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Dans les années '80, l'UZ Leuven et l'UZ Gent ont chacun mis en place leur propre équipe palliative au sein du service d'Oncologie pédiatrique. Ces équipes se sont assez rapidement concentrées sur l'accompagnement à domicile parce que l'expérience a montré que le milieu familial est le meilleur cadre pour la prise en charge de l'enfant en soins palliatifs. C'est ainsi que la Belgique a joué un rôle de pionnier dans ce domaine. "Si l'enfant préfère être soigné à l'hôpital, nous sommes ouverts à cette possibilité", déclare le Dr Joris Verlooy (service d'Oncologie pédiatrique, UZA). "Mais la plupart du temps, l'enfant choisit d'être soigné à la maison. Lors de l'entretien palliatif avec les parents, j'insiste alors toujours sur l'importance de consultations de suivi régulières à l'hôpital, même si les soins sont principalement prodigués à domicile et ce, afin d'éviter que la famille ne se sente abandonnée, ou qu'elle ait l'impression que nous abandonnons l'enfant. Il faut garder à l'esprit que le médecin généraliste est souvent peu familier avec un enfant qui a reçu un traitement intensif pendant une partie relativement importante de sa courte vie. Il lui est donc parfois difficile de reprendre le fil, justement au moment où l'état du jeune patient commence à se dégrader. Ce qui n'empêche bien sûr pas que la collaboration avec le médecin généraliste est systématiquement poursuivie."Les susdites équipes de soins palliatifs à domicile sont composées d'infirmiers hospitaliers attachés à des hôpitaux tertiaires, qui interviennent en tant qu'équipes de liaison pour soutenir les soins de première ligne. Elles offrent un soutien aux médecins généralistes, à l'infirmier à domicile, au kiné à domicile et elles sont disponibles 24h/24 et 7j/ 7. "Les équipes palliatives à domicile facilitent les soins, mais ne les administrent pas elles-mêmes", souligne le Dr Verlooy. "Elles fournissent des explications sur les aspects pratiques des soins, tels que l'administration des médicaments. Elles connaissent également bien les aspects sociaux et peuvent aider à obtenir un lit d'hôpital ou d'autres aides qui seront utilisées à domicile. Elles sont relativement directives, étant conscientes que l'administration de soins palliatifs à un enfant est un événement rare pour les prestataires de soins de première ligne."Les interventions domiciliaires des équipes de liaison ne concernent pas seulement les soins palliatifs, mais aussi les soins aux enfants malades chroniques. Elles disposent dès lors d'une base de données d'infirmiers à domicile expérimentés dans les soins chroniques et/ou les soins palliatifs. Si l'enfant a déjà reçu des soins curatifs d'un infirmier à domicile, l'équipe de liaison contacte celui-ci pour vérifier s'il est en mesure d'administrer également des soins palliatifs. Si ce n'est pas le cas, la base de données oriente la famille vers une équipe de soins à domicile disponible. "Il en va de même pour le médecin généraliste", ajoute le Dr Verlooy. "Si nous concluons avec les parents et l'enfant que les soins palliatifs à domicile sont la meilleure option, j'appelle le médecin généraliste pour lui demander s'il pense pouvoir fournir ces soins. En effet, des soins palliatifs chez un enfant demandent un peu plus d'efforts et de disponibilité que chez l'adulte. Si le médecin généraliste ne se sent pas à la hauteur, nous cherchons ensemble un collègue ou un groupe de collègues qui pourra le remplacer. Ce type de remplacement se produit rarement, mais cela arrive néanmoins. Il n'y a rien de mal à cela, d'ailleurs. C'est justement rassurant de constater que les médecins ont une vision réaliste de leurs disponibilités et préfèrent prendre du recul s'ils estiment qu'une tâche est trop lourde pour eux."L'équipe de liaison comprend également un psychologue, afin d'accompagner les parents dans le processus d'acceptation et de les aider à prendre des décisions pour l'enfant, ainsi que de préserver leurs contacts sociaux. En effet, les parents d'un enfant en soins palliatifs se retrouvent souvent dans une forme d'isolement: leur entourage n'ose pas leur parler de la situation. "Comme l'image de la mort s'est beaucoup éloignée de notre regard - les défunts ne sont plus gardés à domicile, par exemple -, les gens parlent moins facilement de la fin de vie", souligne le Dr Verlooy. "Et si le patient palliatif est un enfant, les gens sont encore plus mal à l'aise avec les parents. Le psychologue de l'équipe de liaison peut apporter son aide en expliquant aux parents comment ils peuvent faire participer l'entourage aux conversations dont ils ont réellement besoin."Selon les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, les soins palliatifs doivent être initiés en même temps que les soins curatifs (c'est-à-dire dès le diagnostic), peu importe dans quelle mesure le pronostic du patient est favorable ou non, et ce tant chez l'adulte que chez l'enfant. "Cependant, les médecins qui traitent des patients atteints de maladies potentiellement mortelles ont du mal à utiliser le terme 'soins palliatifs' dès le diagnostic dans le dialogue avec les patients ou leurs aidants proches", estime le Dr Verlooy. "Cela vaut également pour moi: je parlerai plutôt de soins de confort. Tout ceci est fortement lié aux définitions. L'Organisation mondiale de la santé définit les soins palliatifs comme l'ensemble des mesures visant à améliorer la qualité de vie des patients atteints d'une maladie potentiellement mortelle et de leurs proches. De ce point de vue, le traitement de la douleur relève des soins palliatifs, même s'il est administré au début du parcours curatif."Dans le langage courant, les soins palliatifs sont toutefois devenus synonymes de soins appliqués lorsque l'on sort du curatif et que l'on aborde la fin de vie. N'est-il pas alors plus rassurant pour les patients ou les parents d'un enfant malade de parler simplement de soins de confort lorsqu'on administre un antalgique ou un antiémétique au stade curatif du traitement? Le Dr Verlooy nuance: "Avec les traitements modernes, de plus en plus de patients se trouvent dans une situation où la séparation entre le curatif et le palliatif est moins marquée. En effet, nous pouvons actuellement contrôler certaines maladies, par exemple à l'aide de thérapies ciblées, sans pour autant les guérir. Avec le temps, l'effet du traitement peut diminuer, ce qui pousse progressivement à augmenter les mesures palliatives. Par ailleurs, les soins palliatifs signifient également qu'en tant que médecin, dans le cadre du dialogue avec les parents, vous n'essayez pas nécessairement de repousser l'idée d'une issue défavorable. Il ne faut pas continuer à alimenter les craintes des parents, mais il ne faut pas non plus nier que l'évolution de la maladie peut aller dans le mauvais sens"."Il est tout aussi important d'évoquer une évolution défavorable avec l'enfant et d'évaluer dans un premier temps dans quelle mesure il est informé de son état. En tant qu'oncologues pédiatriques, nous savons que les enfants dont le pronostic est défavorable se rendent souvent compte que les perspectives ne sont pas réjouissantes. L'équipe de liaison a pour mission de vérifier si l'on en parle ouvertement au sein de la famille. Si ce n'est pas le cas, l'enfant peut évoluer vers un état de solitude, même s'il est constamment entouré. Plus la situation est envisagée avec l'enfant, plus il se sentira impliqué, et moins il sera anxieux et stressé dans cette dernière phase de sa vie. Le stress et l'anxiété ne pourront jamais être totalement évités chez l'enfant, mais on peut au moins combattre ces sentiments. Le dialogue s'attache en même temps à dissiper les malentendus. En effet, on a constaté que les enfants malades s'inquiètent parfois de quelque chose sur la base d'une mauvaise compréhension de ce qu'a dit un adulte."La planification anticipée des soins est un concept également utilisé dans les soins palliatifs pédiatriques. "Mais jusqu'à présent, nous l'avons trop souvent mis en oeuvre par le seul biais d'un dialogue avec les parents", fait remarquer le Dr Verlooy. "Cela change depuis quelques années: l'équipe de liaison interroge l'enfant sur ses souhaits de manière structurée, du moins s'il en a la maturité mentale. Par exemple, un enfant peut aimer sortir tous les jours avec son fauteuil roulant, même si le déplacement s'accompagne de douleur, tandis que ces promenades ne sont pas nécessaires pour un autre enfant. Un enfant peut également indiquer qu'il ne veut pas être nourri par sonde. Comme pour les adultes, la planification anticipée des soins chez les enfants est un processus dynamique: les souhaits de l'enfant peuvent changer en l'espace de quelques semaines.""Pour les parents, il n'est pas toujours facile de dire à la place de leur enfant que telle ou telle chose n'est plus nécessaire, car cela revient pour eux à renoncer à une partie de l'enfant. C'est pourquoi il est parfois important, en tant que soignant, d'être le porte-parole de l'enfant auprès des parents."Enfin, le Dr Verlooy rappelle l'existence de maisons de répit, où l'enfant peut rester un certain temps pour que les parents puissent se reposer. Une autre formule consiste à accueillir toute la famille dans la maison de répit, où l'équipe prête main-forte aux parents. Limerick à Pulderbos fonctionne selon le premier concept, Villa Rozerood à La Panne selon le second.