa cause (le plus souvent un AVC, une sclérose en plaques ou une tumeur cérébrale). En présence d'une paralysie faciale périphérique, la littérature commande souvent de réaliser au cours du premier mois une IRM cérébrale avec injection de gadolinium pour mettre en évidence l'ensemble du trajet du nerf facial. Cet examen est indispensable en cas d'atteinte concomitante d'un autre nerf crânien, qui signe fréquemment la présence d'une atteinte du tronc cérébral. Un scanner des rochers sera prescrit dans un contexte traumatique (recherche d'une fracture), lorsqu'un écoulement auriculaire purulent est observé (mastoïdite, cholestéatome), ou pour préciser un envahissement par une métastase. Un scanner ou une IRM seront également utiles en cas de tuméfaction homolatérale, à la recherche d'une atteinte parotidienne (infection ou tumeur). Un autre examen à envisager est l'ENMG (électroneuromyographie), qui est à recommander dans les formes sévères d'emblée (principalement grades V et VI). Son intérêt est pronostique pour la récupération. La plus fréquente des paralysies faciales périphériques est la forme a frigore (70% des cas), qui est idiopathique - une réactivation du virus HSV1 est évoquée comme hypothèse expliquant cette neuropathie oedémateuse avec compression au niveau de la troisième portion intrapétreuse. Elle doit être considérée comme un diagnostic d'exclusion, en notant qu'environ 10% des cas d'apparence idiopathique sont en fait d'origine tumorale. Il convient également de remarquer qu'elle est plus fréquente chez la femme enceinte, et associée à une pré-éclampsie dans environ 30% des cas. Son tableau clinique est typique. Fréquemment précédée la veille par des douleurs rétroauriculaires, la paralysie survient souvent le matin au réveil ou après une exposition au froid. Elle peut être d'emblée maximale ou progresser en quelques heures. Une sensation d'engourdissement de la face est rapportée dans environ un tiers des cas, sans atteinte révélée par l'examen clinique. Le traitement de la paralysie a frigore repose sur une corticothérapie orale pendant sept à dix jours, à instaurer le plus précocement possible. L'ajout systématique de valaciclovir à raison de 3 x 1 g/j pendant cinq jours apporterait un bénéfice supplémentaire dans les formes sévères. Enfin, les complications oculaires seront évitées par la prescription de larmes artificielles et d'un pansement occlusif la nuit. L'évolution est favorable dans environ 90% des cas, avec un début de récupération entre J8 et J15. Quant au traitement des autres PFP, il consiste avant tout dans celui de la cause sous-jacente, comme une infection, une tumeur ou un traumatisme.