Dans "Le Capitalisme contre les inégalités", l'économiste Yann Coatanlem et l'économiste Antonio de Lecea défendent l'idée que les inégalités ne se résument pas aux écarts de revenus, mais s'étendent à des dimensions sociales et économiques cruciales comme l'éducation, la santé et les conditions de travail. Les auteurs plaident pour des politiques publiques globales, notamment un revenu universel de base (RUB), afin de garantir une justice sociale tout en stimulant l'innovation et la croissance. Contrairement aux idées reçues, ils montrent que la réduction des inégalités renforce la prospérité économique. L'ouvrage appelle à réformer le capitalisme pour le rendre plus inclusif, sans sacrifier son dynamisme.
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Dans un monde où le discours dominant nous présente les inégalités économiques comme une fatalité ou, pire, comme une condition nécessaire à la prospérité, les auteurs de cet ouvrage viennent rompre avec ces idées reçues. Leur analyse fouillée des inégalités contemporaines ne se limite pas à un simple constat des écarts de revenus ; ils vont plus loin en examinant la pluralité des dimensions qui façonnent cette réalité complexe. Ce qui frappe dans leur approche, c'est la capacité à déconstruire l'idée simpliste selon laquelle il suffirait de redistribuer les richesses pour régler le problème. Les inégalités, disent-ils, sont bien plus qu'une question de chiffres sur un relevé de compte. Elles touchent à des aspects fondamentaux de l'existence humaine: l'accès à l'éducation, à la santé, à des logements décents, à des conditions de travail dignes. Ces dimensions non monétaires sont souvent occultées par une vision purement financière de la question. Pourtant, elles sont déterminantes. Comment comprendre les inégalités sans prendre en compte la discrimination ethnique ou de genre, les barrières sociales invisibles qui freinent la mobilité ou encore la qualité de l'environnement dans lequel chacun évolue? Ce tissu d'inégalités, interdépendant et profond, est précisément ce que les auteurs veulent mettre en lumière. Cette réalité quotidienne, qui échappe aux indicateurs traditionnels, est ignorée par ceux qui se targuent de "gouverner par les chiffres". Les politiques publiques actuelles, trop souvent guidées par des modèles économiques obsolètes, échouent à répondre à ces défis. Redistribuer des revenus, certes. Mais cela ne suffit pas. Les auteurs pointent la nécessité d'une approche plus globale, capable de s'attaquer aux inégalités à leur source: en réformant l'éducation, en garantissant un accès équitable aux soins, en instaurant des mécanismes de protection qui ne se contentent pas de colmater les brèches laissées par un système économique défaillant, mais qui renforcent la résilience des plus vulnérables face aux aléas de la vie. Leur proposition phare, le revenu universel de base (RUB), n'est pas qu'une simple mesure parmi d'autres ; c'est un vecteur de transformation sociale. Loin d'être une utopie gauchiste, il est ici présenté comme un levier pragmatique de libération individuelle et d'efficacité économique. Les auteurs montrent, exemples concrets à l'appui, que le RUB, déjà expérimenté dans plusieurs pays, permettrait de réduire à la fois la stigmatisation des bénéficiaires de l'aide sociale et les coûts administratifs exorbitants des dispositifs actuels. En simplifiant les mécanismes redistributifs et en garantissant à chacun une sécurité de base, le RUB pourrait libérer des énergies créatrices, stimuler l'innovation et, paradoxalement, renforcer l'esprit d'entreprise, en offrant à ceux qui souhaitent se lancer dans des projets risqués un filet de sécurité essentiel. Voilà qui est à contre- courant de l'idée que le RUB est une prime à la paresse. Mais l'ambition de cet ouvrage ne s'arrête pas là. En déconstruisant l'idée que l'équité et l'efficacité seraient incompatibles, les auteurs mettent à mal ce qu'ils appellent "l'un des mythes fondateurs du libéralisme". Non, disent-ils, il n'est pas nécessaire de sacrifier la justice sociale sur l'autel de la croissance. Bien au contraire: l'excès d'inégalités freine le développement économique, en minant la cohésion sociale et en réduisant la demande globale. Une société plus juste n'est pas seulement une société plus morale ; c'est aussi une société plus prospère. Ils s'appuient sur des exemples historiques et contemporains pour démontrer que les pays qui ont su maintenir des niveaux modérés d'inégalités ont souvent connu une croissance plus soutenue et plus durable que ceux qui ont laissé ces disparités s'aggraver. En fin de compte, ce que propose cet ouvrage, c'est une refonte en profondeur de notre modèle économique. Non pas une révolution, mais une révision ambitieuse des mécanismes qui régissent la répartition des richesses et des opportunités dans nos sociétés. À l'heure où la robotisation et l'intelligence artificielle menacent de creuser encore davantage les écarts entre qualifiés et non-qualifiés, entre ceux qui prospèrent et ceux qui sont laissés pour compte, les auteurs appellent à une prise de conscience collective. Le capitalisme peut être réformé ; il peut devenir un système plus inclusif, plus équitable, sans pour autant sacrifier son dynamisme. Mais pour cela, il faudra du courage politique, de l'imagination et, surtout, un changement de paradigme. Ce livre s'adresse à tous ceux qui refusent de se contenter des discours rassurants des élites économiques et politiques. À tous ceux qui croient encore que l'on peut conjuguer liberté individuelle et justice sociale, innovation et protection des plus vulnérables. À tous ceux qui veulent croire qu'un autre capitalisme est possible...