"La majorité des psychothérapies profitent aux patients dans le laps de temps d'une année et patients comme psychothérapeutes savent assez bien quand un traitement doit prendre fin", a expliqué le psychanalyste suisse Jean-Nicolas Despland lors de sa conférence "Psychothérapies brèves chez les adolescents et les jeunes adultes" à l'Huderf (Bruxelles)(1).
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Combien de temps doit durer une psychothérapie (cognitivocomportementale, systémique ou psychanalytique)? " L'efficacité des psychothérapies est bien établie à l'aide d'études randomisées contrôlées. L'amplitude d'effet est très élevée parce qu'elles font partie des traitements les plus efficaces dans le champ de la médecine, comme le démontrent les méta-analyses et il n'y a pas de différences entre les écoles en terme d'efficacité", précise le Pr Jean-Nicolas Despland, psychanalyste (CHU vaudois). " Ce qui est très intéressant, et en même temps regrettable, c'est que les psychothérapies procèdent différemment et que cet absence de lien entre la manière de travailler et le résultat pose question. Qu'est-ce qui est efficace dans la psychothérapie? À Lausanne, nous avons mis en place des séminaires interaxes (TCC-systémique-psychanalytique) qui donnent la possibilité de goûter aux spécificités de chaque école. En termes de formulation de cas, il n'y a pas de différences, par contre, la forme conversationnelle est très différente. C'est une richesse à préserver. Enfin, la temporalité du traitement est très variable (durée et fréquence des séances, et durée des traitements)." " Kenneth Howard (psychothérapeute américain, ndlr) (2) a montré qu'une majorité de patients n'a pas besoin de beaucoup de séances pour aller rapidement mieux mais que 20-25% ont besoin de traitements plus longs. Après huit séances en moyenne, quelle que soit l'école, 55% sont améliorés, dans une phase qualifiée de 'remoralisation', il s'agit d'un effet non spécifique de la psychothérapie: le fait de se savoir écouté et pris en charge explique l'amélioration rapide. à 26 séances, 75% vont mieux, dans une phase qualifiée de 'remédiation' (amélioration symptomatique). Howard appelle la troisième phase 'réhabilitation', je préfère parler de phase de 'traitement de fond' ou curative, qui travaille sur le fonctionnement des patients", indique Jean-Nicolas Despland. Ces courbes d'amélioration ont été validées sur des cohortes de milliers de patients: " Après six séances, 50% vont mieux mais, si on considère l'aspect curatif (recouvrer un fonctionnement normal), pour atteindre 50% de guéris, il faut minimum 20 séances. Et ceci diffère selon le type de pathologie: pour les troubles aigus, les patients vont rapidement mieux, pour les troubles chroniques, il faut plus temps, et pour les troubles de la personnalité, il faut des années (3-5 ans). à patient égal, gravité égale, diagnostic égal, aucune psychothérapie ne va plus vite qu'une autre." Pour Kenneth Howard, à chaque séance, en moyenne, le patient s'améliore de la même manière. " Des travaux ont ensuite remis ce modèle dose/effet en question: selon le modèle 'Good enough level' (nombre de séances suffisant pour chaque patient), l'amélioration après trois séances n'est pas la même selon la durée de la psychothérapie, l'évolution du patient s'adapte au nombre de séances qu'on lui donne", explique le psychanalyste(3). " Donner un certain nombre de séances à un patient lui permet d'optimiser la vitesse à laquelle il évolue, mais il faut fixer ce nombre en fonction de la gravité du trouble. Si vous donnez trop de séances à trop de patients, certains ont des séances dont ils ne profitent pas et si vous en donnez trop peu, trop peu de patients répondront. Le problème c'est qu'on ne dispose d'aucun indicateur clinique pour savoir à l'avance le nombre de séances requis pour un patient donné, avec une pathologie donnée. Les évaluations structurées régulières sont probablement extrêmement utiles, quel que soit le type de psychothérapie, pour savoir la durée dont doit profiter le patient." " En Suisse, quand on propose une psychothérapie, les assureurs sont toujours inquiets du coût", fait observer Jean-Nicolas Despland. En 2008, le Rapport Evaluanda a analysé 562 psychothérapies et a montré que, dans la pratique de cabinet, 84% des patients bénéficiaient de moins de 40 séances, 13% avaient besoin de 41 à 60 séances et 3% de plus de 60 séances. " Cette étude a été très utile pour lever les contrôles obsessionnels exigés par la Confédération et les assureurs en leur démontrant qu'il n'y avait pas d'abus dans le domaine des psychothérapies, que la majorité d'entre elles profitaient aux patients dans le laps de temps de 1 année et qu'il ne servait donc à rien de faire des contrôles lourds après un, deux ou trois ans. Patients comme thérapeutes savent assez bien à quel moment on peut terminer une psychothérapie." Le Pr Despland a réalisé une étude en Suisse romande pour étudier les pratiques des psychanalystes, " souvent suspectés de faire des traitements inutilement longs"(4). Elle a porté sur la durée de 2.406 psychothérapies psychanalytiques: 55% durent moins d'un an, 39% de un à trois ans et 6% plus de trois ans . "Donc même chez ceux qui prennent en charge des patients qui ont besoin de traitements longs, par exemple des troubles de la personnalité, des dépressions chroniques, il n'y a pas de tendance à faire durer les traitements plus que nécessaire", estime-t-il. Enfin, troisième élément tiré de la recherche: les psychothérapies ont des effets pendant le traitement, mais elles donnent au patient des compétences et des aptitudes dont il va continuer à bénéficier après celui-ci: " Souvent les effets thérapeutiques après le traitement sont supérieurs à ceux pendant le traitement. Cet effet retardé ou 'sleeper effect' est bien démontré pour les thérapies systémiques, cognitivocomportementales et psychanalytiques." Ainsi, il est établi que les psychothérapies profitent rapidement à beaucoup de patients, mais que l'évolution de ces derniers s'adapte à la durée du traitement. " Malheureusement, actuellement, on ne sait pas comment ajuster a priori la durée du traitement aux patients...", regrette Jean-Nicolas Despland.