Marcel Bauval (GBO) s'est exprimé longuement sur la question en médico-mut. "Ces chiffres nous ont interpellé à la lecture de la note trimestrielle de l'Inami. Elle est intéressante car c'est la première fois qu'on constatait une reprise normale vis-à-vis de deux premiers trimestres (2020 amputé d'activités normales d'un demi-mois dès le 14 mars et 2021). Ce qui était interpellant fut la chute de consommation pour les prestations courantes de 10%, spécialistes comme MG. Pour les MG, il fallait décrypter un peu car l'Inami a repris les DMG au premier trimestre en 2021 alors que l'année précédente, ils étaient payés annuellement. Il faut neutraliser ce biais pour avoir une idée claire des dépenses en MG."
Cancer en "diminution"
Ceci a étonné le GBO. Bien qu'il y ait corrélations avec les remarques de santé publique au sujet notamment du cancer en nette "diminution", ainsi que les AVC, d'autres pathologies inévitables s'effondrent elles-aussi subitement. "On ne peut pas continuer à prôner une certaine restriction des soins si on veut éviter de mettre en péril la santé publique et notamment le dépistage et les soins pour les affections graves. Les médecins de terrain ont d'ailleurs constaté dans leur patientèle des cas qui ont mal tourné en raison des restrictions de soins qui ont été beaucoup trop loin. Et la chute de consommation va de pair avec celle du portefeuille des médecins même si la santé publique est prioritaire dans la réflexion."
Le Dr Bauval estime que le Dr Roel Van Giel (AADM, 3e syndicat flamando-flamand qui a trois sièges en médico-mut) a dérapé, malgré la sympathie qu'il inspire généralement. "Dire qu'on est revenu à une consommation 'normale' venant en fait d'une surconsommation (c'est son interprétation), me paraît exagéré. Car la chute du nombre de cancers n'est pas naturelle ; elle corrobore en réalité la chute de consommation."
Le représentant du GBO ne remet pas en question la véracité des chiffres. Mais ils sont trimestriels en terme comptable. Il y a donc un certain retard par rapport à la date des prestations. Il peut y avoir une certaine différence entre les deux... Mais les données se croisent.
Que dire de la baisse des visites et des consultations en MG? "Il reste une certaine crainte chez les patients à venir en consultation alors que c'est sur rendez-vous (la salle d'attente n'est pas comble) et le médecin porte un masque. Les patients craignent la perspective de réaliser un scanner ou un bilan dans un hôpital. Cette crainte est erronée. Il faut trouver un équilibre raisonnable. Le Covid n'a pas disparu mais la prudence ne doit pas virer en inconscience de ne pas aller se faire soigner. C'est le message que je transmets à mes patients: reprenez les habitudes, revenez vous faire contrôler en cabinet de médecine générale."
Moins de pontages cardiaques, cataractes et prothèses de hanche
Lors de la première vague de coronavirus, à peine la moitié (52%) des soins essentiels ont été administrés par rapport à 2019. Lors de la seconde vague la proportion est passée à 71%, selon le SPF Santé publique.
Pour les soins jugés non-essentiels, la chute a été de 95,4% durant la première vague et de 64% durant la seconde, à la lumière des factures des hôpitaux. Parmi les procédures essentielles, le retard dans les opérations de pontage cardiaque se distingue. À la fin de 2020, leur nombre était 15% en deçà de la normale qui est de 3.000 par an. Quant à la chirurgie non-essentielle, les reports ont été principalement observés pour les prothèses de hanche et les opérations de la cataracte. La situation en septembre de l'an dernier témoigne de la capacité des hôpitaux de rattraper 5 à 10% de ce retard, ce qui porte à 1,5 où 2 ans pour que celui-ci soit tout à fait résorbé.
2021 connaît une baisse des dépenses de santé
Les dépenses Inami au cours du premier trimestre de cette année ont été nettement inférieures à celles du premier trimestre de l'année dernière. Cela a suscité des inquiétudes, mais aussi des désaccords au sein de la Commission nationale médico-mutualiste.
Un mémo soumis à la médico-mut a présenté les dépenses liées aux honoraires des médecins pour le premier trimestre de 2021. La deuxième vague coronavirus ne s'était pas encore totalement dissipée - la troisième allait arriver. Pour presque tous les postes budgétaires des honoraires des médecins, on constate une contraction des dépenses durant cette période par rapport à 2020 - quand à la fin du premier trimestre, de nombreux soins étaient suspendus.
Les consultations des généralistes ont diminué de 11,6% entre janvier et mars 2021 par rapport à la même période en 2020, les visites ont diminué de 12,5%. Les consultations auprès des médecins urgentistes ont diminué de 25,7%. La chirurgie générale a été réduite de 15,9% - pour ne citer que quelques exemples. Ceci a suscité l'étonnement notamment du GBO (lire par ailleurs).
Report ou correction?
"Il est clair que moins de soins ont été prodigués. À la médico-mut, il semble que l'on s'inquiète de ce que cela pourrait signifier à long terme", explique le Dr Thomas Gevaert (Cartel/ASGB). "Vous allez en voir les conséquences, par exemple en termes de cancer."
Le Dr Roel Van Giel (AADM) s'attend à une correction dès le prochain trimestre. "Mais est-ce que ce sont tous des soins différés? J'ai des doutes quant à cette interprétation. Il y a à la fois une surutilisation et une sous-utilisation dans les soins de santé." En d'autres termes, tous les soins n'auraient pas été nécessaires pour l'iconoclaste représentant de l'AADM.
Une position qui a déplu au Dr Marc Moens, vice-président de l'Absym. "C'est déjà la deuxième fois que le docteur Van Giel déclare cela à la Commission - il est évident qu'il le pense. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que les soins soient plus ciblés. Mais utiliser ces chiffres inquiétants pour soulever la question de la surconsommation est déplacé."
La santé publique est en danger, estime le Dr Moens. "Le gouvernement, les mutuelles, tout le monde doit informer les gens qu'ils ne peuvent pas sous-estimer les plaintes des patients. Si vous avez une douleur dans la poitrine, vous devez consulter un médecin immédiatement."
Honoraires médicaux: des leçons à tirer
En parallèle, pour l'heure, aucun enseignement n'a été tiré quant à la diminution des honoraires médicaux au premier trimestre de cette année. Mais à l'avenir, il faudra trouver des réponses. Cela devrait se faire, par exemple, dans le groupe de travail qui réforme la nomenclature, pense Marc Moens. Mais avant tout pour le budget 2022, qui est en cours d'élaboration. Ce budget est une première: ce sera le premier budget pluriannuel élaboré dans le cadre des objectifs de santé, avec une dimension transversale. Ce nouveau format du budget fait l'objet d'un travail intensif - y compris des réunions ad hoc entre les syndicats de médecins et les mutuelles dont le résultat est attendu le 27 septembre.
La Commission nationale médico-mutualiste s'est également penchée sur d'autres aspects. Le montant de la rémunération des maîtres de stage en 2021 a été recalculé. L'accord médecins-hôpitaux réserve 10 millions d'euros du budget disponible à cette fin pour l'accord conclu par la Commission paritaire nationale médecins-hôpitaux en mai pour les assistants. Les maîtres de stage renoncent à 18,3% de leur rémunération, qui s'élèvera à 594,16 euros au lieu de 727,24 euros par stagiaire. En second lieu, un groupe d'utilisateurs doit accompagner le projet "Vidis" de l'Inami. Vidis veut intégrer les processus entourant la prescription, la livraison et l'utilisation des médicaments à partir d'un schéma médicamenteux central. Les syndicats de médecins ont chacun un représentant néerlandophone et francophone au sein du groupe. Enfin, l'Inami met la dernière main au texte juridique concernant la réglementation des honoraires des médecins en raison de leur participation dans la phase initiale, l'année dernière, des centres de triage Covid-19. L'objectif est que les médecins généralistes soient remboursés sur une base forfaitaire avec un effet rétroactif.