Le Liban est meurtri par l'explosion catastrophique qui a eu lieu dans le port de Beyrouth mardi dernier. On parle d'au moins 100 morts et 300.000 sans logis. Le Dr Alexandre Nehme, directeur médical de l'Hôpital Saint-George, situé à quelque 900 m du lieu de l'explosion à vol d'oiseau a répondu, en exclusivité, aux questions du journal du Médecin.
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Le centre médical universitaire de l'hôpital Saint George, également connu sous le nom d'hôpital Al Roum, est le plus ancien hôpital libanais fondé en 1878 et l'un des trois principaux centres médicaux libanais, situé à Rmeil, Beyrouth. Le jdM : Tout d'abord, est-ce que les bâtiments eux-mêmes sont endommagés par la déflagration ? Dr Alexandre Nehme : Oui. Tout le bâtiment est endommagé du point de vue fenêtres, portes, système incendie, électricité. Seul le béton reste. Comment faites-vous pour traiter les patients dans ces conditions ? On est arrêté. On n'a plus de patients. On a dû évacuer nos 160 patients et l'opération est arrêtée. Nous sommes dans une procédure de plan catastrophe visant à récupérer ce qui est récupérable. Le but est de redémarrer par étape dans les semaines qui viennent. Vous n'avez pas de plan B, un autre bâtiment où opérer ? Pour l'instant, non. On est en repérage actuellement pour travailler dans d'autres bâtiments ? On est en train de réparer petit à petit. Des patients dans l'hôpital ont-ils été blessés ou sont-ils morts à cause de la déflagration ? On a perdu 11 patients, 2 visiteurs et 4 infirmières ! On dénombre 120 à 130 blessés légers ou graves ayant requis des chirurgies parmi le personnel médical et infirmier. Votre hôpital est situé tout près du port ? On est à 800-900 mètre à vol d'oiseau par rapport à l'épicentre de l'explosion. Vous êtes donc aux premières loges.Cela a été une surprise totale... J'imagine que vous déplorez des traumatismes psychologiques également ? Le personnel et les patients sont sous le choc ? Enormément de traumatismes psychologiques. D'ailleurs, la seule clinique qu'on a réouverte, c'est précisément celle du soutien psychologique pour tous les employés et les gens de proximité. C'est une initiative privée du département de psychiatrie. Combien avez-vous de lits en temps normal?400 lits. Combien de médecins ? 150 et 300 internes et résidents. Pour l'organisation, certains médecins sont au " chômage technique " ? Oui, bien sûr. Ils attendent qu'on réouvre à nouveau. C'est un hôpital général avec à peu près toutes les spécialités ? Oui. Nous avons toutes les spécialités habituelles. C'est un des hôpitaux de pointe du Liban et de tout le Levant. C'est un hôpital hyper-moderne. C'est donc une perte énorme pour la ville de Beyrouth... C'est une perte énorme non seulement pour la capitale, pour tout le Liban et toute la région. D'autant plus que ça diminue le potentiel de réponse sanitaire du pays face à la catastrophe. En outre nous vivons l'épidémie Covid également comme le monde entier. Combien vous faudra-t-il pour reconstruire l'hôpital aux standards d'avant la catastrophe ? Plusieurs dizaines de millions d'euros. Le budget de la Santé publique libanaise ne sera pas suffisant ? Je ne le pense pas. Je ne crois pas qu'on recevra un budget substantiel pour rebâtir. On devra compter sur l'aide internationale et des fonds privés. La philanthropie. Emmanuel Macron a rendu visite aux Libanais. La France a des projets pour vous aider ? Je pense que la France va beaucoup aider. J'imagine qu'on va compter énormément sur le support de la France. Les assistants en médecine sont privés de formation actuellement ? Leur formation est interrompue. On réfléchit à comment les recaser. Avez-vous des nouvelles à propos de la catastrophe elle-même ? C'est bel et bien dû à des négligences ? Il y a eu certainement beaucoup de négligences. Mais je n'en sais pas plus. Y a-t-il un autre facteur à l'origine ? Je n'en ai aucune idée. Au Liban, on ne peut malheureusement exclure aucune piste... Où étiez-vous au moment de l'explosion ? J'étais à 3 km de l'hôpital. C'est la raison pour laquelle je suis encore vivant.